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Contre Berlusconi, le réveil des intellectuels

Publie le vendredi 24 mars 2006 par Open-Publishing

Contre Berlusconi, le réveil des intellectuels

En pleine campagne pour les législatives du 9 avril, l’intelligentsia italienne se mobilise contre le chef du gouvernement.

par Eric JOZSEF

Le Caïman a fait irruption, hier, dans la campagne électorale italienne. Annoncé depuis plusieurs mois, redouté par une partie de l’entourage de Silvio Berlusconi mais aussi par des responsables de gauche qui craignent une diabolisation contre-productive du Cavaliere, le film de Nanni Moretti sort aujourd’hui dans près de quatre cents salles de la péninsule.

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A moins de vingt jours des législatives et alors que l’écart entre les deux coalitions fluctue entre 3,5 et 5 points au profit de la gauche, la présentation du Caimano a déjà provoqué de vives polémiques. D’autant que Moretti a pris soin, jusqu’au dernier moment, de ne rien laisser filtrer sur la trame du film. Le cinéaste y représente un Silvio Berlusconi incitant pratiquement à la guerre civile pour se maintenir au pouvoir (lire page 9). « Il est temps que cette campagne de diabolisation contre lui cesse », a lancé, hier, le ministre pour les Politiques communautaires Rocco Buttiglione tandis que Romano Prodi, le leader de l’Union de la gauche, a indiqué : « Espérons que le Caïman soit utile et non nuisible à la campagne électorale. » De son côté, le journal télévisé de Rai Due, la seconde chaîne publique, aurait prévu de ne parler du Caïman qu’au lendemain des élections. Le brûlot de Moretti intervient quelques jours seulement après la mobilisation de plusieurs intellectuels appelant à s’opposer au Cavaliere.

Exil. « Nous sommes face à un rendez-vous dramatique, ont notamment lancé dans un appel Umberto Eco et Claudio Magris. Depuis 2001, l’Italie a connu un effondrement effroyable en ce qui concerne le respect des lois et de la Constitution, la situation économique et le prestige international du pays. Cinq années supplémentaires de gouvernement Berlusconi entraîneraient le pays dans un déclin inexorable dont nous ne pourrions sans doute plus nous relever. » Le sémiologue de Bologne a même laissé entendre qu’il pourrait choisir l’exil en cas de succès du Cavaliere. « Et viva ! » s’est exclamé le philosophe Paolo Flores d’Arcais, directeur de la revue Micromega qui, depuis plus de dix ans, dénonce « le régime berlusconien » et reproche à Umberto Eco et à d’autres intellectuels d’être restés trop longtemps silencieux. « Je ne suis pas en mesure d’en expliquer les raisons », indique-t-il. Et d’ajouter : « S’ils avaient proclamé plus tôt la République en danger, le régime aurait rencontré plus de difficultés pour ruiner le pays. »

Hormis les interventions de quelques écrivains et intellectuels, comme Antonio Tabucchi, regroupés pour la plupart autour de Micromega, les prises de position anti-Berlusconi sont demeurées relativement ponctuelles. Quant aux girotondi (farandoles citoyennes) qui, sous la houlette de Moretti, avaient mobilisé en 2002 « la classe moyenne intellectuelle », selon l’expression de la presse, ils n’ont duré que quelques mois.

Fascisme moderne. « Je viens de publier un livre où je rassemble les cris d’alarme que j’ai lancés dans la presse au cours des six dernières années », s’est défendu Umberto Eco. Paolo Flores d’Arcais reconnaît qu’au-delà des divergences, la principale difficulté pour les intellectuels a été l’accès à la télévision : « Je n’ai quasiment jamais été invité à aucune émission », note le philosophe dont l’analyse selon laquelle la droite berlusconienne constituerait un fascisme moderne est contestée. « Parmi les électeurs de droite, il y a beaucoup de libéraux convaincus », a estimé Claudio Magris ouvrant la voie à une réflexion approfondie sur la nature du berlusconisme.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=369554