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Censure

Publie le samedi 30 août 2003 par Open-Publishing

Après la propagande et les mensonges médiatiques, la répression
antisyndicale, l’incompétence, voici de retour la censure et la chasse aux journalistes
opposant ! Elle est belle la République de Raffarin ! Il est beau le dialogue
social !!

C’est un scandale ! Demandons la démission du gouvernement !

Luc Colpart

Raffarin rêve de médias policés

L’AFP et France Télévisions dans la ligne de mire de Matignon.
Par Olivier COSTEMALLE et Raphaël GARRIGOS et Vanessa SCHNEIDER
mercredi 27 août 2003
Matignon n’aime pas les journalistes indisciplinés. Et n’hésite pas à le leur
faire savoir. Françoise Miquel, directrice du Service d’information du
gouvernement (SIG), organisme chargé de la communication gouvernementale, a adressé
un courrier pour le moins surprenant à Bertrand Eveno, président de l’Agence
France-Presse (AFP), pour lui faire part de son "indignation" et de sa
"déception" à propos d’une dépêche du 22 août consacrée aux récents déboires
politiques de Jean-Pierre Raffarin. Curieusement, la lettre est d’ailleurs datée du 7
août...

Stratégique. Le journaliste incriminé, Frédéric Dumoulin, est accrédité à
Matignon, dont il suit l’actualité pour l’agence. Un poste stratégique, puisque
ses dépêches sont lues par tous les médias français et étrangers abonnés à
l’AFP, et souvent reprises telles quelles par la presse régionale. Dans sa lettre
à Eveno, dont Libération s’est procuré une copie, Françoise Miquel lui
reproche d’avoir utilisé l’expression "vacance du pouvoir" à propos du silence du
gouvernement pendant la canicule. Un "membre de phrase" qui, selon elle, "met
gravement en cause l’objectivité du commentaire puisqu’elle retranscrit
littéralement les propos du premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande".
La lettre s’achève par un menaçant : "Je transmets donc ce courrier au Premier
ministre." A mots couverts, Matignon réclame à l’AFP la tête de son
journaliste.

Frédéric Dumoulin est en effet dans le collimateur du gouvernement depuis de
longs mois. Des membres du service de presse de Raffarin, ainsi que son
conseiller en communication, Dominique Ambiel, ont téléphoné à plusieurs reprises à
ses supérieurs pour se plaindre de son traitement jugé "partial" de l’activité
gouvernementale. Ce n’est pas la première fois que le pouvoir politique
s’attaque à des journalistes de l’AFP. Lors d’un déplacement au Brésil au printemps
2001, Lionel Jospin s’en était pris au prédécesseur de Frédéric Dumoulin à
Matignon, Sylvie Maligorne. Mais l’équipe Raffarin, obnubilée par la
communication, semble battre des records en matière d’ingérence. "Nous avons l’habitude
des pressions, et nous n’en tenons évidemment pas compte, souligne-t-on à
l’AFP. Mais c’est la première fois qu’elles s’exercent par écrit. C’est une grosse
maladresse. Nous allons répondre à cette dame pour lui dire que nous soutenons
notre journaliste, qui n’a commis aucune faute."

Censure. La missive à l’AFP prend place dans toute une série d’interventions
des services de Raffarin sur les médias. Il y a un an déjà, des journalistes
de Radio France se plaignaient des "pressions" exercées par le Premier ministre
via Jean-Marie Cavada, le PDG de la "Maison ronde", une connaissance de
longue date de l’ancien président de la région Poitou-Charentes (Libération du 31
octobre 2002). Les chaînes de télévisions sont également surveillées de près
par Dominique Ambiel, un ancien producteur de télévision. Et depuis deux
semaines, la polémique née de l’attitude du gouvernement face à la canicule a rendu
Raffarin et ses proches particulièrement fébriles. Fabrice Turpin, journaliste
à France 3, a ainsi déclenché la fureur d’Ambiel pour avoir osé demander au
Premier ministre si le gouvernement n’avait pas eu "un retard à l’allumage" dans
sa gestion de la crise. Le conseiller a immédiatement appelé Marc Tessier,
président de France 2-France 3, pour empêcher la diffusion du reportage, où on
voyait le Premier ministre fuir les questions du journaliste. En vain. La
menace de démission d’Yves Bruneau, directeur adjoint de la rédaction de France 3,
a eu raison de la tentative de censure du gouvernement.
Budget. Reste que les velléités de reprise en main politique sont avérées.
"Oui, Ambiel m’appelle, reconnaît Olivier Mazerolle, directeur de l’information
de France 2. Mais il ne me menace de rien du tout."

Même son de cloche à
France 3 : "Ambiel appelle, oui. Il se met en colère, admet un responsable de la
rédaction. Il a traité les journalistes de France 3 de "bande d’irresponsables".
Mais c’est dans l’exaltation de la colère qu’il menace, on n’en a jamais vu
les effets." Selon le Canard enchaîné, pourtant, Ambiel aurait clairement
menacé France Télévisions de revoir son budget à la baisse.

Car, dans le cas de l’AFP comme dans celui de France Télévisions, Matignon
dispose de moyens de pression sonnants et trébuchants. L’Agence France-Presse,
qui vit en grande partie (40 %) des abonnements de l’Etat, est dans une
situation financière très difficile, à tel point qu’elle n’a toujours pas réussi à
adopter son budget 2003 ! Son président, dont le mandat arrive à échéance en
octobre, ne peut espérer être reconduit qu’avec l’assentiment du gouvernement. Le
président de France Télévisions est, lui, nommé par le CSA. Mais il est
tributaire d’un budget fixé par le pouvoir politique, et tous ses projets de
développement sont soumis à l’aval du ministère de la Communication. Les patrons de
deux des médias les plus puissants de France se retrouvent ainsi, de fait, en
situation de dépendance vis-à-vis du pouvoir politique.