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La condescendance de Libération pour les associations noires !

Publie le lundi 30 janvier 2006 par Open-Publishing
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Article paru dans Libération du 30 Janvier 2006

par Didier ARNAUD

ça ressemble à une belle soirée de gala. Avec 250 invités sur leur trente et un, dans les chic salons de l’hôtel Concorde-Lafayette dans le XVIIe arrondissement parisien. C’est le dîner inaugural du Conseil représentatif des associations noires (Cran), créé en novembre pour « lutter contre les discriminations », « rétablir l’égalité pour tous », « promouvoir la diversité ». On vient y faire des rencontres ­ il y a là un jeune créateur de bijoux avec son press-book, qui tente de faire l’article auprès des journalistes présents ­, tisser son réseau, prendre la température. Un sociologue étudie ce mouvement désormais « dans l’air du temps ». Des chefs d’entreprise sont venus apporter leur soutien financier.
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Bachelot en vidéo. Il y a de jolies filles ­ une beauté ceinte d’une énigmatique écharpe « Miss Humanitaire » se fait prendre en photo ­ et des discours à la tribune. La sono est calamiteuse. On y entend, mal, les « marraines » y passer leurs soutiens par vidéo interposée. Marie-George Buffet (PCF) et Roselyne Bachelot (UMP) soulignent « l’importance » du Cran. Bachelot : « Vous avez eu raison de lancer ce mouvement. Cette indifférence ne peut plus continuer. » En chair et en os, des politiques grimpent énergiquement à la tribune. Clémentine Autain (apparentée communiste) : « Faire la république c’est penser la différence. Il faut que ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir reconnaissent les différences. » Stéphane Pocrain (ex-Vert) : « Le Cran, c’est pour que la couleur de la peau n’ait plus aucune importance. » Ces deux-là ont le mérite d’être venus, même s’ils filent à l’anglaise, l’entrée ­ un feuilleté de coquilles Saint-Jacques ­ à peine avalée.

Au dîner annuel du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), qui pratique depuis longtemps ce genre de soirée, les politiques se bousculent. Ici, PS et UMP brillent par leur absence. Parce qu’ils n’ont rien à proposer au Cran ? Par peur de cette « menace communautariste » à laquelle le Cran est associé, à son corps défendant, dans les émissions télévisées sur la « mémoire » (des colonies, de l’esclavage) ?

Polygamie. « Les populations noires prennent en main leur destin. Est-ce du communautarisme ? Est-ce un repli identitaire ? » a calmement exposé le président du nouveau mouvement, Patrick Lozès. Il a rappelé que 2005, année « éprouvante et brutale » pour la population noire, a tout connu. L’amendement sur les bienfaits de la colonisation (lire page précédente), les propos sur la polygamie responsable de tous les maux dans les banlieues, les hôtels sociaux qui brûlent avec des Africains dedans. « Vous cherchez un emploi ou un logement, vous avez des difficultés parce que vous êtes noir, vous voulez que ça change. C’est cela être communautariste ? » a martelé le président du Cran. Il a souligné son désir de « faire de la politique ». « Nous allons interroger tous les candidats à la présidentielle, leur demander ce qu’ils pensent de la place faite aux Noirs dans la politique. Que ceux qui croient que le Cran est un fétu de paille se rassurent, il sera là. »

Parmi les représentants de la société civile, le sociologue Michel Wieviorka. Le Cran est pour lui un « rayon de lumière » qui répond aux violences de banlieue par quelque chose qui se « construit ». Dans un texte, il souhaite que le mouvement se donne une « identité positive ». L’avocat Francis Terquem veut voir dans l’émergence du Cran « la naissance d’une nouvelle période politique » où le rôle de l’Etat sera de protéger les individus en tenant compte de leur diversité, en y intégrant cette « culture africano-française niée, mésestimée ».

Des jeunes invités sont intimidés. Christelle, dans le marketing, Aurélien, dans le bâtiment, font part de leur circonspection : « Il faut que le mouvement trouve son public et n’ait pas peur d’avoir un discours non conformiste. Plus il fera de fumée, plus il pèsera », dit la jeune femme. L’absence des politiques les inquiète : « Pour le Cran, il s’agit de rattraper un retard. Est-ce que les politiques le veulent vraiment ? » En avril, le mouvement organise des assises, en mai, un « mois de la culture noire ». A la fin du dîner, des organisateurs ont fait la quête. « Le mouvement est jeune, nous avons besoin de fonds », a lancé un organisateur enthousiaste au micro.

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