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Les cinq Cubains : "Plus que des prisonniers, ce sont des séquestrés"

Publie le mercredi 28 septembre 2005 par Open-Publishing

Entretien réalisé par Cathy Ceïbe

Rosa Aurora Freijanes est l’épouse de Fernando Gonzalez, l’un des cinq Cubains, condamné à dix-neuf ans de prison.

Les raisons de l’arrestation des « cinq »...

Rosa Aurora Freijanes. Ils ont été arrêtés le 12 septembre 1998 sur la base de fausses inculpations. On les a accusés de conspiration, d’espionnage et d’assassinats, de fausses identités pour certains et de ne pas s’être signalés comme agents étrangers. En réalité, ce qui leur est reproché, c’est la lutte contre le terrorisme développée par Cuba. Depuis 1959, dans le sud de la Floride, des émigrants de mon pays, des tortionnaires de la tyrannie de Fulgencio Batista, qui a coûté la vie à plus de 20 000 Cubains, se sont consacrés à préparer des actes terroristes contre Cuba. Ces personnes ont compté avec l’appui politique et économique des gouvernements des différentes administrations nord-américaines.

Leurs attaques terro- ristes ont coûté la vie à près de 4 000 Cubains, 2 999 personnes souffrent de handicap. Dans ce contexte, les « cinq » partent pour les États-Unis pour chercher des informations. Leur procès, qui a eu lieu à Miami, s’est déroulé dans un climat hostile. Les jurés ne pouvaient pas être impartiaux en raison des pressions politiques et économiques. Après sept mois de procès, les cinq ont été reconnus coupables de toutes les charges qui pesaient contre eux. En les enfermant dans des cellules d’isolement, en classifiant certains documents du dossier, la justice a gêné le travail de leurs avocats. Ces derniers ont d’ailleurs demandé à ce que le procès ait lieu ailleurs qu’en Floride. Mais le ministère public s’y est opposé, violant ainsi les droits constitutionnels imprescriptibles de la propre loi américaine. C’est ce que souligne la cour d’appel du tribunal d’Atlanta, qui, le 9 août 2005, a déclaré le jugement nul et révoqué les sentences, en se basant sur la non-viabilité du lieu du jugement, les préjugés du jury et les obstacles imposés aux avocats.

Le groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires pointe également l’impartialité de leur procès...

Rosa Aurora Freijanes. Le 27 mai 2005, ce groupe a relevé les failles du procès évoquées précédemment. Ces conclusions sont très importantes, car elles sont formulées par cinq experts internationaux. Au même titre que les trois juges nord-américains de la cour d’appel d’Atlanta, ils ne sont pas liés à Cuba. Jusqu’à présent, seule la parole de Cuba et des proches des familles existait. Désormais, ce que nous réclamions avec force est formulé de manière publique par des voix internationales habilitées à le faire.

Comment rompre l’isolement qui entoure les « cinq » ?

Rosa Aurora Freijanes. En faisant connaître l’histoire de ces cinq hommes emprisonnés, de la seule manière possible : en cherchant des informations et depuis leur propre pays, éviter des attentats. Car ce n’est pas en envahissant des pays que l’on parviendra à contenir le terrorisme.

Quel est leur état d’esprit ?

Rosa Aurora Freijanes. Positif, car ce sont des hommes qui ne regrettent rien. Ce sont des hommes qui, à un moment déterminé, ont décidé de tout donner, y compris leur vie. Ils ne fléchissent pas malgré les conditions de détention hostile. Ils ont été exposés sur la scène publique durant sept mois. Pendant près d’un an, la presse de Miami les a maltraités. Sept années de prison sont largement suffisantes. Ils sont disposés à affronter un deuxième procès. Mais je considère qu’ils doivent être libérés. Il n’est plus possible d’entendre ce double discours des États-Unis selon lequel il faut lutter contre le terrorisme et dans le même temps jeter en prison des personnes qui luttent réellement contre le terrorisme. Luis Posada Carriles, qui n’est peut-être pas très connu en Europe, est le Ben Laden de notre hémisphère. Il est l’auteur de plusieurs attentats, dont celui contre un avion cubain. C’est un bourreau notoire et avéré qui jouit pourtant du soutien de la CIA et du FBI. Nous avons besoin d’aide. Certains purgent de lourdes peines, comme Gerardo Hernandez, condamné à la double perpétuité. Sa fem- me, Adriana, ne l’a pas vu depuis sept ans car les États-Unis lui refusent un visa. Depuis sept ans, à peine ont-ils pu correspondre par courrier ou se parler au téléphone. Olga et René vivent une situation similaire. Yvette, leur fille, ne connaît pas son père. Il l’a vu pour la dernière fois lorsqu’elle avait trois mois. Nous exigeons leur liberté, et nous demandons également que ses couples puissent se rencontrer et vivre quelques instants de bonheur malgré la prison.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-09-25/2005-09-25-814651