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Chômage : Matignon sans mode d’emplois

Publie le jeudi 4 septembre 2003 par Open-Publishing

Plans sociaux annoncés, faillites à répétition

Chômage : Matignon sans mode d’emplois

Alors que des milliers de postes ont été ou seront supprimés, Raffarin reçoit les syndicats demain.

Par François WENZ-DUMAS

Avis de gros temps : les quatre derniers mois de l’année 2003 s’annoncent difficiles pour le gouvernement. Mais peut-être pas là où l’on s’y attend le plus. Le conflit des retraites pourrait connaître quelques répliques, et celui des intermittents faire encore un peu parler de lui. Les enseignants, rentrés hier, sont à cran. Et les mesures de redressement des comptes de l’assurance maladie risquent de faire grincer des dents. Mais ce qui inquiète surtout Matignon, c’est l’emploi. Le limogeage du « Monsieur plans sociaux » nommé à l’automne dernier (lire ci-dessous) témoigne ce cette fébrilité.

Déficit. Le Premier ministre, qui reçoit dès demain les syndicats, ne se fait aucune illusion sur ce qui l’attend : la courbe du chômage, avec ses 223 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en quinze mois, ne sortira pas du rouge avant le printemps prochain. Dans le meilleur des cas. Jeudi, lors de la publication des chiffres de juillet, le ministère du Travail s’est bien gardé de crier victoire devant la baisse apparente du chômage (-0,2%) : elle correspond à la généralisation du contrôle par téléphone des inscrits à l’ANPE. « Sans ce changement, le nombre de demandeurs d’emploi aurait augmenté », a-t-on bien précisé pour ne pas être soupçonné de chercher à maquiller les chiffres. Le chômage augmentera, parce que la croissance est en berne depuis un an. « Le PIB est à la mi-2003 exactement au point où il était un an plus tôt », rappelait vendredi Jean-Pierre Revoil, directeur de l’Unedic (Union nationale des Assedic, qui gère l’assurance chômage). Or, rappelle-t-il, « l’emploi ne progresse qu’avec un PIB supérieur à 1 %». Au-dessous d’un point de croissance, le chômage ne peut pas reculer.

Le déficit de l’Unedic - malgré la hausse de cotisations et la réduction de durée d’indemnisation qui devrait toucher 600 000 allocataires - risque de dépasser les 2,4 milliards d’euros initialement prévus. L’emprunt de 4 milliards d’euros sur cinq ans souscrit par l’assurance chômage pourrait être un peu court. Quant à l’AGS (Association pour la garantie des salaires), malgré la réduction de moitié (de 126 464 à 58 368 euros) du plafond d’indemnisation garanti à chaque salarié en cas de faillite de son entreprise, discrètement opérée par décret le 27 juillet, elle accuse encore un demi-milliard d’euros de déficit.

Baisse d’impôt. Après être descendu à 8,7 % en 2001, le taux de chômage est remonté en juillet à 9,6 %. La barre symbolique des 10 %, franchie dans l’autre sens sous Jospin en janvier 2000, pourrait être repassée d’ici à la fin de l’année, à quelques mois des régionales de mars 2004. C’est cela, plus que le risque d’une rentrée sociale agitée, que craint Jean-Pierre Raffarin. Et il ne peut rien faire. Car, en choisissant de soutenir la consommation par des baisses d’impôt, et de privilégier les mesures qui « fluidifient » le marché de travail comme le contrat jeune, le gouvernement s’est privé des moyens d’un traitement social du chômage. Il y a bien le Civis (contrat d’insertion dans la vie sociale), mis en place cet été. Mais il prendra au mieux le relais des emplois-jeunes associatifs. La rigueur budgétaire joue aussi contre l’emploi. La réduction d’effectifs de la fonction publique prévue pour 2004 -sans doute autour de 5000 -, ne peut qu’avoir une effet négatif sur le marché du travail.

Les périodes de montée du chômage ne sont habituellement pas propices aux grandes mobilisations dans le privé. Quant aux salariés du public, ils ont déjà donné au printemps. La rentrée ne sera donc pas nécessairement agitée. Mais si, face à la montée du chômage, le gouvernement est aussi peu réactif que devant la canicule, les échéances de 2004 s’annoncent périlleuses pour l’équipe Raffarin.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=134334