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Tati : "Des petits employés de rien du tout ..."

Publie le lundi 1er septembre 2003 par Open-Publishing

Le groupe de distribution Tati qui détient 27 magasins en France et emploie 1 200 salariés est en grande difficulté. La CFTC a annoncé jeudi 28 août que les salaires du mois d’août n’avaient pas été intégralement versés et que le groupe était en cessation de paiement. Selon ce syndicat, le tribunal de commerce devait statuer mardi 2 septembre sur une probable liquidation judiciaire. En septembre 2002, dans le cadre d’un plan de sauvegarde, Tati avait annoncé la fermeture de cinq de ses trente magasins et lancé une nouvelle enseigne, avec deux unités prévues à Paris. Mais cela n’a pas été suffisant. Le groupe familial est victime de la crise économique en Algérie, d’erreurs stratégiques, en particulier d’une diversification hasardeuse et de la concurrence de nouvelles enseignes comme H & M.

"Je ne vends plus car Tati vaudra 3 à 4 fois plus cher dans quatre ans", déclarait en mars 2001 Fabien Ouaki, le PDG du groupe Tati et fils du fondateur aux Echos, après avoir refusé selon lui une offre de rachat de 600 millions de francs. Aujourd’hui, le groupe de magasins de distribution à bas prix est en cessation de paiement, a annoncé jeudi 28 août la fédération commerce de la CFTC. OAS_AD(’Middle’) ; Le tribunal de commerce de Paris doit statuer mardi 2 septembre sur une probable liquidation judiciaire du groupe Tati, qui représente en France 27 magasins et emploie près de 1 200 salariés. Contactée vendredi matin, la société n’a pas souhaité commenter l’information.

La direction du groupe a annoncé la mauvaise nouvelle aux représentants du personnel jeudi dans l’après midi au cours d’un comité central extraordinaire. "Nous avons eu la surprise d’apprendre que la société était en cessation de paiement. La direction n’a même pas justifié cette annonce. Elle a même menacé les élus de ne pas divulguer l’information jusqu’à mardi prochain. Mais les salariés verront bien avant cette date qu’ils ne seront pas intégralement payés sur leur fiche de salaire du mois d’août", indique Albert Hamoui, secrétaire général adjoint de la fédération commerce de la CFTC. Car la mauvaise nouvelle est double pour les salariés : ils ne recevront en effet pas l’intégralité de leur paie du mois d’août. Les cadres percevront 50 % de leur salaire et les non cadres 90 %.

"Nous savions que la situation était difficile", déclare M. Hamoui qui dénonce "la politique de diversification de l’entreprise, de mauvais choix dans sa gestion" mais aussi les mauvaises implantations géographiques des magasins, l’absence de véritables politiques marketing, et les assortiments en magasins qui ne répondent pas aux attentes des clients.

Au milieu des années 1990, Tati, s’était lancé dans une vaste politique de diversification. En 1994, il crée Tati Or, une enseigne de bijoux, détenue à 35 % par le groupe, puis Tati Optic, lancée en décembre 1998, et, enfin, Tati Bonbon et Tati Phone. A l’étranger, principalement par un système de franchises, l’enseigne est présente dans une quinzaine de pays dont le Cameroun, Djibouti, le Gabon, le Liban et la Russie.

La stratégie de diversification du groupe, victime de la concurrence des enseignes à bas prix, comme les Zara, H & M, GiFi, Halle aux vêtements et autres enseignes de destockage et de produits discount, commencent à miner le groupe dès 1999, conduisant Tati à se rapprocher des banques. Un mandat est confié à la banque Lazard en 1999 pour trouver l’appui financier d’un investisseur, contre une participation dans le capital de Tati de 25 % à 70 %. La famille souhaitant garder au moins une minorité de blocage. La banque d’affaires avait alors évalué le groupe à 450 millions de francs.

Mais à peine un an après avoir fait appel aux banques, le groupe change son fusil d’épaule. Tati retire le mandat et décide de rationaliser son réseau. Il vend deux magasins parisiens historiques, celui de la rue de Rennes, fermé en 1999, et celui de la Place de la République, fermé en 2002, dont la vente lui rapportera 150 millions de francs.

Cette logique débouche en septembre 2002 sur l’annonce d’un plan de sauvegarde, dans lequel Tati dévoile la fermeture de cinq de ses trente magasins et lance une nouvelle enseigne, "La rue est à nous". Ce nouveau concept de magasin, qui se présente comme une place des marchés ou un bazar, a ouvert à la fin mars 2003, dans le centre commercial Italie 2 sur près de 1 000 m2.

Mais cette stratégie ne s’est pas révélée payante. Tati perd inexorablement du chiffre d’affaires. Celui-ci passe de 166 millions d’euros en 2000 à 165 millions en 2001, puis à 149 millions en 2002. Si bien que le groupe tombe dans le rouge en 2002 et affiche une perte de 19 millions d’euros, contre une bénéfice de 3 millions un an plus tôt.

La question est désormais de savoir ce qu’il adviendra des salariés du groupe familial. Invité d’Anne Sinclair le 25 janvier 2003 sur RTL, Fabien Ouaki déclarait "chez nous, on ne jette pas 120 personnes à la rue", en réaction aux multiples annonces de plans de licenciements. Depuis trois ans, les effectifs ont largement diminué, notamment du fait de la vente des magasins. De 1 446 en 2000, le nombre de salariés est passé à 1 394 en 2001, puis à 1 156 en 2002. "Les élus avaient alerté la direction il y a plus de six mois, indique M. Hamoui. Si on nous avait écoutés alors, on aurait peut-être pu sauver la moitié des effectifs par un plan de rationalisation".

Les salariés, qui redoutent un nouveau Marks & Spencer, n’avaient pas encore été avertis vendredi au matin. "Nous ne sommes que des petits employés. On ne sait encore rien", explique-t-on au magasin de Barbès Rochechouart.

Cécile Prudhomme

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3234--332020-,00.html