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la gauche antilibérale doit se rassembler

Publie le mercredi 29 mars 2006 par Open-Publishing

Ancien responsable syndical, Claude Debons a été co-animateur de l’Appel des 200 pour un Non de gauche au Traité Constitutionnel Européen. Pour lui, la gauche antilibérale doit se rassembler afin de proposer pour 2007 un projet unitaire rompant avec le libéralisme et le social-libéralisme.

Répondant aux vœux du patronat, le gouvernement mène une politique d’une rare violence contre le monde du travail. Code du Travail allégé, protections sociales rétrécies, services publics privatisés, Etat social amoindri, ce sont les piliers du « modèle social » français qui sont en voie de démantèlement au profit d’une « société de marché » dure aux faibles mais profitable aux détenteurs de capitaux. Et la dérive sécuritaire est là pour assurer le maintien d’un ordre libéral injuste. De son côté, l’Union européenne accentue la fuite en avant libérale, la directive Bolkestein est toujours au programme et d’aucun tentent de ressusciter la Constitution européenne.
Il est urgent d’arrêter cette contre-révolution libérale qui détruit méthodiquement deux siècles de conquêtes ouvrières et démocratiques. Depuis plusieurs années, mobilisations sociales et votes sanctions contestent ces politiques, sans succès. Les luttes ne parviennent pas à briser l’intransigeance gouvernementale et patronale. Et les alternances social-libérales passées ne sont pas revenues sur les dégâts antérieurs quand elle n’y ont pas ajouté leurs propres renoncements. Les questions sociales et politiques s’en trouvent étroitement imbriquées. Il n’y aura pas d’alternative politique qui ne puise ses racines dans les résistances sociales. Et sans perspective politique, les luttes auront bien du mal à sortir de la défensive. L’urgence de battre la droite se conjugue avec la nécessité de construire une alternative rompant avec le libéralisme et le social-libéralisme.

On connaît le bilan global de la gauche plurielle et on a pu mesurer l’impuissance des partenaires « subordonnés » au parti dominant. C’est cela qu’il faut changer. Le rejet majoritaire du libéralisme le 29 mai a révélé des potentialités. La remobilisation des classes populaires qui s’était découragées de l’action politique s’est conjuguée avec la déception croissante des couches moyennes et supérieures du salariat rattrapées par les dégâts de la « concurrence libre et non faussée ». La base sociale du libéralisme est étroite. Hégémonique dans le champ institutionnel et médiatique et parmi les classes dominantes, il tire surtout sa force de l’inconsistance politique qui lui a été opposée sur fond de dégradation des rapports de forces sociaux inhérents au chômage de masse et de désarroi idéologique découlant des échecs des tentatives passées de transformation sociale.

L’antilibéralisme peut être majoritaire dans l’électorat de gauche. La « gauche du non » saura-t-elle concrétiser cette perspective ? Disons le franchement, ses principales forces politiques n’ont pas jusqu’ici proposé des perspectives à la hauteur des opportunités révélées et des responsabilités conférées par la victoire du 29 mai. Pas plus qu’elles ne l’avaient fait au lendemain du 21 avril 2002. D’universités d’été en fêtes de rentrée, de forums en congrès divers, les logiques identitaires, les prétentions partidaires, les frénésies présidentialistes, les enlisements synthétiques, des uns ou des autres ont troublé l’espoir et la dynamique citoyenne nés de la campagne référendaire. Mais les attentes sont toujours là et il n’est pas trop tard pour y répondre.

Le 29 mai n’intronise pas automatiquement les forces éclatées de la gauche antilibérale comme alternative crédible. Leur concurrence en 2007 les conduirait à des scores de témoignages. La déception renverrait une fraction de l’électorat populaire vers l’abstention, une autre choisirait sans doute le « vote utile » pour « battre la droite » dès le premier tour, quand d’autres s’égareraient peut-être dans les illusions de la « rupture » prônée par une droite musclée. Déjà, après le 21 avril 2002, les élections régionales de 2004 avaient vu le vote PS instrumentalisé par défaut pour « battre la droite ». Un tel scénario pourrait se reproduire en 2007, si la perspective de peser dans le sens de l’alternative n’est pas réellement crédible. Dispersion et atomisation, déclin historique ou marginalisation protestataire, reprendraient alors leurs cours. Le néo-libéralisme et le social-libéralisme, un temps ébranlés, seraient remis en selle par défaut. Une occasion aurait été gâchée, sans doute pour longtemps.

Un espace existe à gauche pour un rassemblement politique, de résistance anticapitaliste et de transformation sociale, évitant l’enfermement contestataire stricto sensu et la satellisation par le social-libéralisme. La gauche antilibérale doit chercher à transformer le rejet majoritaire du libéralisme exprimé le 29 mai en hégémonie à gauche des options antilibérales. Les forces du Non étant diverses, mêlant mouvement ouvrier traditionnel, mouvement altermondialiste, nouveaux mouvements sociaux, etc, cette perspective commune ne se construira ni autour d’une surenchère programmatique, ni autour d’une organisation particulière. Elle est à concrétiser, en créant une dynamique autour d’une élaboration de propositions communes, d’un débat citoyen qui s’en empare, d’une construction politique unitaire qui les porte, Il s’agit de formuler un ensemble de propositions, radicales et crédibles, pour rassembler un bloc social majoritaire ayant consciemment intérêt à la transformation sociale et de construire un mouvement démocratique de réappropriation des choix sociaux par les citoyens pour rendre possible une politique alternative rompant avec le libéralisme et le social-libéralisme. Des propositions communes existent déjà, débattues dans les organisations, les collectifs, les forums unitaires. Si la volonté politique existe, un accord est possible.

Un pôle antilibéral puissant à gauche, porteur des aspirations populaires et disputant l’hégémonie au social-libéralisme, ne peut se cantonner aux luttes sociales. Sa concrétisation doit aussi s’affirmer dans le champ politique. Pour cela, un score élevé aux présidentielles et aux législatives est nécessaire. Il n’est atteignable que par le rassemblement des différentes composantes de la gauche antilibérale et une dynamique populaire et citoyenne autour de propositions et de candidats communs. La gauche antilibérale doit maintenant prendre ses responsabilités. Le temps presse et l’Histoire ne repassera pas indéfiniment les plats.