Accueil > Lettre ouverte à Olivier Besancenot, par André Deluchat

Lettre ouverte à Olivier Besancenot, par André Deluchat

Publie le mercredi 10 mai 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

de André DELUCHAT

Cher Camarade,

Ta tribune libre publiée par le journal « Le Monde » dans son édition du 28 avril sous le titre "Marie-George, Arlette, José ... si on causait ? a retenu toute mon attention.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’invitation à dîner que tu as adressée à trois candidats déclarés ou possibles à l’élection présidentielle. Je regrette, toutefois, que tu n’aies pas pensé à d’autres convives, car le combat antilibéral, dont le 29 mai et la mobilisation contre le CPE ont marqué deux grandes victoires, est mené par de nombreux courants et organisations - dont la nôtre - qui se sont unis l’an dernier autour de l’Appel des 200. Et qui se posent aujourd’hui la question du débouché politique à donner à leur action. C’est donc tous ensemble qu’il faut causer.

En venant au contenu de ton texte, je pense moi aussi qu’ « il faut en finir avec toutes les politiques libérales, même lorsqu’elles ont été menées par la gauche au pouvoir ». Et je t’approuve de vouloir appliquer « un plan d’urgence sociale et démocratique », même si ta proposition d’ « interdire les licenciements » me paraît plutôt relever du programme du regretté Ferdinand Lope, qui voulait supprimer les wagons de queue du métro...

Mais je centrerai mes commentaires sur deux questions cruciales pour 2007 : l’union de la gauche et la refonte des institutions.

Tu écris : « L’espoir consiste donc à s’opposer à la droite et à résister au social-libéralisme, en refusant, par exemple, les alliances gouvernementales et parlementaires avec les PS ». Ainsi, l’espoir consisterait à perpétuer la division de la gauche ! Voilà une étrange conception. Que la direction du PS n’ait pas tiré les leçons du 29 mai, nul ne le contestera. Mais prétendre que les lignes sont figées et tracer l’avenir en tablant sur leur immobilisme ne constituent pas une bonne méthode.

Ce que la campagne référendaire de 2005 nous a appris, c’est au contraire que les choses peuvent évoluer au sein du PS, que ce parti n’est pas imperméable aux évolutions de la société, et singulièrement à celle des électeurs de gauche. Qu’il reste encore beaucoup de grain à moudre avant de constater un changement d’orientation substantiel rue de Solférino, nous en conviendrons. Mais entériner la division, considérer le PS comme une seule masse social-libérale pour refuser tout type d’alliance avec lui, c’est condamner le peuple de gauche à désespérer dans l’attente du Grand Soir, coincé qu’il serait entre la défaite causée par la désunion ou le retour aux affaires d’un parti demeurant hégémonique sans connaître contrainte ni pression en provenance des formations anti-libérales...

Il est vrai que nul contrat d’alliance n’est aujourd’hui envisageable entre nous et le Parti socialiste, faute d’un contenu, d’une convergence autour d’une plate-forme. Mais nous interdire, a priori, toute possibilité de dialogue et d’alliance serait déraisonnable. D’autant que l’action politique comporte des compromis, voire des reculs, acceptables à condition de ne pas perdre de vue la perspective d’ensemble - le combat contre le capital financier - pour repartir en avant au plus vite. Tout ne sera pas possible en 2007. Un gouvernement de gauche, même majoritairement anti-libéral, aura à occuper les marges de manœuvre que nous laissent les contradictions de la mondialisation financière, à s’efforcer de les élargir, mais sans jamais en méconnaître les limites.

Le gouvernement de la gauche plurielle a malheureusement mis l’Etat aux abonnés absents face aux exigences du capital financier et a renoncé à impulser une politique de transformation sociale. Ce n’est pas cette voie-là qu’il faut suivre ; nous voulons au contraire restaurer la puissance publique dans ses prérogatives pour défendre l’emploi et le bien-être du peuple de France. Mais la gauche anti-libérale s’illusionnerait à croire qu’elle pourra compter, seule, sur la majorité qui lui permettrait d’appliquer une autre politique.

D’autre part, je trouve paradoxal ton parti pris pour une politique de gauche chimiquement pure. Car la LCR appartient à la IVème Internationale, dont la section brésilienne « Démocratie socialiste » participe au gouvernement présidé par Lula en la personne de Miguel Rossetto, ministre de la réforme agraire. Et cela, alors que le gouvernement du PT compte plusieurs ministres libéraux plus ou moins sociaux... Le ministérialisme serait acceptable à Brasilia et l’alliance parlementaire avec le PS proscrite à Paris ! Comprend qui peut.

Notre démarche est différente. Nous proposons à la gauche anti-libérale d’arrêter un programme donnant son assise à un front, susceptible de nouer des alliances avec les socialistes si nous sommes assez puissants pour ne pas passer sous leurs fourches caudines. D’ailleurs, si l’on analyse les résultats du 29 mai, rien ne nous interdit de penser que les anti-libéraux ne pourraient pas être majoritaires à gauche.

Mais nous devons aussi définir clairement notre cheminement institutionnel, car si tu as raison de dénoncer les institutions de la Vème République, « qui empêchent le suffrage universel d’avoir une portée sur les décisions économiques », on chercherait en vain dans ton texte la réponse à la question posée par leur épuisement.

La Gauche Républicaine se prononce pour la convocation d’une Assemblée Constituante dont les membres seraient élus au suffrage universel et à la proportionnelle. La France doit sortir du régime de monarchie présidentielle qui étouffe la démocratie et ne sert que les puissants. C’est un vaste chantier de démocratisation de la vie publique qu’il faudra mettre en place, et qui ne se réduit pas à la révision de la constitution.

Nous proposons une nouvelle architecture institutionnelle qui placerait la représentation parlementaire, dont la désignation serait démocratisée, au cœur de la prise de décision politique. Une Assemblée qui arrête les orientations politiques sous le contrôle des citoyens, un gouvernement qui les exécute, un président qui porte la voix de la France sur la scène internationale, tel est le schéma que nous proposons.

C’est pourquoi la désignation d’un candidat à l’élection présidentielle ne saurait faire l’impasse sur cette profonde transformation de la vie publique, que l’ensemble de la gauche anti-libérale appelle de ses vœux. Marie-George, Arlette, José, Olivier ? Je répondrai ni les unes ni les autres, sans bien sûr méconnaître les mérites de chacun. Car le candidat le mieux à même de nous fédérer sera celui ou celle qui représentera la gauche anti-libérale dans sa diversité, et non un courant ou une organisation en particulier. Le candidat idéal, si j’ose écrire, serait celui ou celle qui ferait campagne en annonçant qu’il laisserait l’Assemblée Nationale gouverner sans entraves jusqu’à ce que le pays se dote d’une autre constitution, et qui aurait l’autorité pour défendre l’alternative de gauche dans les instances internationales.

Alors, pour 2007, mettons-nous en ordre de marche pour transformer l’essai inscrit le 29 mai. Nous avons des divergences ? Eh bien, causons, comme tu dis, mais tous ensemble, à l’exemple de ce que nous avons su faire en 2005. Les électeurs de gauche qui ont assuré la victoire du Non ne comprendraient pas que nous ne fassions pas tout pour parvenir à un accord.

Reçois, cher Olivier, mes salutations fraternelles et républicaines.

André DELUCHAT, secrétaire général de la Gauche républicaine

Messages

  • A lire en entier et attentivement... sous peine de n’émettre que des critiques purement rhétoriques.

  • D’autre part, je trouve paradoxal ton parti pris pour une politique de gauche chimiquement pure. Car la LCR appartient à la IVème Internationale, dont la section brésilienne « Démocratie socialiste » participe au gouvernement présidé par Lula en la personne de Miguel Rossetto, ministre de la réforme agraire. Et cela, alors que le gouvernement du PT compte plusieurs ministres libéraux plus ou moins sociaux... Le ministérialisme serait acceptable à Brasilia et l’alliance parlementaire avec le PS proscrite à Paris ! Comprend qui peut.

    Effectivement....

    Mais ce n’est pas un bon exemple pour participer à un gourvernement... Si il y avait interrogation sur la trajectoire des gouvernements Lula au départ, maintenant celà semble terminé.
    Effectivement on ne voit pas ce que foutent des gens révolutionnaires, ou se disant l’être, dans un gouvernement qui mène la politique que l’on sait.
    Donc vouloir convaincre la LCR d’y aller avec de tels exemples n’est peut-être pas ce qui se fait de mieux.

    Le problème de cette réponse (de réponse) ce sont effectivement les passages d’un niveau à un autre....
    Apparemment la LCR (et même LO) ne sont pas contre des alliances et des démarches communes avec le PS pour des luttes sur des positions précises... Ca c’est fait sur le CPE et contre la loi "colonialiste"....

    Mais il faut convenir que faire un gouvernement avec des gens n’est pas du tout de même nature. C’est théoriquement s’adresser à la question du pouvoir en France.

    Copas