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Bientôt un Tchernobyl en France ?

Publie le jeudi 27 avril 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

de Stéphane Lhomme

Les nombreux reportages consacrés aux 20 ans de Tchernobyl ont clairement montré, malgré les tentatives de diversion des tenants de l’atome, que les conséquences de cette catastrophe étaient dramatiques et, pour des siècles encore, en constante aggravation.

La question se pose donc de façon d’autant plus cruciale : un "Tchernobyl français" est-il possible ? Hélas, de nombreux indices laissent à penser qu’un tel désastre pourrait bien se produire. Certes, à la différence des réacteurs RBMK (de type Tchernobyl), les réacteurs français sont recouverts d’une grosse cloche de béton, l’enceinte de confinement, censée empêcher un nuage radioactif de s’échapper. Mais divers scénarios peuvent amener, en situation accidentelle, à la rupture de cette enceinte, comme cela a d’ailleurs failli être le cas en 1979 aux USA, à la centrale de Three miles island.

Dangereux par nature, comme toute installation nucléaire, les réacteurs français le sont de plus en plus car ils sont vieillissants. Les plus anciens, ceux de Fessenheim (Haut-Rhin) et Bugey (Ain), approchent des 30 ans. Or EDF, sans même attendre l’accord de l’Autorité de sûreté nucléaire (qui n’a d’autorité que dans son nom), a d’ores et déjà décidé de porter à 40 ans la durée de vie de ses réacteurs.

Qui plus est, les dirigeants d’EDF ont mis en ouvre depuis 2002 un processus de restrictions budgétaires drastiques dans les centrales nucléaires. Le Réseau "Sortir du nucléaire" est entré en possession d’un document interne à EDF qui décrit les mesures mises en ouvre : annulation massive d’embauches pourtant prévues, économies sur les dépenses de logistique, frais généraux et maintenance. Mais aussi d’inquiétante consignes telles que "Le coefficient de disponibilité et le coefficient d’utilisation des centrales nucléaires doivent être les plus élevés possibles".

Autre problème majeur en France, contrairement à une idée reçue : le risque sismique. A nouveau, le Réseau "Sortir du nucléaire" s’est procuré des documents internes à EDF qui montrent que ses chiffres concernant ce risque sont très gravement contestés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui dépend de l’Etat. Les documents montrent clairement qu’EDF se refuse pour des raisons purement financières à mettre en ouvre les mesures nécessaires, et a mis en place une action de lobbying pour contraindre l’Autorité de sûreté à écarter les travaux de l’IRSN. Extraits :

- « Il faut mobiliser stratégiquement au dessus des experts pour lever la contrainte »

- « Une communication de haut niveau vers l’ASN est requise »

- « Des actions de lobbying ou contrefeu (autres experts) sont-elles possibles ? »

- « Il faut trouver une échappatoire à cette menace »

Précision utile : pour EDF, la "menace" est celle de devoir financer des travaux. Le choix de la rentabilité au détriment de la sûreté est clairement établi.

Pire : des informations complémentaires ont permis de montrer que les ingénieurs d’EDF se sont "arrangés" avec les données sismiques : en réduisant d’office "les intensités épicentrales de la plupart des séismes de référence" ou en redessinant les zones sismiques afin d’éviter la prise en compte de certains séismes historiques. Tremblons. en espérant que la Terre ne s’y mettent pas aussi.

Par ailleurs, des erreurs graves de conception ont été commises à la construction des centrales : lors de la tempête de décembre 1999, la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) a été gravement inondée et a frôlé le pire : pourtant, les spécialistes d’EDF avaient assuré que les digues de la centrale ne pouvaient être surpassées. Un rapport parlementaire publié en avril 2000 précise : "Cette erreur de conception, la plate-forme sur laquelle a été remblayée la centrale n’a pas été érigée suffisamment haut, n’est pas propre à la centrale du Blayais. La plate-forme de l’îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS) pour les sites de Belleville, Chinon, Dampierre, Gravelines, le Blayais et Saint-Laurent ; En outre les sites de Fessenheim et de Tricastin sont implantés à proximité d’un canal dont la ligne d’eau est supérieure à la cote de leur plate-forme." [1]. Et pourtant, personne n’envisage d’arrêter ces centrales.

Autre risque grave, l’incendie et, là encore, EDF est gravement à découvert. Ainsi, L’ASN a mené à Chinon une inspection "géante" du 7 au 11 mars 2005. Le compte-rendu[2], daté du 19 mai 2005, est explicite : "Cette inspection de revue a été programmée par l’ASN à l’issue d’insuffisances constatées lors de trois inspections sur le thème de l’incendie réalisées au cours des douze derniers mois (.) Des efforts restent à fournir en terme de rigueur de gestion du risque incendie et d’identification des problèmes affectant le matériel (.) Comme sur la plupart des autres centrales nucléaires, les équipes locales d’intervention doivent améliorer leurs pratiques pour arriver au niveau d’exigence de l’Autorité de sûreté nucléaire, compte tenu des enjeux liés au risque incendie". Edifiant.

Ceci dit, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, si un désastre nucléaire se produit, les citoyens ordinaires en souffriront bien plus que l’industrie de l’atome. Celle-ci s’est soigneusement préparée au pire et a fait évoluer ses méthodes : il ne s’agira plus de tenter de cacher l’accident, mais d’en nier les véritables conséquences et d’imposer l’idée que, somme toute, les populations peuvent continuer à vivre tranquillement dans les zones contaminées. Pour arriver à de telles conclusions, le lobby nucléaire français, appuyé par le lobby de l’agriculture productiviste, a organisé la manipulation des données de la seule "expérience" réelle : Tchernobyl. Ainsi, plusieurs programmes (Ethos, Core, Sage, Farming) sont mis en ouvre depuis plusieurs années pour cacher les véritables conséquences de la catastrophe du 26 avril 1986, et pour en faire de même en cas de drame atomique en France.

Par ailleurs, le gouvernement a signé le 8 septembre 2003 le décret n° 2003-865[3], "portant création du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques", qui donne des pouvoirs exceptionnels au secrétaire général de la défense nationale, "en cas d’accident (.) ou d’attentat ou de menace d’attentat ayant ou pouvant avoir des conséquences nucléaires ou radiologiques". L’armée mettra hors d’état de "nuire" les citoyens qui voudraient informer la population de la réalité du danger.

Enfin, tout à été prévu pour assurer la protection des intérêts économiques, aux dépends de ceux des populations. Le 12 février 2004, les gouvernements des pays de l’OCDE ont révisé les Conventions de Paris et de Bruxelles sur les dédommagements en cas de catastrophe nucléaire[4]. Le montant des compensations a certes été substantiellement augmenté, mais ce sont les valeurs industrielles et patrimoniales qui seront protégées, dédommagées, remboursées. Et ce sera avec l’argent public, l’argent de tous les citoyens, y compris de celles et ceux qui seront victimes, contaminés, irradiés. Début avril 2006, dans la plus grande discrétion, les parlementaires français ont ratifié ces textes.

En résumé, il est légitime de craindre un nouveau Tchernobyl quelque part dans le monde, et tout particulièrement en France. Les autorités et les entreprises de l’atome semblent clairement s’y préparer : il est vari qu’elles sont les mieux placées pour le voir arriver. Mais tout n’est pas perdu : de part le monde, des millions de citoyens exigent qu’une chance soit laissée à la planète et aux générations futures. Il apparaît de plus en plus évident qu’il faut à la fois faire disparaître le nucléaire et lutter contre le réchauffement climatique. Des solutions existent : développer à grande échelle les économies d’énergie - principalement dans les pays riches - et les énergies renouvelables, partout sur la planète. Utopique ? Au contraire, c’est le seul choix réaliste, la seule voie d’avenir. Avant un nouveau Tchernobyl. Vite.

Stéphane Lhomme, Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"

Auteur de "L’insécurité nucléaire : bientôt un Tchernobyl en France ?" (Avril 2006, Ed Yves Michel)

(Les "Droits d’auteur" sont reversés au Réseau "Sortir du nucléaire")

[1] www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/r2331/r2331-1.asp

[2] www.asn.gouv.fr/Actualite/lds/maj/2005-21/INS_2005_EDFCHB004.pdf

[3] http://admi.net/jo/20030910/PRMX0306819D.html

[4] www.nea.fr/html/general/press/2004/2004-01f.html

Messages

  • Le risque "0" n’existe pas, et c’est bien cela qui ne doit pas être dit , pour ne pas effrayer les gens.

    Le problème est moins le risque immédiat que l’immense question concernant les déchets produits, et ce qu’on fera des centrales "mortes".

    En effet, un cycle de plus de 200 000 ans pour les matières radioactives, est-ce bien raisonnable, c’est une question à laquelle peu de députés, de ministres, et d’une manière générale peu de futurs prétendants à des postes de responsabilité voudront répondre...

    Actuellement, la solution la plus intelligente est l’enfouissement.
    c’est à dire , qu’on enterre dans des conteneurs les déchets produits par les centrales.

    Des idiots anti-nucléaire pose une question idiote : les conteneurs , aussi fiables soient-ils, vont-ils resister sous terre à la corrosion pendant plus de 200 000 ans ?

    La question est idiote car sans réponse : personne ne sait dire ce que donnera à long terme cette politique, c’est par contre sur qu’Areva préfère qu’on ne s’interroge pas trop...

    Une question sans réponse ; actuellement, quel est le volume, en tonne, des déchets nucléaire produits par les centrales EDF depuis le début du programme nucléaire.

    Autre question interessante : par jour, quel est le volume en kilo (en tonne ?) des déchets radioactifs produits par les centrales EDF.

    Allez , autant zapper sur TF1 pour regarder "Question pour un champion" ...

    Il n’est pas raisonnable de poursuivre une politique nucléaire.
    On le sait. Et on continue...

    jyd.

    • [La question est idiote car sans réponse ]

      Simple remarque. Une question sans réponse n’est pas forcément idiote. La démarche scientifique consite à se poser précisément des questions sans réponse (sinon la question est inutile) et à émettre des hypothèses à titre d’éventuelles réponses. En plus je relève le petit ton donneur de leçon de ce passage.

      GL

  • Je suis malade de la thyroide depuis 17 ans je pense que ma maladie de hashimoto est la conséquence de TCHERNOBYL !
    Je ne suis pas une anti nucléaire parce que malade comme je suis j’ai besoin d’énergie éléctrique pour laver mon linge , lave vaisselle , télé , ordinateur...
    Par contre je suis trés en colère parce que les mêmes politiciens de 1986 sont inccapables de reconnaitre qu’ils n’ont pas SU ou pas VOULU protéger les enfants de son pays alors que tous les autre pays européens prenaient des mesures de protection !
    Mais ma colère est indescritible car la réalité est : que nous les malades nous n’avons pas accés aux meilleurs soins que nous sommes en droit de recevoir !
    En effet le médicament EUTYHRAL est introuvable en FRANCE , hormone de synthése , nécessaire et vital a notre équilibre hormonal ...et j’en passe
    On oublie trop les malades meurtris blessés exclus du monde du travail ...NOS PATHOLOGIES SONT CONNUS mais pas RECONNUS
    Alors un message a ces chers politiciens " puisque la radioactivité est inoffensive puisque en 1986 vous n’avez pas juger bon de protéger le peuple français pourquoi n’allez vous pas à TCHERNOBYL , nettoyer , installer le sarcophage ? Vous ne risquez rien le radioactivité c’est invisible , inodore incolore ...et surtout n’oubliez pas d’emmener un certain professeur avec vous avant de vous rendre sur le site de TCHERNOBYL passer dans les hopitaux , les orphelinats ....Vous ne risquez rien ! par contre attention à la radiophobie et le stress il paraît que sa provoque le cancer de la thyroide !
    et en prime vivez avec 120€ par mois c’est ce qu’on donne là bas aux malades ...remarque en France on a guére plus ! Emmener avec vous certains médecins avec un peu de chance quand il reviendront en France ils auront une autre ligne de conduite envers nous les malades ...la thyroide ? c’est dans la tête arrêter de culpabilsé le malade en lui disant de quoi vous plaignez vous je vois des tas de malades vous êtes le seule à vous plaindre ...écouter les malades , reconnaissez que vous êtes impuissants à nos maux que le monde médical n’a pas assez de recul ....
    Mais le mépris , l’indifférence à l’encontre des malades je ne l’oublierai pas au moment de glisser mon bulletin de vote au prochaine élection croyez moi , quand au plan anti cancer de Mr CHIRAC sachez Mr Le président que je n’aie jamais fumer , je n’aie jamais bu d’alcool ,...vous avez omis cher Président "la radioactivité déclencheur de multi pathologies et de cancers "

    • "Je suis malade de la thyroide depuis 17 ans je pense que ma maladie de hashimoto est la conséquence de TCHERNOBYL ! Je ne suis pas une anti nucléaire... "

      Dans ce cas là, il reste une dernière solution : le suicide !
      La maladie ne justifie pas et excuse encore moins la stupidité !

    • ce n’est pas du suicide de mourir sur des rails ? pour défendre une cause ...c’est de la stupidité ! mais peut être que le prochain ce sera celui qui méprise des malades ....
      sachez tout de même que le nucléaire sauve des vies ! les cancers de la thyroide sont soigné au nucléaire ...et qui fourni les gelules ? les centrales...
      mais bon inutile de discuter celà pourrait vous instruire ce serait dommage

    • Ah ouai ..... J’étais encore en dessous de la réalité ; ça va encore plus loin que la stupidité : "Ah !!!! du nucléaire !! Vite du nucléaire !!!! Que je revive !!!! " : La connerie associée à l’ignorance, quel panorama pour le futur !