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Michel Peyret à Raoul Marc Jennar et ses amis

Publie le lundi 5 juin 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

de Michel Peyret

Vous avez bien évidemment toute liberté pour créer le mouvement dont vous exposez les raisons d’être .

Je ne le rejoindrais pas . Manifestement mon NON au traité constitutionnel n’avait pas la même signification que le vôtre et je ne veux pas être la "roue de secours" d’un projet avorté , ni participer au renflouement d’une construction européenne qui maintiendrait dissimulé , plus on moins adroitement , un projet d’Etat européen , qu’il soit de type confédéral selon les uns , ou de type fédéral pour les autres , en tout cas un Etat supra-national dont les décisions continueraient à s’imposer aux peuples européens , car je vois mal comment il pourrait en être autrement avec la présentation que vous en faites.

Le NON au référendum de 2005 a été , avant tout , un sursaut de souveraineté , une sorte de « piqure de rappel « à l’’ensemble des forces politiques qui ont décidé d’abdiquer leurs droits et pouvoirs .

En fait , une double abdication puisqu’elles acceptaient que la loi française ne soit plus conçue par l’Assemblée Nationale composée des représentants du peuple français mais comme l’application obligatoire de directives de la Commission européenne , organisme désigné , en aucune façon représentatif des peuples européens .

Et elles démissionnaient dans le même temps devant la loi , ou la dictature des marchés que cette même Commission établissait de façon à détruire tout ce qui pouvait s’opposer à la libre-concurrence , à la libre circulation des marchandises et des capitaux au sein même de cette Union européenne et de la mondialisation à cette sauce dans le cadre de l’OMC .

Ces abandons redoublés offraient une voie royale au système capitaliste qui s’en saisissait pour mettre à bas les acquis démocratiques , sociaux et sociétaux , des luttes et combats des périodes antérieures .

Aussi il m’apparait , et il me semble comprendre que le peuple français l’entendait ainsi , que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est en aucune façon un principe dépassé , ni en ce qui concerne les peuples d’Europe , ni pour les autres peuples de notre monde .

Je suis même convaincu que ce principe n’a rien perdu de sa force révolutionnaire .

De longtemps , en Europe et ailleurs , des empires ou autres systèmes , ont tendu à cadenasser les peuples , à les enfermer dans divers carcans et constructions aussi répressifs que vains . Vains , car ces assemblages contre nature , contre les identités et les cultures qu’ils niaient , n’ont tenu que des temps courts dans la longue construction des indépendances , des souverainetés et des démocraties qui , manifestement , demandent aujourd’hui de nouveaux développements qualitatifs.

L’accès ces jours derniers à l’indépendance du petit Monténégro n’est que le dernier avatar de ces prétentions hégémoniques . Mais il rappelle toute une histoire extrèmement proche qui a commencé par une affirmation significative qui confirmait sa modernité : « Nous sommes le peuple ! »

Et déjà on voudrait effacer cette page-là au moment où le peuple français a jugé bon d’affirmer , avec toute la force d’un vote , le même rappel , la même aspiration qui a sa source dans toute son histoire , une histoire et un présent dont ont pu s’inspirer d’autres peuples qui ont cependant refusé « les missionnaires armés « , toute imposition par la contrainte .

C’est d’ailleurs ce que vous admettez dans votre texte qui exprime votre raison d’être : « Nous avons défendu , dites-vous , comme une valeur démocratique suprême l’appropriation du débat par les citoyennes et les citoyens , c’est-à-dire la définition de notre destin commun par le peuple lui-même . »
Pourquoi ne pas en rester là ? Et reconnaître à tous les peuples européens le même droit !

Cela me semblerait sage et réaliste .

Car , avec la connaissance que j’en ai , je ne conçois pas les peuples européens marchant au même pas , même si ce pas là n’est pas celui de l’oie ! Il y a trop de différences qui tiennent à l’histoire , au développement économique , aux identités , aux cultures ...Vouloir forcer la main des peuples conduirait où ? Sinon à ce que j’ai déjà évoqué !

Tenez , revenons aux élections de 2004 au Parlement européen . Considérons les abstentions : 56 ou 57% en France et d’autres du même ordre en Europe occidentale et jusqu’à plus de 80% dans certains pays de l’Est ! Etait-ce seulement le refus du libéralisme , du régime capitaliste ? Les illusions avaient-elles déjà toutes disparu à l’Est ? Non ! Ce qui était désavoué , c’est la contrainte , le caractère imposé des règlements et institutions , toute une législation qu’il fallait adopter au pas de charge pour entrer dans « l’Union « .

Bref , pour ces peuples , c’était entrer de nouveau dans quelque chose dont ils venaient de sortir ou qui y ressemblait fort . Et que croyez - vous qu’ils auraient fait s’ils avaient eu à se prononcer par référendum sur le projet de Constitution ?

Et n’allez pas leur dire aujourd’hui : « Le projet de société pour la France est indissociable d’un projet de société pour l’Europe « .J’entends les répliques : « Quoi ? La France veut nous imposer son projet de société ! »

Ni leur proposer une nouvelle constitution européenne , même si vous ajoutez qu’elle doit résulter des exigences formulées par les peuples . Et comment fait-on s’il y a des exigences contradictoires ? Et elles ne sont pas trop difficiles à imaginer quand on ne s’arrête pas aux élites politiques et que l’on se frotte au peuple d’en-bas , un peu comme chez nous .

Aussi ne parlons pas d’un peuple européen , ni d’un citoyen européen , cela n’existe pas et n’existera pas avant longtemps .

C’esr l’ensemble de ces considérations qui m’ont conduit à écrire avant le référendum que j’émettrais le 29 mai un double NON : un Non au projet qui nous était alors soumis et un NON à tout autre projet de constitution qui pourrait nous être soumis à l’avenir .

Rien de ce qui s’est passé depuis un an n’a pu me conduire à changer de position : Je demeure opposé à la construction de tout Etat européen qui serait consacré par l’adoption d’une constitution , le fait même de parler de contitution établissant suffisamment qu’il s’agit d’un Etat .

Ce faisant , je ne me sens pas moins européen que d’autres , certainement de façon différente , de façon plus réaliste et par là-même plus européen . Car , quelle serait une construction européenne qui irait de crises en crises jusqu’à être à nouveau récusée par les peuples . Pour être européen , il ne suffit pas de bâtir l’Europe de l’utopie car c’est aussi celle de l’aventure . Mais oeuvrer à l’Europe de la sagesse , celle qui reconnaît l’existance durable des peuples , qui se construit dans l’appel à leur souveraineté , dans le respect de leurs traditions , cultures , identités ...

Aussi tous les traités existants qui nient tous ces principes doivent être abrogés .

Je vois une Europe des peuples souverains dotés du droit imprescriptible à disposer d’eux-mêmes .

Une Europe des peuples c’est avant tout l’Europe des solidarités . Dans ce Manifeste qui hantait l’Europe , Marx lançait : « Prolétaires de tous les pays , unissez-vous ! » C’est l’union dans les luttes pour combattre le capitalisme , en finir enfin avec lui , au rythme du choix des peuples .

Une Europe des peuples , ce doit être une Europe du partage : face aux importantes inégalités de développement , les ressources doivent être trouvées dans les taxations du capital pour contribuer à les résorber .

Une Europe des peuples , ce doit être une Europe des coopérations à l’opposé de la mise en concurrence des peuples et de tout ce qui y contribue comme le libre circulation des marchandises et des capitaux qui ne peut qu’aggraver les inégalités de développement . Des coopérations en tous domaines , de l’école à l’économie et à la culture , des coopérations à la carte , les peuples intéressés par tel ou tel projet décident de le réaliser ensemble et le
financent . Il n’y a nul besoin d’un lourd budget européen qui pourrait être ainsi réduit aux aides destinées à combler les inégalités de développement .

D’ailleurs , l’ensemble du système monétaire européen , résultant également des traités existants , doit également être récusé , ce qui correspondrait aux enquêtes établissant le refus de ce système comme le deuxième axe du NON .

Je vois une Charte qui organise l’ensemble , quelque chose de souple , qui n’impose rien à aucun peuple . Une Assemblée générale qui prend les décisions dans les limites dela Charte...et un exécutif tournant qui met en application .

Une Europe pour la paix qui impulse le désarmement , notamment nucléaire , dans toutes les instances concernées .

Oui , pourquoi pas l’Organisation des Nations-Unies d’Europe , ouverte sur le monde et notamment sur ce berceau des cultures européennes qu’a été la Méditerranée qui , plus que l’Europe , pourrait être l’espace des coopérations et des échanges entre les trois continents qui la bordent .

Messages

  • Alors vive l’autonomie des peuples bretons , basques , corses etc ... le peuple français n’a jamais existé .

  • Organisation des Nations-Unies d’Europe ou Etats-Unis d’Europe ????

    Les états et rassemblements d’états sont autant de poupées russes qui cachent d’autres peuples qui ont été écrasés.

    Marx n’a pas écrit "Etats-nations unissez-vous !" Lisez bien , lisez mieux.... Une libre union des travailleurs en Europe n’est pas et ne sera pas l’UE....

    L’existence, de fait, d’une UE ayant une partie essentielle des prérigatives d’un état (il n’y a plus d’état réellement souverain quand celui-ci n’a plus de monaie) construite contre ses peuples, au profit d’interets financiers puissants, prédateurs dans le monde, n’hypotheque pas la possibilité favorable d’une Europe unie, respectueuse de ses composantes (peuples ayant eu, ou pas, le droit d’être états-nations) , solidaire, ouverte sur le monde, anti-capitaliste, ...à condition de ne pas se corrompre par des frontières-murs dirigés contre les hommes et les autres peuples.

    Bien sûr qu’il est aussi légitime à cette Europe désirée de s’ouvrir tout autant au sud, avec le Magreb et le reste du pour-tour méditerraneen avec qui nous partageons notre histoire et notre chair, que de s’ouvrir aux Pays Baltes.

    Proximité humaine et racines de dizaines de millions d’Européens de fait sont partagées avec les rives Sud et Est de la Méditerranée et il n’y a en fait, que des racistes non avoués, pour estimer que des Baltes y ont plus leur place que des Algériens ou des Marocains, des Libanais, des Palestiniens ou des Egyptiens avec qui notre histoire s’est entrecroisée pendant des millénaires.
    Cette histoire agit toujours puissemment et montre que les murs de l’UE sont destinés à diviser et à inhumaniser.

    Mais il existe une autre tradition que celle-ci cruelle, une tradition fraternelle qui ne se laisse pas enfermer, celle qui permit la fraternisation de soldats allemands et français pendant la guerre de 14, contre les états-nations tueurs. Une tradition qui fit flamber l’Europe au 19eme siècle par la contagion révolutionnaire pour les libertés et les droits de l’homme, pour l’égalité et la fraternité, cette contagion, à l’echelle européenne ne fut pas une lubie française, mais une aspiration universelle dont le moteur raisonne encore. les contre-feux à cette Europe furent les entonnoirs des états-nations, et les boucheries adjacentes qui jeterent les peuples d’Europe à la gorge les uns des autres.

    Il est temps, et plus que temps, de fournir aux états-nations une fin honorable, non construite sur un super-état predateur (les peuples de notre ami furent à l’origine subdivisés en peuples en général hostiles, les peuples se construisirent par la prédation, l’absorbtion forcée d’autres peuples, vouloir geler, faire une photo d’emblée jaunie des états-nations européens, n’est peut-être pas la meilleure des possibilités), mais sur une libre association qui progressivement abolisse les frontières qui nous divisent , materielles, administratives ou dans nos têtes en peuples.

    Mais pour celà il faut parler et tonner à l’échelon européen. Il faut se distinguer, même dans les élections nationales , par des paroles et des mots, des attitudes et des propositions dont on ne puisse rougir quelque soit l’endroit d’Europe où on les profere. Car il y a plus fort que les cultures et les langues qui nous divisent, il y a la résistance faceà des prédations communes, une nomenclatura bourgeoise puissante qui ne se divise plus en nations mais en courants sur les differentes façons de nous tondre.

    Nous n’avons pas choisi nos enemis et ceux-ci nous ont choisi le terrain, l’Europe, et non les limites des états-nations. Rester en deça des frontières c’est se faire abattre peuple par peuple, les uns après les autres. Hausser la voix à partir de l’Europe et c’est une chance qui s’offre à nous.

    Copas

    • Copas : « Car il y a plus fort que les cultures et les langues qui nous divisent, il y a la résistance face à des prédations communes »

      Ce sont justement ces cultures et ces langues qui aujourd’hui fondent la résistance contre les prédations communes, lesquelles sont froides, apatrides, impersonnelles. C’est bien dans le cadre national des différents pays que les droits politiques ont pu naître, et c’est uniquement dans le cadre national que la démocratie peut s’exercer (ou peut s’exercer le moins mal). Dire que l’existence de pays (appelés, par dénigrement, « États-nations ») en Europe mène automatiquement et fatalement à une réédition interminable de la guerre 14-18, est un raccourci grossier. Ce qui mène à la guerre, c’est la négation des nations, et l’imposition d’un empire multinational ou supranational, facilement récupéré et noyauté par la haute finance internationale, come cela se produit à l’heure actuelle. Un État européen supranational, dans lequel les gens se sentent aliénés et dépossédés de cette petite parcelle de pouvoir qu’ils détenaient, ne pourra jamais donner la garantie d’un fonctionnement démocratique, et les prédateurs ne le savent que trop bien.

      Les gens ne veulent pas le démantèlement de leur pays, veulent que l’essentiel de la vie politique continue d’avoir lieu dans le cadre national, qui leur est familier et où, nonobstant les difficultés, ils se sentent plutôt à l’aise. Les gens sont foncièrement attachés à leur pays, et il n’y a rien de mal ! Mieux vaut prendre acte de cette volonté populaire (qui n’est pas spécifique à la France) et de tenter de gérer au mieux la diversité et les contradictions existantes. C’est de simple bon sens. Il n’est pas question pour moi bien sûr de mettre les différents pays sous une cloche à fromage et de m’opposer à toute forme de collaboration entre eux (pas seulement entre pays européens d’ailleurs) ; mais je refuse cet État fusionnel, contre-nature et monstrueux, que nous préparent les apprentis sorciers européistes et qui ne peut manquer de conduire à la confrontation.

    • Torsade de pointes : "Les Bretons , Basques , Corses etc se sentent français en très large majorité ... Prenez la peine de les interroger ."

      Ah mais oui , oui , prenons la peine de les interroger . Vous proposez un référendum ?
      Quelquesoit le résultat , vous les mettez où tous ceux qui se sentent européens et bretons ou corses mais pas spécialement français ?

      Pierre