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Une valise à l’époque de la terreur

Publie le mardi 2 août 2005 par Open-Publishing
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Histoire d’une jeune fille, d’un bagage "suspect", d’une fausse alarme à la bombe avec maintes péripéties et négligences bureaucratiques

de GIANNI ROSSI BARILLI ROME traduit de l’italien par karl&rosa

Marta est une belle jeune femme de Rovigo, à la peau et aux cheveux clairs. Elle n’a pas de traits somatiques "suspects" sur la base des canons du choc des civilisations. Mais, elle aussi, a fait une faute, en voyageant en train avec une valise "à peur". En effet, sur la valise il y avait une inquiétante plaquette avec l’inscription "Emirates Airlines" (la compagnie nationale des Emirats arabes) et pour couronner le tout un auto collant bilingue, (anglais et arabe) où était écrit "bagage contrôlé".

Il n’en fallait pas plus pour semer la panique à la gare de Florence, qui dimanche soir a été évacuée justement à cause de la terrorisante valise, retrouvée sans surveillance dans les environs du quai 10 par les agents de la Police ferroviaire. Marta est une lectrice de Il Manifesto et elle est passée nous voir à la rédaction pour nous raconter l’expérience absurde qui lui est arrivée à la suite du vol de la valise "incriminée".

"Dimanche soir - dit-elle - je me trouvais dans un train Intercity de Rovigo à Rome, où je travaille. Je n’ai pas pu mettre la valise dans le compartiment à bagages parce qu’il n’y avait pas de place de sorte que j’ai été obligée de la laisser dans le couloir. A la gare de Florence, je suis descendue fumer une cigarette et quand je suis remontée la valise avait disparu. Je suis allée tout de suite voir la chef de train qui, par téléphone, a averti la Police ferroviaire de Florence, en décrivant la valise dans les menus détails, en donnant mes coordonnées et en spécifiant qu’elles étaient aussi écrites sur l’étiquette des Emirates Airlines, restée sur la valise après un voyage pendant lequel j’était passée par l’aéroport de Dubai. J’étais plutôt affolée parce que dans la valise il y avait mon passeport et que cette semaine je dois partir pour un voyage à l’étranger".

La chef de train, après avoir prévenu la Police ferroviaire de Florence, conseille à Marta de porter plainte pour le vol une fois arrivée à Rome. Et ici, la première surprise l’attend. A la Police ferroviaire de la gare de Termini (Rome, NdT) on lui fait des difficultés pour accepter la plainte, ne cédant qu’après quelque insistance, et ils n’appellent même pas leurs collègues de Florence ("de toute façon, maintenant le bagage est perdu", lui disent-ils).

"Lundi matin - continue Marta - je repart très tôt pour Rovigo parce qu’il me faut un nouveau passeport, j’arrive à dix heures et je me précipite à la Préfecture de police où (efficacité vénitienne) on me le délivre au bout de deux heures. Puis ma mère me dit qu’elle a lu sur Télévidéo que le soir précédent la gare de Santa Maria Novella (Florence, NdT) avait été évacuée à cause d’une fausse alarme à la bombe, provoquée par une valise que l’on avait fait exploser". Après quoi, un ami me dit avoir lu la même nouvelle dans un journal. A ce moment-là j’ai tiré mes conclusions et je suis allée tout de suite à la Police ferroviaire de Rovigo pour demander des explications". Là, elle parle avec un inspecteur, demande comment cela se fait que personne ne l’ait prévenue, malgré la plainte et elle proteste pour le dommage subi. "Il a répondu que le cas échéant ce sont eux qui auraient pu me demander d’être dédommagés. Ils n’étaient pas à mesure de recouper deux données et voulaient s’en prendre à moi".

Toutefois, Marta est une jeune fille décidée et demande qu’au moins ce qui reste de la valise lui soit rendu, mais on lui répond que c’est impossible parce que le corps du non crime a été mis sous séquestration judiciaire. Mais elle ne baisse pas les bras. "Je vais à nouveau à la Préfecture de police de Rovigo , je les convainc de solliciter la restitution de la valise et je suis satisfaite. Cette fois, ils se sont même excusés. Puis, je repars à Florence, où je suis reçue par une fonctionnaire de police qui s’excuse encore une fois et m’explique qu’il faut comprendre le climat d’alarme généralisé dans lequel nous vivons. Mais je me demande : croient-ils que les gens se sentent plus en sécurité maintenant ? Et quand on pense qu’il aurait suffi d’un contrôle par ordinateur ou d’un coup de téléphone entre la Police ferroviaire de Rome et celle de Florence". Finalement, la valise lui est rendue, évidemment un peu cabossée à cause de l’ouverture traumatique et avec une partie de son contenu détruite. "Une chance qu’elle ait été presque vide. Les voleurs, après l’avoir volée, l’avaient abandonnée dans la gare sans l’ouvrir. Peut-être ont-ils eu peur eux aussi à cause des inscriptions en arabe ?".

Plusieurs centaines d’euros de dommages et 1800 kilomètres de va et vient à travers l’Italie en moins de vingt quatre heures à la chasse d’un bagage perdu sont le bilan de l’histoire. "Être liquidée avec la valise à moitié détruite dans un sac poubelle me met en colère. Je me suis sentie traitée comme une petite fille stupide et je trouve grave qu’ils aient même essayé de décharger toutes les responsabilités sur moi". La loi, d’un autre côté, a toujours raison.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

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