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Le PARE plus que jamais contesté

Publie le vendredi 8 août 2003 par Open-Publishing

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Deux ans après l’entrée en vigueur de l’accord sur l’indemnisation des chômeurs signé entre le MEDEF et les syndicats CFDT, CGC, CFTC, ses conséquences néfastes s’accumulent pour les salariés privés d’emploi.

Le directeur général de l’UNEDIC, Jean-Pierre Revoil, jubile. Le plan d’aide au retour à l’emploi, en vigueur depuis juillet 2001, est, selon lui, un " succès inespéré ". Rien de moins. " En 2002, la durée moyenne du chômage a baissé, c’est le résultat du PARE ", a-t-il lancé, la semaine dernière lors d’une conférence de presse.

Loin des débats " irraisonnés et absurdes " au moment de son lancement, Bernard Caron, président du groupe paritaire national de suivi, célèbre cette " démarche de bon sens " qui n’a pour toute priorité que " le retour du chômeur à l’emploi. " Et ça marche, nous affirme-t-on, même en temps d’augmentation du chômage. Les indicateurs de ce succès autoproclamé ? La diminution de la durée d’indemnisation, le taux de retour à l’emploi après formation, les embauches, grâce à l’aide dégressive à l’employeur, réalisées à hauteur de l’objectif. Sur les premiers mois de l’année 2003, 77,7 % de l’enveloppe budgétaire du PARE ont été consacrés à cette aide aux patrons, soit 25,9 millions d’euros.

Mais un problème subsiste pour l’UNEDIC : " Les stocks, selon la formule de Jean-Pierre Revoil parlant des chômeurs, doivent correspondre aux carnets de commandes des entreprises. " D’où l’intérêt de " proposer des formations efficientes aux besoins " des entreprises. Autrement dit, le chômage n’existe pas. L’emploi est bien là, mais ce sont les chômeurs qui ne correspondent pas au profil recherché. Qu’à cela ne tienne, le PARE est là pour les remodeler et les adapter au marché. Voici l’individu réduit au rang de marchandise et vendu aux marchés décidément porteurs.

À mille lieux des auto-congratulations, une réalité sinistre. Les conséquences néfastes du PARE s’accumulent. " En 2002, les radiations aux allocations chômage ont augmenté de 110 %, le chômage augmente et les formations sont bien plus restreintes que ce qu’a l’air de dire l’UNEDIC ", constate Florian Mons, du Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP.) Pour François Desanti de la CGT chômeurs, " le bilan du PARE, c’est aussi la mise en jachère de la formation professionnelle en passe d’être achevée ". Les personnes privées de leurs allocations seront également privées de leur droit à la formation. " À son lancement, nous avions eu beaucoup de mal à expliquer aux gens la nocivité du PARE, confie François Desanti. Aujourd’hui, les propres chiffres de l’UNEDIC révèlent ses intentions. Les millions d’euros que représentent les " dépenses actives " du PARE ne profitent pas aux chômeurs. " Quant à la revalorisation des allocations, 2,15 % depuis le 1er juillet, " elle équivaut au prix d’une demi-baguette ! Le chômeur n’a pas besoin d’un revenu minimum, mais d’un revenu décent. Il est bien connu que plus les niveaux d’indemnisation sont bas, plus la durée du chômage est longue ". Et de conclure, " c’est l’existence même du PARE qu’il faut mettre en cause. Aberration que cet accord minoritaire signé par des syndicats minoritaires. Le PARE est une machine à broyer les chômeurs ". À Lyon, Jean-Pierre Ivaldi fustige cette " attaque du service public de l’emploi par la mise en concurrence de l’ANPE avec notamment les boîtes d’intérim ". Pour ce militant d’Agir contre le chômage ! (AC !), la mise en danger de l’assurance chômage est le résultat délibéré de la politique de l’UNEDIC. " Les 100 milliards d’euros d’excédents annoncés en 2001 n’ont jamais bénéficié aux chômeurs. En revanche, la convention de décembre 2002, signée par les mêmes, a restreint les allocations chômage. Les radiations ont littéralement explosé. Au service des patrons, l’UNEDIC est devenue un élément de précarisation des chômeurs. " Marc Moreau, de la section parisienne d’AC !, retient, quant à lui, un chiffre, celui de l’éradication programmée des quelque 857 000 chômeurs des listes des allocations chômage (chiffres de l’UNEDIC). Pour Marc, le bilan est sans appel : " Le PARE est un bide. Il a réduit le droit à la formation, à l’indemnisation, il a aussi réduit les cotisations des employeurs. " En outre, " l’UNEDIC se sert de l’excuse du déficit (3,3 milliards d’euros prévus pour la fin d’année 2003 - NDLR) pour précariser et dégrader les droits des chômeurs jusqu’à les rendre inexistants ".

Plus fondamentalement, le bilan du PARE révèle " l’état des rapports sociaux dans les institutions, et plus largement dans le pays. Nous sommes face à un vrai problème de démocratie sociale ", déplore Jacqueline Lazarre, représentante CGT à l’UNEDIC. " Il n’y a pas eu d’échanges sérieux. L’essentiel, c’est de savoir combien de chômeurs ont effectivement retrouvé un emploi. Or, ce type d’information est impossible à obtenir. On nous dit : 4 millions de PARE et 6 millions de PAP (plan d’action personnalisée) ont été signés. Mais, ces chiffres ne font que dissimuler la précarité réelle de l’emploi. Depuis peu, nous savons ainsi que 48 % des entrées en indemnisation sont consécutives à des fins de contrat en CDD ou en intérim. Et ces chiffres ne sont jamais discutés au conseil d’administration, le refus est obtus. En revanche, pour parler du déficit... la question de sa résolution est un leitmotiv. D’où les radiations massives (60 % en 2002). L’UNEDIC compte rétablir l’équilibre budgétaire de l’assurance chômage sur le dos des chômeurs. On devine déjà les prochaines mesures : pour ne plus avoir de déficit, on n’indemnisera plus les chômeurs, signant ainsi la suppression de l’assurance chômage. " Denis Gautier-Sauvagnac, vice-président de l’UNEDIC, n’a-t-il pas en effet affirmé que la priorité était de " diminuer le taux de chômage pour ne pas en rester à l’assurance chômage " ? Jacqueline Lazarre rejoint, en outre, tous ceux qui condamnent le caractère anti-démocratique de l’UNEDIC façonné par le MEDEF. " Elle ne saurait se prévaloir d’aucune représentativité des salariés. Une poignée d’individus, le patronat et ceux qui travaillent avec lui, possèdent un organisme qui appartient à la collectivité, les accords signés sont chaque fois des accords minoritaires, tout cela n’a rien de démocratique. "

À la rentrée de septembre, les " partenaires sociaux " se réuniront pour donner au PARE de nouvelles orientations. Car " le dispositif n’est pas encore en régime de croisière ", selon Michel Jalmain, président de l’UNEDIC et secrétaire national de la CFDT. La " grande aventure ", lancée il y a deux ans, doit encore " monter en charge. " Nonobstant toutes les mesures prises par le gouvernement pour casser la société civile, la riposte se prépare d’ores et déjà. Ce n’est pas affabuler que d’imaginer une rentrée sociale explosive.

Farida Cherfaoui