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Confidences d’un avocat à RSF

Publie le dimanche 23 avril 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

de Maxime Vivas

Après notre polémique dans les pages du quotidien Métro (5, 6 et 10 avril 2006), RSF, en guise de papier bleu dont elle m’avait menacé s’est mise à m’envoyer par mails des documents de son organisation.

Le premier était un communiqué de presse du 19 avril 2006 qui claironne : "L’avocat de Sami Al-Haj se confie à Reporters sans frontières".

Petit rappel des faits. Arrêté en 2001, le journaliste soudanais Sami Al-Haj est incarcéré à Guantanamo sans que quiconque sache pourquoi. Le malheureux a disparu des rapports annuels 2004 et 2005 dans lesquels RSF liste TOUS les journalistes emprisonnés dans le monde.

Dans un article du 11 mars 2005 dans le Northern California Media Guild, la journaliste états-unienne Diana Barahona s’en offusque : « Mais un exemple révélateur sur la manière dont RSF modère ses critiques contre les Etats-Unis est l’exemple de l’enlèvement du cameraman d’Al-Jazeera Sami Al Haj. Al Haj a disparu en décembre 2001, lors d’un reportage en Afghanistan, pour se retrouver dans le camp de concentration de Guantanamo, où il est toujours enfermé. Non seulement Al-Haj a physiquement disparu, mais a aussi disparu toute référence à lui sur le site Internet de RSF, où il n’est mentionné qu’une seule fois depuis un communiqué sur Al-jazeera du 27 janvier. Par contraste, RSF lance régulièrement de grandes campagnes pour les journalistes européens enlevés par la résistance Irakienne. »

J’avais remarqué pour ma part la propension de RSF de parler de Sami Al Haj en rappelant plus que de raison qu’il travaillait pour la chaîne Al Jazira « qui a publié à plusieurs reprises des enregistrements vidéos de Ben Laden. » Bref, cela ressemble à : « Qu’est-ce qu’il vous a fait le Soudanais d’Al Jazira qui fréquentait Ben Laden ? »

En m’écrivant, RSF veut me convaincre qu’elle défend ce dossier. Je dois dire que c’est raté. Et pour plusieurs raisons.

La première est que l’avocat, se battant contre des murailles et frappant à toutes les portes, est arrivé devant celle de RSF. Ce n’est pas RSF qui est allée vers lui ! Je remarque en outre que RSF renvoie à son rapport « Quand l’Amérique emprisonne des journalistes », sans signaler qu’il date du 13 février 2006 alors qu’il est question ici d’un journaliste arrêté en 2001.

La deuxième est que les termes utilisés par RSF dans son communiqué, sont dix degrés en dessous de ceux qu’elle utilise quand le fautif n’est pas états-unien. RSF « est inquiète...scandale juridique et humanitaire que représente la base de Guantanamo... journaliste retenu depuis quatre ans sans chef d’inculpation... ». Le mot le plus fort est « scandale » s’appliquant à Guantanamo sans que RSF poursuive sa phrase en exigeant sa fermeture et sans qu’elle se départisse de sa farouche volonté de changer radicalement et prioritairement dans l’île tout ce qui est autour de ce bagne à l’exception de ce dernier.

La troisième raison est que si RSF constate l’acharnement contre la chaîne Al-Jazira, elle le fait en 2006 pour une arrestation intervenue en 2001 et alors que la Fédération Internationale des Journalistes, l’avait fait dès 2003 au moment de l’arrestation de Tayssir Alouni, autre journaliste d’Al Jazira dont l’arrestation n’avait aucunement ému RSF à l’époque.

La quatrième est que les mots forts sont exclusivement dans la bouche de l’avocat (c’est normal, il défend un journaliste, n’est-ce pas ?) : « Conditions de détention lamentable, il a parlé de suicide, situation insensée » et cet constat : « Aucun protocole, aucune convention de suivi ne régit la relation entre l’accusé et son avocat. Guantanamo est une zone de non-droit, soumise au bon vouloir des autorités américaines. »

La cinquième est que, loin d’organiser une action spectaculaire et bien médiatisée comme elle sait en faire ou de lancer une pétition, RSF en appelle une fois de plus à la bienveillance du geôlier : « Ne serait-ce qu’à titre humanitaire, les autorités américaines doivent le libérer. »

La vérité RSF, puisque aucune charge n’a été retenue contre cet homme, ce journaliste, depuis plus de quatre ans de martyr, est qu’il faut le libérer au nom de la justice et du droit avant de l’indemniser. La vérité est que ses bourreaux doivent être mis en prison. La vérité est qu’on ne demande pas aux dirigeants d’un pays qui va rafler des journalistes à des milliers de kilomètres de son territoire de faire un geste d’humanité. On doit les menacer d’avoir un jour à comparaître devant un tribunal international créé à l’initiative (c’est une suggestion) d’organisations de défense des journalistes.

La vérité enfin, quand on est une ONG qui fait dans l’information, c’est qu’on ne publie pas sans commentaire comme vous le faites l’information suivante : « The Guardian, le 26 septembre 2005 : Sami Al-Haj aurait reçu des autorités américaines la promesse d’une libération et l’octroi d’un passeport américain s’il consentait à espionner sa propre chaîne pour le compte de Washington. » Car ici vous est dit pourquoi Sami Al-Haj est encore encagé, ici vous est dit que les USA manipulent la presse, chose que vous ne tolérez pas dans les pays du tiers-monde et vous le faites assez bien savoir.

Maxime Vivas, écrivain.

Dernier ouvrage paru : « les Etats-Unis de mal empire » avec Danielle Bleitrach et Viktor Dedaj, éditions Aden, septembre 2005 ;

Messages

  • Bravo et merci pour votre article.

    RSF ( comme vous, je l’avais déjà remarqué) pratique ce que l’on nomme :

    L’INDIGNATION SELECTIVE.

    Conclusion à surveiller et merci à vous de suivre l’affaire.

    DARRE GILLES
    21121 FONTAINE LES DIJON

    g.darre@wanadoo.fr

  • On ne peut qu’être satisfait à la lecture de tels articles qui démontent et démontrent de manière limpide toute la grossièreté qui caractérise les mensonges et les non-dits de certaines personnes où organisations qui se parent du lustre de la démocratie pour mieux en oxyder les fondements, soit par la compromission avec des oppresseurs qui prétendent être l’oeil du bien comme les rois américains, soit par la mise en quarantaine systématisée de régimes qui ont avant tout besoin de progresser comme celui Cuba, régime dont par ailleurs nous connaissons les violations grâce à RSF.
    Vraiment ça fait du bien car à nous prendre pour des idiots, des acteurs qui jouent trop facilement sur les mots commencent à réaliser que nous avons appris à lire dans les même écoles qu’eux, que ce qu’il nous servent d’inepties, de mensonges, cela nous est déstiné comme à des moutons certes. Mais un mouton sachant lire ne l’est plus ! Surtout ils s’apperçoivent, j’éspère, qu’ils sont eux même, par leur comportement public les premiers des moutons. Tout ce qui est vert semblent bon pour eux.

    Bas les masques !!

    PS : je rends hommage à ceux qui dans ce type d’organisation ont dû se faire évincer ou harceler parce qu’à un moment ils ont tenté de dire NON !!!