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Mois après mois, le taux de chômage se rapproche de 10 %

Publie le dimanche 31 août 2003 par Open-Publishing

LE MONDE | 29.08.03

Les statistiques publiées vendredi 29 août par le ministère des affaires
sociales présentent une stabilisation en trompe-l’¦il ; la France comptait 2
399 100 demandeurs d’emploi à la fin juillet, dont 700 000 chômeurs de
longue durée. Selon le BIT, 9,6 % de la population active est touchée.

* Infographie : La France, mauvais élève de l’Europe

Ce n’est pas le mauvais chiffre redouté par le gouvernement mais une quasi
stabilisation (- 0,2 %) en trompe-l’¦il, due à quelque 15 000 sorties
supplémentaires du chômage pour cause d’"absences au contrôle". Pour
François Fillon, qui a prédit une détérioration accrue du marché du travail
dans les prochains mois, le répit du mois de juillet 2003 devrait être de
courte durée. Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail
(BIT), qui prend en compte les chômeurs "à la recherche effective d’un
emploi et immédiatement disponibles", est passé de 9,5 % à 9,6 % (+ 0,1
point), selon les chiffres officiels qui ont été publiés, vendredi 29 août
dans la matinée, par le ministère des affaires sociales.

La France comptait, à la fin du mois de juillet, 2 399 100 demandeurs
d’emploi de catégorie 1, soit 0,2 % de moins qu’à la fin juin. Ce baromètre
officiel du chômage recense uniquement les personnes inscrites à l’ANPE, qui
déclarent être à la recherche d’un emploi à temps plein et à durée
indéterminée et qui n’exercent pas d’activité occasionnelle ou réduite. Il
est loin de prendre en compte l’ensemble des sans-emploi. Le ministère
explique la légère baisse du mois dernier par la mise en place dans la
moitié des régions françaises environ d’une nouvelle procédure de relance,
par téléphone, d’une partie des chômeurs. "On estime à environ 15 000 le
nombre de sorties supplémentaires pour absences au contrôle qui en découle
(...) : sans le changement introduit, l’évolution des DEFM de catégorie 1
aurait ainsi été légèrement positive", précisent les services de M. Fillon.
"NOYAU DUR"

Au-delà de différences statistiques notables, qui s’expliquent par des
définitions plus ou moins larges du chômage, la tendance générale est nette.
Sur fond de ralentissement économique et de recul de l’emploi salarié,
130 000 personnes supplémentaires se sont inscrites à l’ANPE. Soit une
hausse de 5,7 % des demandeurs d’emploi de catégorie 1. Si cette évolution
se situe "dans la continuité des mois précédents", la situation sur le
marché du travail a été, en juillet, plus favorable aux hommes qu’aux
femmes. Ce n’était pas le cas jusqu’alors. Mais sur an, le chômage des 25-49
ans s’est accru de 8,9 % chez les hommes, plus touchés que les femmes (+
4,8 %), par les restructurations et les réductions d’effectifs dans
l’industrie.

Signe de la persistance d’un "noyau dur" de sans emploi, que les années de
croissance faste du gouvernement Jospin n’avaient pu entamer, le chômage de
longue durée (au-delà d’un an) a augmenté de 7,9 % entre juillet 2002 et
juillet 2003. Il concerne 700 100 personnes. Parmi elles, 436 600 ont entre
un et deux ans de chômage, alors que la durée moyenne d’inscription à l’ANPE
est actuellement de 10 mois. Chez les moins de 25 ans, qui sont 410 900 à
rechercher un emploi, le chômage a reculé de 1 point en juillet. Mais les
jeunes qui sortent du système scolaire en juin ou début juillet, attendent
généralement l’automne pour s’inscrire à l’agence... Et sur un an,
l’augmentation du chômage dans cette tranche d’âge est forte (+ 4,2 %).

Seule circonstance favorable, les jeunes restent deux fois moins longtemps
chômeurs que l’ensemble des actifs ils se reclassent deux fois plus vite.
En revanche, la situation des seniors reste difficile. Le directeur général
de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), Jacky Châtelain relève
que, dans cette catégorie, "la probabilité de perdre son emploi n’est pas
très différente d’une tranche d’âge à l’autre", mais que "le retour à
l’emploi après 50 ans est, aujourd’hui, quasiment impossible". Les cadres ne
sont pas les plus mal lotis, le diplôme continuant de protéger du chômage.
Le gouvernement, qui a annoncé, pour l’automne, une campagne de mobilisation
sur l’emploi des seniors, aura fort à faire dans ce domaine. Si le patronat
est plus ouvert sur ce terrain qu’il ne l’a été dans le passé - le président
du Medef, Ernest-Antoine Seillière, semble vouloir donner au gouvernement
des gages de bonne volonté - la réalité pourrait rattraper tout le monde.
PESSIMISME DES SYNDICATS

La conjoncture médiocre laisse peu de chance à une inversion de la tendance.
Cette situation est d’autant plus préoccupante pour le gouvernement qu’il
compte sur le maintien dans l’emploi ou le retour à l’emploi des seniors
pour financer sa réforme des retraites. Or, le premier réflexe des
entreprises, lorsqu’elles réduisent la voilure, reste de mettre fin aux
contrats de travail de leurs quinquagénaires. A moyen terme, que ce soit au
sein du gouvernement ou chez les syndicats - la CGT et la CFDT tirent la
sonnette d’alarme sur l’emploi - le pessimisme est de mise. La majorité des
instituts de conjoncture tablent sur une forte détérioration du marché du
travail au cours des prochains mois.

Nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir à quel moment la
France renouera avec un taux de chômage à deux chiffres (10 %). "Les chefs
d’entreprise, ayant tablé à tort sur une forte reprise, n’ont pas réduit
leurs effectifs, et ce n’est qu’au début de l’année 2003 qu’ils ont commencé
à rétablir leur taux de marge (...) En conséquence, selon nos prévisions, la
France connaîtrait en 2003 des destructions nettes d’emploi, et le taux de
chômage atteindrait 10 % à la fin de l’année", écrit l’Observatoire français
des conjonctures économiques (OFCE) dans sa Lettre du 22 juillet 2003.
Dans ce contexte morose, le gouvernement devrait relancer le traitement
social pour franchir un automne et un hiver difficiles. En espérant la
reprise américaine et les premiers effets de mesures plus structurelles
comme le développement attendu de la formation professionnelle ou
l’accompagnement des restructurations : deux chantiers que M. Raffarin ne
manquera pas d’évoquer avec les partenaires sociaux qu’il recevra dans les
prochains jours.

Claire Guélaud

€ ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 30.08.03