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Italie : on cherche de la bonne humeur

Publie le jeudi 16 mars 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

de ALESSANDRO ROBECCHI traduit de l’italien par karl&rosa

Je m’agrippe comme à une liane à la citation latine de Maître Parlato, "motus in fine velocior", sur l’accélération de la chute des corps avant leur écrasement au sol. C’est-à-dire sur la ruine grotesque du gouvernement Berlusconi, de plus en plus semblable à une agonie où les crises, les rechutes et les complications se multiplient, de plus en plus rapides, tout en étant de plus en plus comiques. On en vient à douter de pouvoir dire encore quelque chose contre un gouvernement qui perd ses ministres au rythme de deux par mois, et toujours pour des questions horribles et dégueulasses, qui nous couvrent de honte face au monde. A présent, dans la perspective du 9 avril, nous espérons que ce sera chose rapide et indolore. Pour l’après, chacun attend ce qu’il veut : il est fort probable que ceux qui désirent plus de droits et moins de différences économiques auront beaucoup à lutter ; seulement avec des parties adverses un peu plus crédibles et présentables que celles que fournit aujourd’hui l’entreprise Italie récompensée. On verra et que la gauche sache que le véritable travail commencera après.

Il y a cependant une chose qu’on est en droit d’attendre, et même de prétendre, et de prévoir et d’espérer pour l’après 9 avril. Une chose impalpable, qui ne se mesure pas en votes, qui ne fait pas de déclarations et qui ne parait pas aux journaux télévisés. A savoir, l’amélioration des conditions de l’humeur du pays, son réveil citoyen, une sortie de la léthargie mêlée de colère dans laquelle elle a été comprimée depuis des années.

Je ne saurais comment appeler cette mauvaise humeur, cette insatisfaction (c’est ce que Silvio appelle défaitisme et qu’il attribue aux communistes) qui dépend, certes, en grande partie de la crise économique désormais à demi endémique. Mais il y a sûrement autre chose. Il y a un nervosisme excédé, un air de ne plus en pouvoir, une sensation diffuse que nous méritons quelque chose de mieux, comme personnes, somme Italiens. Tous les peuples qui sortent d’une oppression ont ce mouvement de revanche, de nouvelle vivacité, de moralité publique rétablie, ont de nouvelles questions et de nouvelles frontières à explorer.

Il peuvent oser plus. L’air manquait et après, il y en aura, je m’attends au moins à cela : que l’intelligence publique se reprenne, qu’on commence à discuter et à mettre en discussion, sans être distrait par Marcello Pera ou par les espions qui se vantent par téléphone auprès de leur femmes. S’occuper de Calderoli, c’est humiliant à la longue, nous avons des milliers de choses plus sérieuses à faire. La politique, les lois à refaire et tout ce à quoi nous disons chaque jour qu’il faudra se confronter, mais le modèle idéologique et culturel - c’est-à-dire idéologique et télévisuel - de ce pouvoir qui s’écroule d’une si triste manière subira quelques coups.

Il y a une grande variabilité dans la façon de dater l’ère berlusconienne mais ce qui est certain, c’est que les bases du trône sont fondées sur l’accumulation de l’argent et sur l’étourdissement des médias. Il est bon qu’une fois tombé le roi, on renverse aussi le trône, qu’enfin l’on comprenne que pour commander, une chaise commode est préférable à un catafalque doré, style Bokassa. Cette idéologie sans idées (si nous ne considérons pas l’idée de faire de l’argent) est sur les ondes de façon ininterrompue depuis plus de vingt ans, contagieuse même pour qui s’y oppose, envahissante, stupidement considérée comme inévitable, alors qu’elle serait très évitable si le pays avait un sursaut d’orgueil et commençait à prétendre à quelque chose de mieux.

Ce sursaut, ce petit saut en avant dans l’estime de soi, je l’attends des jours d’avril, sachant bien qu’il manque encore un mois, que le dernier mot n’est pas dit, qu’il est de rigueur de faire les cornes. Mais - au même titre que la crise économique, que l’arrêt de l’hémorragie des droits, que la nécessité de redimensionner une droite dégueulasse et de ramener les soldats à la maison - ceci aussi me semble urgent : rétablir une dose minime d’intelligence et de sens de la réalité. Je me rends compte, je suis à deux doigts de la rengaine nationaliste du "remettons-nous debout !" avec le risque de frôler une absurde rhétorique, du type "après, le monde sera meilleur".

Je m’en excuse, je ne voulais pas. Mais j’ai cet espoir : que, une fois écrasé à terre ce corps qui tombe de plus en plus vite, se brisent aussi un peu beaucoup de ses "valeurs". Que soudain tout ce qui nous a été présenté pendant des années comme neuf, chromé, reluisant, riche, moderne, gagnant se montre enfin pour ce que c’est : vieux, dépassé. Ouf ! Quand tous les gens verront l’état poussiéreux de ce qu’ils ont cru pendant des années archi reluisant, cela voudra dire que le cauchemar est fini, que l’on peut oser quelque chose de nouveau. Peut-être tout ceci est-il sur le point d’arriver et, sans doute, le 9 avril lui donnera un élan. Comme vous le voyez, si c’était un programme, il ne serait même pas, après tout, si "minimum" que cela.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

Messages

  • Bonjour à tous,

    La lecture de cet article concernant l’Italie ne peut que me ramener à la situation de mon pays:la France.

    Certes le calendrier électoral n’est pas le même, mais cela reste la différence la plus marquée, car sur le fond, je nourris les même espoirs de "réveil" pour les Français.

    Gardons l’espoir pour vivre plus libre.

    amitiés

    PéKa

  • Buona sera a tutti,

    je suis française et j’habite dans le Sud de la France. Italienne d’origine par ma mère (Donatella Rallo !), je suis de TRES près les prochaines électorale en Italie parce que je veux que ce soit PRODI qui gagne. Je lis beaucoup de choses sur ce qui se passe en ce moment dans le pays de mon âme et de mon coeur. Je bosse pour un homme politique, alors je peux vous dire que je me sens hautement concernée parce que je me sens à la fois française, italienne et européenne.
    J’ai ouvert depuis peu mon propre blog(http://versatile.over-blog.org) où je parle régulièrement de Berlusconi et de Prodi. Je crois que le changement de politique en Italie serait tellement salutaire à ce pays que j’aime tant.
    C’est une de mes amie du boulot qui m’a fait découvrir votre site et j’y vais régulièrement parce qu’il est vraiment très bien fait.
    Continuez ainsi et pour finir, si l’Italie cherche de la bonne humeur, il y en aussi en France !
    La flote.