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Allemagne, quelle démocratie ?

Publie le mardi 20 septembre 2005 par Open-Publishing
7 commentaires

de Bernard Lallement

En Allemagne, les urnes ont parlé, le pays murmure et les états-majors jacassent. Chacun sait qu’en coulisses les palabres vont bon train à la recherche d’un improbable gouvernement fédéral.

Les pronostics de la presse d’outre-rhin donnent l’image d’une classe politique que les surréalistes n’auraient pas reniée. Le vainqueur, Angela Merkel, prend des airs de défaite et le perdant, Gerhard Schröder, entonne le champ de la victoire. Quant aux perspectives, les Allemands auraient le choix entre diverses formes de coalitions, de la "grande" CDU-CSU-SPD, à celle qualifiée de "feu tricolore : rouge-jaune-vert" (Ampelkoalition) SPD-FDP-Verts en passant par la "jamaïcaine : jaune-noir-vert" CDU-CSU-FDP-Verts.

Pourtant, au-delà de ces plaisantes appellations très new age le scrutin nous permet de tirer trois enseignements à méditer pour nos propres échéances.

Tout d’abord, il marque, encore une fois, l’échec des sondages qui avaient donné la candidate de la CDU largement en-tête. Et, dans une démocratie, il faut se féliciter de voir l’Oracle statistique déchu de ses prérogatives à prétendre définir les destinées humaines. "L’homme qui pense pour un autre n’a pas de sens" rappelait Sartre.

Ensuite, il est clair que les électeurs ont entendu rejeter le libéralisme qui marquait les projets sociétaux des deux principaux partis. Ceci n’est pas sans rappeler les résultats du scrutin référendaire en France.

Enfin, les élections allemandes semblent marquer la fin du bipartisme et du mythe voulant que les démocraties occidentales se gouvernent au centre. La disparité des voix entre les diverses sensibilités politiques et le faible score des deux partis dominants n’ont pas d’autre explication.

Mais surtout, la classe dirigeante de nos sociétés développées montre son incapacité à penser le monde, à l’échelle de l’homme, dans le sens d’une réappropriation du politique par le citoyen et à concevoir un modèle social qui envisage une tout autre façon de "vivre ensemble" que celle actuellement en vigueur générant son cortège croissant d’injustices et d’inégalités.

Jadis, l’économie se voulait imprégnée d’humanisme. Dans la tradition platonicienne, Adam Smith avait démontré qu’aucune société ne peut prospérer si tous ses membres ne peuvent jour d’un revenu suffisant leur permettant de se "montrer sans honte en public."

Epoque et pensée reléguées au magasin des illusions perdues.

Aujourd’hui, le grand gourou à la mode dans les capitales occidentales s’appelle Friedrich A. Hayek, économiste autrichien et théoricien du libéralisme absolu. Selon ses préceptes, ce n’est pas au facteur humain de déterminer la répartition appropriée des richesses et des biens, mais aux marchés auxquels il convient de donner une totale liberté.

Günther Anders avait envisagé un monde où l’homme serait dominé par la Machine. Nos nouveaux penseurs ne le conçoivent pas autrement que sous l’aulne de la seule science économique libérale. Il n’est pas démontré que ce monde-ci soit, en définitive, plus enviable que ce monde-là.

http://sartre.blogspirit.com

Messages

  • le rejet du libéralisme ???????????
    avec un FDP au sommet, une droite ultra libérale à plus de 35 % et un schroeder libéral insuffisament sanctionné, j’appelle cela un prébicite au libéralisme...
    Seuls 10% resistent !

    • D’accord avec le message précédent : ceux qui résistent ne sont même pas 10 % ! Ils sont plutôt marginaux par rapport à l’ensemble de l’électorat, alors ça incite même les médias français à les qualifier d’extrême-gauche, contre toute évidence !!

    • C’est méconnaître le culture politique allemande. Si avec le Linkspartei on est arrivé à ce qu’on espérait, c’est à dire l’émergence d’une gauche qui compte dans les urnes (sur l’ensemble de l’Allemagne) et à empêcher que les deux gros partis néolibéraux accèdent à le majorité, je reste interloqué par l’ampleur de la débacle et par la foire qui s’installe. En un mot, je suis aux anges. Oui, c’est un rejet des politiques anti-sociales, oui la CDU et le SPD ont perdu.Le Linkspartei, avec presque 9 % a gagné. Je n’étais pas en Allemagne au moment des résultats, mais sûr j’aurais fait la fête avec mes camarades du Linkspartei. Mon jeune fils qui a tout juste l’âge de voter et qui pensait que de France je n’avais pas suivi les résultats à eu en trois mots une parfaite analyse : "ils veulent tous les deux être Kanzler, mais ils ont tous les deux perdu".

      L’un, après une série de très dures défaites électorales courrait après un chèque en blanc : c’est raté. L’une pensait, suite à une série de victoires électorales et de sondages prometteurs récupérer le mécontentement : c’est raté.

      C’est qu’entre les deux il y a eu le Linkspartei qui non seulement a raflé 9 % des voix, mais surtout a posé les vraies questions.

      Dans tout cela, c’est l’avenir des gens qui y gagne.

      jmw

    • vous êtes bien candides plutot que tenter de l’interieur à changer le spd, vous l’avez donné à la droite, et la droite va gagner... Le links partei va tout simplement signifier grande dupression de l’etat providence, de l’écologie, de la paix etc... Ok Schroeder c’est pas la panacée mais je préfère un schroeder qu’une merkel !! La différence est enorme c’est comme entre jospin et la droite...
      ils ont perdu ??? Faire 35% dès le premier tour chacun j’appelle pas cela une débacle, perdre 3% chacun c’est rien du tout... Je rappelle qu’en France pour moins de candidats qu’en allemagne(en allemagne on le sait peut etre pas mais y a des candidats marxistes leninistes, trois partis d’extreme droite, des anarchistes etc...) les gros font à peine plus que de 15 20%...
      Alors vous me faite bien rire, encore une fois comme en 2002, vous favoriser l’extreme droite... car merkel c’est une bushiste, favorable à la guerre en irak, a la suppression de l’etat providence, au refus de la turquie..., à la supression e la politique écologique mise par la coalition rouge verte... Et arretons aussi avec les jobs à un euro, c’est un euro+ le chomage donc mieux que les rma.

    • vous allez avoir bonne mine si le spd et la cdu forment une grande coalition !
      d’apres ce que vous ecrivez vous envisageriez en france une alliance strauss kahn + sarkosy pour empecher le liberalisme de faire des ravages dans notre protection sociale et nos services publics , et tout cela serait bien sur la faute des affreux nonistes qui en votant a gauche auraient empeché le ps de gagner ;
      vive la coherence et l’analyse politique !
      allez reconnaissez que le spd n’est plus qu’un parti liberal et vous comprendrez alors pourquoi 8.7% des allemands ont voulu avoir un vrai parti de gauche .

  • D’abord il y en a qui ne voulaient pas d’une femme à la Chancellerie, ils ont voté "Tout Sauf Angie" ; puis il y a ceux qui veulent plus de libéralisme, ils ont donné leur voix aux ultra-libéraux du FDP, dirigés par un Gay fière de l’être, (c’est pas en France qu on verrait ca) ; il y a ceux qui veulent un filet social aux réformes libérales, ils ont passé du SPD et des Grünen à die Linke dirigée par les anciens staliniens du SED parti unique de l’ex Paradis Populaire de l’Est et un ex-faiseur de Chancelier trompé par son poulain Schröder, Oskar Lafontaine ; justes reflets des blocages de la société allemande. Succès de la démocratie, tout n’est pas si vert, noir, rouge ou jaune. Il faut composer, y a plus d’ EIN REICH, EIN VOLK, EIN FUHRER, mais des aspirations contradictoires à satisfaire. Libéralisme ou Socialisme, c’est terminé, y a plus de solution unique avec des -ismes aus problèmes de nos sociétés. Il faut inventer le 21ème siècle en Europe aussi, nous sommes tous des électeurs allemands. Vive l’entrée de la Turquie dans l’Europe qui n’est plus franco-allemande.
    Philippe Leuropéen.