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L’administration américaine, trop obsédée par la menace terroriste pour réagir à une catastrophe naturelle ?

Publie le mercredi 7 septembre 2005 par Open-Publishing

En juillet, des enquêteurs du Congrès avaient déjà mis le gouvernement américain en garde : les personnels des divers organismes chargés des secours d’urgence dans le pays se plaignaient d’un dispositif, tant financier que matériel, trop axé sur la lutte contre le terrorisme, et pas assez sur la gestion des catastrophes naturelles.

Il est trop tôt aujourd’hui pour dire si cette obsession du terrorisme aura joué sur l’inquiétante lenteur de la réponse fédérale à l’ouragan Katrina. Mais déjà, certains responsables des services d’urgence hissent le drapeau rouge, jugeant la question "très, très légitime", à l’image de James Loy, ancien secrétaire adjoint au département de la Sécurité intérieure, qu’il a quitté cette année.

Tout a commencé en mars 2003, quand la FEMA (Federal Emergency Management Agency), l’agence chargée de la gestion des situations d’urgence, a perdu son indépendance : elle a rejoint les 22 autres agences rassemblées au sein du gigantesque département à la Sécurité intérieure (DHS, Homeland Security), le mammouth chargé de coordonner la réponse fédérale à toute catastrophe sur le sol américain.

Né en 2002 en réaction aux attentats du 11 septembre 2001, ce "super-ministère" avait pour ambition de régler le manque de coordination d’avant le drame entre les différentes agences sécuritaires du pays. Sa mission était claire : empêcher tout nouvel attentat sur le sol américain.

En son sein, "catastrophe" est donc devenu synonyme d’attentat, et la politique "tous risques" mise sur pied traitait de la même manière le risque terroriste et le risque naturel. La FEMA, elle, avait tout au long de son existence indépendante passé 99% de son temps à gérer des catastrophes naturelles.

C’est ainsi que dans les quatre années écoulées, 11,3 milliards de dollars ont été débloqués du niveau fédéral vers les Etats et gouvernements locaux pour qu’ils se préparent à répondre à une attaque terroriste d’envergure.

En juillet, les enquêteurs du GAO (Governement Accountability Office), qui au Congrès examinent l’affectation des dépenses fédérales, se faisaient donc l’écho des inquiétudes au sein de 39 départements chargés des situations d’urgence : 31 d’entre eux considéraient qu’on ne pouvait pas gérer de la même manière des risques si différents, et notaient que le DHS mettait trop l’accent sur le terrorisme. Ils avaient "davantage besoin d’aide à la préparation des catastrophes naturelles et accidentelles", et réclamaient une plus grande souplesse quant à l’utilisation des fonds, selon le rapport du GAO.

Car les programmes financés portaient en effet sur la lutte contre les armes de destruction massive, et la réponse en cas d’attaques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. En janvier, le DHS, qui avait aussi mené plusieurs études sur la vulnérabilité de la Nouvelle-Orléans aux ouragans et inondations, connaissait la situation.

Russ Knocke, porte-parole du DHS, réaffirme pour sa part l’orientation "tous risques" de la Sécurité intérieure. Pour lui, l’intégration de la FEMA dans le DHS n’a fait qu’"accroître les capacités de l’agence à remplir sa mission" car elle peut utiliser plus directement des ressources dépendant aussi du "super-ministère", Garde-côtes ou agences de sécurité.

Reste qu’aujourd’hui, reconnaît-il, le DHS va devoir évaluer sa réaction à l’ouragan Katrina. Le Congrès pour sa part envisage aussi de se pencher sur la lenteur des secours.

En tous cas, note John Rollins, ancien officier du renseignement au sein du DHS, "ayant été prévenus trois jours à l’avance de la localisation globale du point d’impact de Katrina et de sa force estimée, je me serais attendu à ce que nous soyons mieux préparés". "Nous n’aurions certainement pas bénéficié du luxe de connaître à l’avance le moment et le lieu en cas d’attentat terroriste contre les digues" protégeant la Nouvelle-Orléans. AP

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