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Lettre ouverte aux militants et sympathisants des "comités du 29 Mai"

Publie le mercredi 22 mars 2006 par Open-Publishing

Comité du " 29 Mai pour une autre Europe "
Canton de Saint Egrève
27 rue du Vercors
38 120 Saint Egrève

Lettre ouverte aux militants et sympathisants des "comités du 29 Mai"

Chers amis,

Le collectif du 29 mai pour une autre Europe, de Saint-Egrève, en vous adressant cette lettre, souhaite apporter sa contribution à l’élaboration d’une perspective : au-delà de la victoire du 29 mai il faut dégager la possibilité d’une autre politique pour la France qui influera sans doute sur les politiques des autres pays d’Europe car il faut être conscient de l’exemple et de l’espoir que nous portons. Cette ambition, nous la puisons dans la volonté de ne pas voir bafouer la démocratie et dans le désir que l’on cesse de détruire les acquis sociaux ; fruits des luttes sociales depuis plus d’un siècle. Nous n’entendons pas que cette république sociale à laquelle beaucoup de citoyens sont attachés soit balayée au bénéfice du pouvoir financier et des profiteurs qui ne cessent de s’enrichir.

Le 29 mai, une large majorité des Françaises et des Français, 55%, a dit NON au traité constitutionnel pour l’Europe. Ce vote témoigne du refus croissant des politiques néolibérales qui s’installent depuis la mise en application des traités européens successifs. Au lendemain du 29 mai, les défenseurs du OUI au traité constitutionnel à travers les médias qui leur sont acquis ont traité par le mépris le choix des Français. Les sociaux -démocrates prétendent qu’il s’est agit seulement d’un vote sanction contre le gouvernement réactionnaire de M Chirac. Dans certains discours, ils n’hésitent pas à affirmer que le vote " Non " était chauvin, d’essence populiste et nationaliste. Tous les progressistes qui ont voté " Non " ont ressenti alors, avec quelle hargne, les responsables politiques de gauche (pour le oui) comme de droite n’ont pas cessé depuis le 29 mai de minimiser la portée historique de cet événement qui marque une rupture.

Cette rupture signifie que les citoyens ont cessé de suivre ceux qui les abusent sur le projet de construction européenne en prétextant une idée généreuse pour prendre des décisions économiques et politiques favorisant un libéralisme sans limites, fondé sur la mise en concurrence des peuples pour obtenir le moindre coût du travail. Ceci amène à la destruction des solidarités sociales et a pour corollaire : chômage et misère pendant que les revenus des plus riches ne cessent de s’accroître. Huit mois se sont écoulés et si les citoyens de notre pays ont stoppé le train libéral, la victoire est loin d’être confirmée ! On le voit avec la circulaire Bolkestein toujours à l’ordre du jour.

Dans l’ombre mais ouvertement aussi, les discours pour le " oui " continuent de passer sur les ondes. Certains viennent aussi de dirigeants d’autres pays européens qui ont des responsabilités au sein des institutions européennes. Beaucoup affirment qu’il y aura après les élections présidentielles de 2007 une situation nouvelle qui permettra à travers un président favorable au " oui " de passer outre le résultat du 29 mai 2005 et donc de ratifier par le biais du Parlement ce que les Françaises et les Français ont rejeté au suffrage direct. Si les collectifs, les partis politiques et les courants du PS opposés au projet de traité constitutionnel ont permis le résultat du 29 mai, il apparaît clairement que la deuxième bataille se jouera aux futures échéances de 2007. Il nous incombe de favoriser l’émergence d’une plate-forme politique se référant à l’expression du vote du 29 mai portée dans le meilleur des cas par un candidat unique. Il ne peut y avoir d’unité de la Gauche sur la base d’une amnésie de cette rupture affirmée si nettement le 29 mai. Il ne s’agit pas d’intransigeance ; mais de faire respecter la démocratie, et le choix des citoyens. Quel sens aurait l’alliance avec un parti qui continuerait de nier cette rupture qui indique un conflit majeur autour d’un choix de société ?

La position adoptée au congrès socialiste qui consiste à dire dés le début de la motion unitaire " qu’il n’y a pas des socialistes du " non " et des socialistes du " oui " mais des socialistes " seulement " peut se comprendre dans le cadre d’un parti en crise sur la question de la poursuite de la construction européenne. Mais cette affirmation du désir d’unité ne peut effacer la suite qui se trouve dans la motion où les aspirations des Françaises et des Français exprimées le 29 Mai en faveur d’une Europe différente du modèle libéral imposé ont été quasi oubliées sinon exclues des choix politiques réaffirmés par des socialistes favorables au " oui ". Cette orientation augure mal d’une recomposition avec ceux des sociaux démocrates qui persistent à nier le choix sorti des urnes après un vrai débat de société et une participation massive au scrutin du 29 Mai.

Il apparaît donc nécessaire pour réaliser les conditions de l’unité, de définir avant tout ce que nous entendons défendre et voir se pérenniser. Les chances pour la Gauche ne se trouvent pas dans une unité apparente des partis mais dans une alliance autour d’un socle commun qui respecte l’orientation définie par le scrutin du 29 mai 2005.

Un préalable s’impose : la France, à travers son Président et son gouvernement doit retirer sa signature du traité rejeté, et le parlement doit abroger le second alinéa de l’article 88-1 de la constitution française qui a été modifiée pour être cohérente avec le traité constitutionnel européen.

Ce préalable fixé, on peut définir en trois parties ce qu’ont exprimé les citoyens à cette occasion, ce qui constitue les grandes lignes de ce que nous devons mettre en place :

Rupture avec la déréglementation sociale de tous les droits comme les atteintes aux retraites, à la sécurité sociale, atteintes qui visent à l’instauration des protections privées et individualisées gérées par des organismes financiers privés.

Rupture avec la mise en concurrence des salariés et la casse des emplois.

Rupture avec la destruction des services publics, de la santé, de l’éducation

Nous ne disons pas seulement non, nous réaffirmons que les services publics financés par des impôts justes, à savoir directs et sur tous les revenus, sont la manière d’établir une société plus égalitaire et plus solidaire et d’assurer une redistribution des richesses. Il ne s’agit pas d’apporter quelque amélioration que ce soit aux traités économiques ultra libéraux mais de défendre les services publics tels qu’ils existent en France, même si nombre d’entre eux doivent encore être améliorés. Nous ne tomberons pas dans le piège de la caricature : modernisme contre archaïsme où l’archaïsme serait de défendre un passé prétendu révolu. Face à ces discours qui nous aiguillent vers un faux débat présentant comme seule perspective moderne l’Europe de Maastricht ou de Nice ou de la directive Bolkestein, nous disons que la défense des services publics correspond à un choix politique de société. A elle seule, cette proposition est en soi tout un programme, moderne et nécessaire qui répond à plus de justice.

Ce qui existe en France est le fruit des luttes sociales, Le rôle d’un état re-distributeur de richesses n’existe que là où il y a des luttes sociales. La France reste un modèle par rapport à beaucoup d’autres nations. Ce que les libéraux tentent de faire sous couvert de l’Europe c’est de ramener le rôle de l’Etat aux seules fonctions régaliennes qui garantissent à ceux qui dirigent (à savoir aujourd’hui les oligarchies financières) les richesses qu’ils s’aproprient. En privatisant EDF et GDF, nos dirigeants livrent aux intérêts des actionnaires deux entreprises qui en principe garantissaient aux citoyens l’égalité d’accès et des prix sur tout notre territoire. Demain, , encore plus qu’hier, les tarifs seront établis au bénéfice des plus gros et les personnes dans l’impossibilité de payer pour cause d’exclusion sociale (chômage retraites trop faibles) se verront couper leur ligne ou leur compteur sans recours possible ! Et qu’en sera-t- il lors d’une catastrophe comme la tempête de 1999, assisterons- nous à ce que le Japon a connu lors des séismes, aux grandes pannes qu’a provoqué la dérégulation-privatisation en Californie ou encore plus récemment ce qui s’est passé à la Nouvelle Orléans ? C’est-à-dire des pouvoirs publics dans l’incapacité de faire face faute de moyens et faute de prévisions ! Autre exemple : est-il normal que l’eau soit accaparée par des grandes multinationales qui s’enrichissent alors qu’il s’agit d’un bien vital de l’humanité ?

En réaffirmant cette vision d’une société plus juste à travers les services publics et le rôle régulateur de l’état dans le domaine du social, nous posons forcément la question des moyens pour maintenir ce qui existe et répondre aux problèmes du monde actuel. Quelle politique sociale et économique peut mener un gouvernement qui a les mains liées dans un carcan auquel il doit se soumettre ? Aucune ! Ce carcan nous l’identifions à travers les traités européens qui n’ont pas cessé de promouvoir des politiques libérales afin de rendre compétitives les entreprises et d’assurer la libre circulation des marchandises et des capitaux Cette compétitivité, qu’on nous présente comme " naturellement nécessaire " repose sur le principe de la recherche effrénée du moindre coût financier sans aucune considérations pour les coûts sociaux (misère et chômage). Ce carcan, c’est aussi le fonctionnement de la banque centrale européenne dont l’indépendance à l’égard des Etats interdit à ces derniers toute initiative pour une politique économique qui ne serait pas conforme aux intérêts du monde de la finance . Ce carcan, c’est enfin le pacte de stabilité et les critères de Maastricht qui condamnent les services publics en imposant aux états de réduire leurs budgets de manière drastique. Ces restrictions touchent déjà sévèrement les domaines ultra sensibles de la santé et de l’éducation, elles vont très vite aggraver les inégalités déjà criantes dans la jeunesse (les révoltes comme celle de novembre 2005 sont un signal d’alarme qui ne disparaîtra pas à coup de répression) et créer beaucoup de souffrance chez ceux qui sont exclus du monde du travail comme pour l’ensemble des travailleurs.(précarisation généralisée)..

Quel Gouvernement pourra mener une politique solidaire en lien avec les principes de notre République, s’il ne s’affranchit pas de cette double attaque sur les services publics que sont le principe de concurrence dite " libre et non faussée " et le pacte de stabilité ? Et quel Président se prétendant de gauche pourra s’engager vraiment à gauche, s’il ne rompt pas avec ces mesures dictées par les lobbies financiers aux dirigeants européens, s’il n’inscrit pas dans son programme ces premiers préalables de rupture ?

Ce qui est mis en débat ici n’est à l’heure actuelle que très peu présent dans les média. La question de la rupture avec ce passif issu des différents traités et des institutions européennes est qualifiée de protectionniste par les tenants officiels de la pensée unique. Pour les libres échangistes à tout crin, le protectionnisme est évidemment le mal absolu. C’est ainsi qu’ils s’appliquent à déconsidérer le mot, à lui donner un sens péjoratif en l’assimilant au choix aux solutions archaïques de l’ancien régime ou à des solutions fascisantes comme celles du front national. Il s’agit pour nous, au contraire, de prendre, au 21ème siècle, les mesures nécessaires pour préserver les intérêts de l’ensemble des peuples des pays européens dans des cadres démocratiques..

Il faut insister sur ce point des conditions préalables pour une alliance en 2007 car ce débat est aussi très peu abordé par les forces de gauche qui se sont opposées au traité constitutionnel. Il est même dans certains cas évité au profit de discussions et de supputations " politiciennes " autour de problèmes seulement tactiques. On élude la question de fond de peur qu’elle divise. Ce n’est pas d’une telle attitude que peuvent sortir les perspectives de rupture qui, on l’a vu, s’imposent ! .Une fois encore ne nous laissons pas enfermer dans des images faciles qui font peur, ne cachons pas la question d’une " autre Europe " libérée du carcan " libéral ", car on ne pourra pas avancer avec celle-ci enfermée dans les traités et institutions actuels Le NON à l’Europe ultralibérale et antidémocratique est toujours à l’ordre du jour. La remise en cause des orientations néfastes pour un peuple ne peut être que positive, la France ne sera pas isolée si ses citoyens remettent au pouvoir des choix politiques qui s’appuient sur la justice sociale et la solidarité et la démocratie. Nous serons Européens par les avancées politiques et sociales que nous offrirons aux citoyens des autres pays.

C’est de la responsabilité de tous ceux qui à gauche désirent mettre un terme à la toute puissance du libéralisme que de soulever cette question d’un socle commun pour une autre Europe C’est l’objectif que doivent se fixer les collectifs du 29 mai. C’est le débat qu’il va falloir mener à bien lors des assises des " comités du 29 Mai ". Il est celui autour duquel se gagnera ou se perdra l’échéance 2007 et plus encore ses suites pratiques pour nous et pour les autres peuples.

Signé : le " comité du 29 Mai pour une autre Europe " du canton de St.Egrève.

NB ::ce texte a été approuvé à l’unanimité par l’assemblée générale du comité en date du Mardi 14 février 2006, la formule " lettre ouverte " a pour but de susciter les réactions.

Nous avons pour beaucoup d’entre vous trouver votre adresse par google, vous pouvez à votre tour faire circuler ce texte mais aussi nous envoyer ce que vous avez pu écrire. Il faut à coté de la charte proposée par le collectif national faire avancer : la question des moyens que l’on se donne lorsqu’on parle d’une autre Europe et la question de l’unité ;sur quelle base elle doit se faire pour l’échéance 2007.nous sommes par ailleurs en lien permanent avec le collectif du 29 mai de Grenoble.