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Un maoïste italien coincé à Fresnes par le juge Thiel

Publie le vendredi 12 août 2005 par Open-Publishing
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Angelo d’Arcangeli, 21 ans, est poursuivi pour association de malfaiteurs parce qu’il a côtoyé deux leaders d’une organisation clandestine.

de Karl LASKE

Les policiers de la Division nationale antiterroriste (DNAT) ont fait sauter la serrure de la colocation, le 19 juillet à 6 heures du matin. Jérémie s’apprêtait à ouvrir. Xavier dormait. Angelo s’était réveillé. Quant à Elise, elle était déjà partie. La DNAT venait chercher Angelo d’Arcangeli, 21 ans, sur commission rogatoire du juge d’instruction Gilbert Thiel. Jérémie est jeté à terre et menotté. Xavier, réveillé par les menottes. « Les flics ont mis mes deux colocs dans le salon, explique Elise. Ils me cherchaient partout. Ils ont trimballé Angelo de pièce en pièce. Ils ont tout retourné. Ils ont saisi un drapeau "Pace" et des photos de moi. »

Ecoutes. Elise se définit comme libertaire, Angelo, son copain, est maoïste. Arrivé en France en décembre, Angelo est surtout trop proche, aux yeux des policiers, de deux leaders italiens du Nouveau Parti Communiste italien (nPCI), Giuseppe Maj (prononcer Maï), 66 ans, et Giuseppe Czeppel, 45 ans, écroués en mai. Alors qu’Angelo était placé en garde à vue, Elise rejoignait ses colocs pour « une audition », rue des Saussaies, siège de la DNAT. « Ils m’ont dit que je me faisais embrigader par une organisation puissante, raconte Elise. Comme je niais qu’il était mon copain, ils ont été pesants sur les écoutes des conversations que j’avais avec Angelo... De toute façon, on l’a retrouvé à poil dans votre lit, ils m’ont dit. » Les policiers semblent persuadés qu’il y a « des armes ». Et cette seule conviction semble avoir conduit le juge Gilbert Thiel à mettre en examen Angelo d’Arcangeli pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Un motif contesté par l’intéressé et son avocat. Me Henri de Beauregard dépose aujourd’hui une requête en annulation de mise en examen auprès de la chambre de l’instruction. « Avec cette affaire, le juge Thiel est tombé dans le maccarthysme judiciaire, commente l’avocat. Le dossier ne démontre pas que d’Arcangeli appartienne à une quelconque organisation. Je ne vois pas non plus quel a pu être son objectif infractionnel, et encore moins le but terroriste. »

En décembre, Angelo a quitté une famille de notables de Priverno (près de Rome) pour « faire de la politique » en France. Fréquentant sans se cacher les lieux de rendez-vous de l’extrême gauche parisienne, et occasionnellement ceux d’Attac, Angelo s’est aussi inscrit à la fac ­ en sciences politiques ­ pour la prochaine rentrée universitaire. « Le nouveau parti communiste italien est clandestin, pas illégal », tient à préciser Elise. Angelo aurait surtout fréquenté Giuseppe Maj alors que celui-ci était en fuite. Selon ses amis, les policiers l’ont trouvé en possession de lettres adressées à Maj et aussi du portable abandonné par le leader. Un maigre butin pour qualifier l’« association de malfaiteurs ».

Non-lieux. Soupçonnés à tort d’être mêlés aux attentats commis en Italie par les nouvelles Brigades rouges (dites du Parti communiste combattant), les deux Giuseppe avaient été interpellés une première fois, en juin 2003, à Paris. Libérés sous contrôle judiciaire, ils avaient décidé de « passer à la clandestinité » en décembre 2004, avant d’être encore arrêtés récemment. A deux reprises, ils ont été trouvés en possession de faux papiers et d’un petit nécessaire pour en fabriquer ­ logiciel, imprimante, rivets. Mais ni armes ni projets d’attentats.

Depuis 1981, Giuseppe Maj a fait l’objet de poursuites pour « association subversive » par les parquets de Bergame, Venise, Milan et Rome, closes par des non-lieux. D’autres enquêtes ont été relancées depuis 1999. « C’est vrai qu’Angelo voulait suivre Maj, remarque Elise. Moi j’ai toujours fui les organisations, la hiérarchie, contrairement à Angelo. Lorsqu’ils ont choisi la clandestinité, ils savaient que la police et les services secrets allaient les suivre. » Elise fait une thèse sur les conséquences de Mai 68 sur l’éducation en France et en Italie. Angelo, lui, dort à la prison de Fresnes, écrou n°920040.

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