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Quelques réflexions sur le phénomène Ségolène

Publie le mardi 16 mai 2006 par Open-Publishing
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L’envolée de Ségolène Royal dans les sondages d’opinion pose question.
Ce phénomène n’était pas prévu ; il fait irruption tout à coup dans une situation politique confuse, avec une droite en fin de règne et une gauche très émiettée.

Mon postulat de départ :
Il y a un fil de continuité invisible entre :

A Le 21 avril 2002
B Le 29 mai 2005
C L’ascension vertigineuse de Ségolène Royal dans les intentions de vote en ce début 2006 ...

Comment expliquer cet apparent paradoxe ?

Le point commun, c’est la Fronde du peuple de gauche vis à vis des évidences, des réalités toutes faites, peut être aussi d’une certaine façon de faire de la politique.

Reprenons dans l’ordre chronologique :

Le 21 avril 2002,
C’est la défiance de l’opinion face aux deux principaux candidats qui produit l’élimination du supposé duel automatique au 2ème tour.
Jospin, "l’austère qui se marre", ne fait pas rire les électeurs.

En raison de multiples raisons, dont la présence invraisemblable des autres candidats de gauche, (et les 10% de voix trotskystes)...
Il ne trouve pas à gauche les voix nécessaires à sa présence au deuxième tour.

A noter que la droite n’est guère mieux lotie : puisque Chirac n’atteint pas 20%.

Le 29 mai 2005,
Les Français ont refusé une certaine logique, proposée de manière univoque par une très grande partie de la classe politique.
Vu depuis une grande partie de la gauche, y compris socialiste, les suffrages ont blackboulé la logique libérale et renvoyé à leurs études les "magiciens" de l’Europe.

Aujourd’hui, en 2006 :
Ségolène Royal est une femme politique et en tant que telle, elle incarne une certaine subversion.
Indépendamment du fait que Ségolène est extrêmement classique dans son apparence et dans son comportement, elle est une femme.

N’oublions pas deux composantes de la société française :
a) le droit de vote des femmes est très tardif en France, 1945.
b) les femmes sont notoirement sous-représentées au sein des élites politiques, sociales, dans le monde des affaires...

Certes, il y a eu l’épisode Cresson, raté dans une certaine mesure, mais la réalité vécue de la France d’aujourd’hui, c’est la femme sous-représentée en responsabilités.

Or, la capacité supposée de Ségolène à changer la donne est en soi un très sérieux moyen de fronde.
Ce d’autant qu’elle n’est pas vraiment révolutionnaire dans son discours ; le vent qu’elle fait souffler est à la fois porteur de profonde rénovation ET sans risque.

Les pas de danse esquissés avec Djamel Debbouze sur Canal +, le choix de collaborateurs peu connus, tout lui réussit.
Parce qu’il y a une cristallisation d’une multitude de facteurs qui lui sont favorables.
Jusqu’à la citation de Blair comme source d’inspiration (preuve d’ouverture d’esprit), comme le tacle qu’elle lui donne après l’échec du Labour aux municipales (au fond il exagère avec ses trois mandats successifs).

De même, alors qu’elle est en responsabilité depuis d’assez nombreuses années, elle est considérée comme sortant toute neuve de l’oeuf, dans un contexte d’assez grande distance des Français face à l’action politique.

De même enfin, l’absence d’idée fixée sur les grands sujets, qui serait considérée chez d’autres comme un inconvénient, est vue chez elle comme un signe d’écoute et d’ouverture.
Il est vrai qu’elle tranche au milieu des messieurs "Je sais tout" chenus de la politique française.

Image que renvoie Ségolène en quelques mots :

Dans un monde soumis au tsunami de la mondialisation libérale, Ségolène est à la fois :
 la mère rassurante (elle "assure" avec ses quatre enfants) ;
 la femme en responsabilité (députée, présidente de conseil régional et bien élue) ;
 la bête de travail (tout autre serait accusé de cumul effroyable, pour elle c’est encore un point positif ...) ;
 le symbole du changement possible, parce qu’elle est différente des autres ...

Dans ce contexte, pour la battre, les autres socialistes ont peu d’atouts et beaucoup de handicaps...

Le devenir de cette vague :
Il est possible que cette vague montante puisse se transformer en vague descendante, le jour où la subversion qu’elle incarne se révélerait inopérante, ou factice, ou insuffisante.
Ses crédits deviendront des débits et les vertus qu’on lui prête seront versés à un(e) autre.

Il se peut également qu’en passant quelques obstacles programmatiques et en agrégeant un nombre croissant de soutiens, elle finisse par l’emporter sans bataille interne (ou presque), faute de véritable concurrence en face.

Pour l’instant, rien n’est fixé ni "plié". Tout bouge.

Amitiés

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