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Texte de la Compagnie Maguy Marin

Publie le vendredi 4 juillet 2003 par Open-Publishing

Le bras de fer engagé entre le Medef et le monde du travail sous la
bienveillance du gouvernement libéral de Monsieur Raffarin se
prolonge cet été en conflit ouvert avec les professionnels du
spectacle qui ne sont pas prêts à accepter l’accord qui leur est
imposé.

Cet accord masque mal une décision froide et logique d’élimination
des plus faibles et des moins rentables et qui, comble du cynisme, se
voudrait le fruit d’une concertation démocratique.

Les choix qu’entraînent la vision du monde du Medef et des
capitalistes s’éclaircissent au fur et à mesure des réformes
proposées par le gouvernement Raffarin.

Dans tous les domaines ne comportant pas des enjeux marchands
s’exerce, aujourd’hui,une pression persistante qui cherche à détruire
l’idée d’une société solidaire. Une société créatrice de valeurs dont
le produit ne peut se compter en chiffre d’affaires et que des années
de luttes ont permis d’inscrire dans les priorités de la nation.

La culture au même titre que l’éducation, la santé et l’hospitalité
sont ces priorités qu’il nous faut défendre à tout prix. Elles ne
peuvent pas dépendre des idéologies et des gouvernements qui se
succèdent à la tête de l’Etat.

Si les comptes spécifiques des intermittents du spectacle présente un
déficit, pourquoi ne pas légiférer afin de mettre fin aux abus
systématiques, dans l’industrie du spectacle, de l’audiovisuel et du
divertissement, secteurs qui emploient des intermittents afin
d’augmenter les bénéfices déjà exorbitants distribués aux
actionnaires ? Pourquoi ne pas soumettre ces bénéfices à un
prélèvement social égal à celui qui est prélevé sur les salaires ?
Pourquoi ne pas envisager que toutes les entreprises commerciales qui
vivent de la culture et des artistes versent l’ensemble de leurs
cotisations sociales sur un même compte ? Enfin, pourquoi choisir
d’envoyer au RMI des milliers d’hommes et de femmes qui vouent leurs
vies à l’art et à la culture avec autant de mépris alors même que
c’est de ce terreau fertile que surgissent les artistes et les ¦uvres
 ?

L’accord du 26 juin est contesté par les intermittents car ils savent
bien que cette réforme sert une politique qui n’a d’autre résultat
que d’augmenter la place de plus en plus imposante d’une « culture »
de profit abrutissante et manipulatrice. Une politique qui répond aux
lois du marché de masse mondial en éliminant tous ceux qui, d’une
façon ou d’une autre, dans leur champ d’action, résistent à cette
dégradation de la pensée.

Le conflit actuel montre à l’évidence l’importance des retombées
économiques, pour les villes et les régions, en terme d’activités
directement induites par l’activité artistique. La création produit
en effet de la richesse économique mais, sa raison d’être échappe par
nature à des buts commerciaux. Elle doit être défendu parce qu’elle
contribue à la construction de la pensée des individus, à faire
travailler notre imaginaire et dans ce sens, elle peut nous amener à
réinventer le monde.

Il existe différents types d’hommes, il y a parmi eux les hommes du
Medef et les poètes. Les hommes du Medef sont des hommes qui
ressemblent à des hommes du Medef. Ils aiment le profit. On ne peut
pas attendre d’eux qu’ils s’intéressent aux poètes. Ce ne sont pas
les mêmes hommes que les poètes. Pour les hommes du Medef, un poète
est un rêveur paresseux qui ne rapporte pas d’argent. Le Medef a
besoin d’hommes travailleurs qui, d’une part, ne leur coûtent pas
d’argent et qui, d’autre part, leur en font gagner beaucoup. Il y a
dans le monde entier plusieurs Medefs, et ces Medefs se parlent entre
eux en renforçant leur emprise. Car les Médéfiens aiment le pouvoir.
Ils sont des hommes de pouvoir. Ils sont proches des hommes qui sont
au pouvoir. Les hommes qui sont au pouvoir finissent souvent par
ressembler aux hommes du Medef car l’exercice du pouvoir fait goûter
aux avantages du pouvoir qui ressemblent aux avantages des hommes du
Medef. C’est pourquoi un gouvernement constitué d’hommes politiques
qui ressemblent aux hommes du Medef s’accordent forcément avec les
choix de leurs amis du Medef. Tant pis pour les poètes, c’est bien
fait pour eux !

Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-pape/Compagnie Maguy
Marin Le 4 juillet 2003