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Impropriété des mots , ordre et mensonges

Publie le dimanche 13 novembre 2005 par Open-Publishing

de Badia Benjelloun

Mot repris par le plus grand nombre de ceux qui commentent, réprouvent, opinent en la fournissant comme explication, justification, excuse ontologique, la désespérance serait le moteur de ce mouvement d’insurrection dans les banlieues.

Or, le terme est rance, comme la gouvernance qui le suppose est impropre.

Le désespéré ne saurait en effet espérer se faire entendre, il peut à la rigueur se faire mélancolique, devenir dandy avec le spleen porté au revers de la redingote, s’enflammer lui-même comme le bonze dans un geste sacrificiel, ou plus prosaïquement rejoindre la cohorte des adolescents et jeunes suicidants dont débordent les consultations psychiatriques dans ce monde occidental et riche et développé et civilisé.

Se redresser et affirmer sa dignité face à un dispositif édifié pour terroriser et humilier procède au contraire d’une excellente santé mentale et d’une foi en l’avenir.

Autre tournure incongrue répétée à l’envi , “intégration” est martelé comme mot d’ordre, au sens premier de la locution ; dans un monde livré à la dérive sans entrave ni régulation du capitalisme , or s’ il est fait l’injonction à la jeunesse suburbaine de se faire assimiler en rejoignant les rangs des consommateurs d’abord travailleurs éventuels ensuite , le système l’a exclue et de manière de plus en plus impérative. Car si le chômage au niveau national oscille autour des 10% , selon les exigences du FMI et des politiques anti-inflationnistes, celui des jeunes au niveau de la moyenne nationale est autour de 20% , alors que des jeunes de banlieues dépasse les 40% par endroit.

Le premier trait de la corruption des moeurs est le bannissement de la vérité , et la saison en est gâtée écrivait Montaigne à propos du mentir , désormais une vertu chez les Français. On s’y façonne, on s’y forme, comme à un exercice d’honneur et la dissimulation est des plus notables qualités de ce siècle.

Il eût été loisible au ministre de la sécurité intérieure de ce pays de s’en remettre à la procédure habituelle de l’esquive et de brouillage des responsabilités si il avait promis de diligenter une enquête sur les circonstances du décès des deux enfants à Clichy , et du jet de la grenade lacrymogène dans un lieu de culte musulman plein de fidèles.

Il a choisi le mode dénégatoire.
Le plus efficace des modes affirmatifs.
Il a opté pour un mensonge arrogant tant est aisée la vérification des faits , n’hésitant pas à contredire, “ en temps” réel les fonctionnaires de son ministère .

Les politiques nous ont sans vergogne ces dernières décennies fait étalage de leur corruption et forfaiture , et bénéficié d’une impunité dans un cadre juridique retaillé par eux pour leur usage.

Dès lors, comment une quelconque autorité éducative, parentale ou enseignante, peut-elle instruire une morale citoyenne et républicaine sans faire rire les enfants abreuvés aux JT de 20 heures qui même tout à la dévotion de l’oligarchie au pouvoir laisse savoir les bakchichs des HLM , le prix exorbitant des sandwichs et des billets d’avion de la mairie de Paris.

Et le monde occidental peine à offrir un modèle universaliste à ses ex-colonisés qui migrent vers lui dans un mouvement irrépressible, quels que soient les périls encourus à franchir les murailles dont il s’entoure.

De plus en plus rétracté sur lui-même , il est incapable de se renouveller démographiquement sans la contribution des populations immigrantes. Ici encore, le mensonge démagogique veut cacher la nécessaire “importation” de 120 000 adultes en bonne santé par an pendant cinquante ans pour maintenir seulement la population active à son niveau actuel. Le Commissariat Général au plan a réfuté comme idéologiquement inadaptée l’hypothèse de l’immigration de 84 millions d’ici 2050 pour maintenir la proportion des personnes âgées à son taux relatif d’aujourd’hui. La pyramide des âges se rétrécit à sa base et s’élargit à son sommet , inexorablement.

Les émeutes sont éminemment politiques.

Et ici il est ,faut-il le souligner, inconvenant de parler de violence sous une accepion générique, celle qui sème la confusion entre la “bavure” d’une force de l’ordre qui a fonction de protéger et qui assassine et celle sans conséquence péjorative notable , sinon de calciner quelques biens de consommation renouvelables, de jeunes gens révoltés .

Elles énoncent non seulement une réalité économique mais un déficit réel dans l’élaboration du politique par les élites européennes et particulièrement françaises.

L’amnésie entretenue des crimes de la colonisation française , avec le travail soutenu des nostalgiques de l’Algérie française, la perte de consistance des formations de gauche, y compris dans ses versions syndicalistes sont la condition de la discrimination envers les générations issues de générations antérieures d’immigrés , considérées comme pas "totalement françaises" dans le discours courant et officiellement admis.

Sur pratiquement tous les sujets qui devraient les opposer, le parti socialiste français talonne sur ses positions le parti conservateur au pouvoir, aussi bien concernant l’approbation de l’ultralibéralisme , en particulier au travers du vote approbateur du projet de constitution européenne, que celle de la prétendue “sécurité”.

C’est bien avec l’avènement de Mitterand au pouvoir que par des mesures fiscales appropriées l’investissement dans le travail a été disqualifié et que les bénéfices des spéculateurs en bourse sont devenus colossaux.
C’est un ancien ministre socialiste, actuellement maire d’arrondissement à Paris qui proclame en séance publique refuser l’application des 20% de logement social au prétexte que ce dernier enrichirait son quartier en pauvres, et “donc “ amènerait et de l’insécurité et du trafic de drogue. Autant de choix qui confortent la ghettoïsation des plus démunis et qui rappellent les accents de haine sociale dans les propos proférés par les bourgeois en 1848 et 1871.