Accueil > L’esprit de Résistance ...

L’esprit de Résistance ...

Publie le dimanche 13 novembre 2005 par Open-Publishing

de Alain Gresh

Décédé le jeudi 11 novembre, le président Yasser Arafat aura symbolisé l’aspiration des Palestiniens à un Etat national et à l’indépendance.

Né le 24 août 1929 au Caire, où il passe la plus grande partie de son enfance, Yasser Arafat n’en est pas moins palestinien et lié, par son père, à la puissante famille des Al Husseini. Il abandonne l’université du Caire, en 1948, pour participer aux combats en Palestine. Après la défaite, il se réfugie à Gaza, puis retourne au Caire en 1950 et reprend ses études supérieures, qui feront de lui un ingénieur des travaux publics. C’est au Koweït où il travaille qu’il fonde le Fatah (mot forgé à partir des initiales arabes de Mouvement de libération nationale).

Cette organisation met l’accent sur le rôle central des Palestiniens dans la libération de leur patrie et exprime sa méfiance à l’égard des régimes arabes. Cette vision d’Arafat et de ses compagnons explique les relations complexes que le mouvement palestinien entretiendra avec les différentes capitales du Proche-Orient. C’est d’ailleurs la défaite de l’Egypte, de la Syrie et de la Jordanie face à Israël, en juin 1967, qui crée les conditions d’affirmation de la lutte armée palestinienne indépendante. Fort du prestige des fedayins, les combattants palestiniens, Yasser Arafat prend la tête du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), un cadre qui réunit les différents groupes palestiniens (Front populaire pour la libération de la Palestine, de George Habache, Front démocratique de libération de la Palestine de Nayef Hawatmeh, Saïka, inféodée à la Syrie, etc.).

Sans revenir dans le détail sur la biographie du dirigeant palestinien, il est important de rappeler les grands acquis de son combat.

Yasser Arafat aura réussi à faire reconnaître l’OLP comme le seul représentant du peuple palestinien et aura fait de cette organisation le symbole de l’unité d’un peuple et de son désir d’indépendance ; il aura réussi à faire renaître la question palestinienne et à la maintenir posée sur la carte politique du Proche-Orient, malgré toutes les tentatives de liquidation aussi bien arabes (Septembre noir - 1970 - en Jordanie, intervention syrienne au Liban en 1976) qu’israéliennes.

De plus, Yasser Arafat est le premier dirigeant palestinien à avoir pris acte de la situation créée par l’émergence de l’Etat d’Israël et de la présence de plusieurs millions de citoyens juifs israéliens. Après avoir prôné, dès 1969, un Etat démocratique unique où cohabiteraient juifs, musulmans et chrétiens, il s’est prononcé à partir de 1974 en faveur de la création d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël. Et il a convaincu l’OLP et son peuple de la nécessité de ce compromis.

La signature des accords d’Oslo, le 13 septembre 1993, a confirmé que Yasser Arafat était prêt à jouer le jeu de la négociation et d’une solution politique. Il est rentré à Gaza, a installé l’Autorité palestinienne, dont il a été élu président, au suffrage universel, en février 1996. Sa gestion très décriée, souvent à juste titre, de l’appareil gouvernemental et sécuritaire palestinien, ne l’a pas détourné de ce qui était son objectif fondamental : obtenir le retrait des troupes israéliennes des territoires occupés. Il a tenté, au long des années, de naviguer entre la mauvaise volonté israélienne (poursuite de la colonisation, retard dans l’application des accords de retrait, etc.) et l’exaspération croissante de son peuple (que reflète la montée en force du mouvement Hamas).

Contrairement à une vision entretenue par une certaine propagande israélienne, Yasser Arafat n’a pas refusé, au sommet de Camp David de juillet 2000, de « généreuses propositions » du premier ministre Ehoud Barak.

En réalité, et cela est confirmé par de nombreux observateurs, y compris américains, présents aux négociations, le plan de M. Barak prévoyait qu’Israël garderait près de 10 % de la Cisjordanie, l’essentiel de la Jérusalem-arabe et restait muet sur la question des réfugiés.

Que M. Arafat ait parfois mal géré la situation créée par l’échec de Camp David est un fait, qu’il ait commis bien des erreurs d’appréciation aussi, mais la responsabilité première de l’effondrement du processus de paix revient à ceux, Israéliens et Américains, qui ont rejeté la création d’un Etat palestinien sur l’ensemble de la Cisjordanie et Gaza avec Jérusalem-Est comme capitale.

Le déclenchement, fin septembre 2000, de la seconde Intifada, a témoigné de l’exaspération de la population palestinienne.

L’élection de M. Ariel Sharon, en février 2001, a favorisé une escalade de la violence, la destruction de toutes les infrastructures politiques et civiles palestiniennes, les attentats-suicide, etc.

Confiné dans la Mouqataa, Yasser Arafat a symbolisé ces derniers mois le refus des Palestiniens de céder au diktat de M. Ariel Sharon. Il a confirmé l’esprit de résistance qui anime son peuple, malgré de terribles souffrances.

Le processus de paix pourra-t-il être relancé ? M. Sharon et M. Bush ont tellement répété que Yasser Arafat était le principal obstacle à la paix que l’on devrait, en bonne logique, assister rapidement à une solution. Les deux dirigeants s’engageront-ils dans cette voie ? Faudrait-il encore qu’ils acceptent la seule condition à l’établissement d’une paix juste, la création d’un Etat indépendant palestinien sur tous les territoires occupés depuis plus de trente-cinq ans.

http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=1717