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Un Marx méconnu : la subjectivité individuelle au cœur de la critique de l’économie politique

Publie le mercredi 7 juin 2006 par Open-Publishing
11 commentaires

Michel Henry (1922-2002) Philosophe

de Michel Henry entretien avec Philippe Corcuff et Natalie Depraz

Quand j’ai commencé à entrer en relation, je dirais, personnelle avec la philosophie, c’est-à-dire à me demander ce qu’elle signifiait pour ce que je cherchais, et pour savoir ce que c’était que l’homme, j’étais en désaccord avec la pensée classique qu’on enseignait alors, qui était une sorte d’idéalisme post-kantien, qui était l’enseignement un peu de la République, enfin avec la morale kantienne, etc. Et je cherchais, moi, une définition de l’homme beaucoup plus concrète, beaucoup plus proche de ce que je croyais être. En philosophie, ça se traduisait par le fait que je cherchais à la place du sujet kantien, impersonnel, qui faisait la science et qui connaissait l’univers objectif, donc qui était une pensée universelle du monde, et qui dessinait le cadre à l’intérieur duquel travaillait la science objective, je cherchais une définition beaucoup plus concrète de l’homme. Je dirais plutôt de l’individu, pour éviter ce mot et pour rendre compte aussi de son individualité.

(...) Et, par conséquent, c’était une nouvelle philosophie de l’action qui s’imposait à moi. Non seulement l’action qui apparaît comme un processus qui agit sur les choses extérieures, mais qui a d’abord sa condition dans une expérience purement subjective du pouvoir qui agit. Et sans cette relation originelle au pouvoir qui agit, et qui coïncide avec moi, aucune action ne serait possible.

Et alors c’est à ce moment-là que je me suis tourné vers une autre recherche, qui a porté sur Marx. (...) Je me suis mis à lire Marx dans cette optique. Alors que le marxisme disait tout autre chose. Le marxisme, que je connaissais pour d’autres raisons, comme tout le monde à cette époque le connaissait, était un objectivisme. Il faut bien comprendre que le marxisme était une sorte d’objectivisme radical, qui traitait tout ce qu’il traitait de façon objective, qu’il s’agisse de classes sociales, ou qu’il s’agisse de phénomènes économiques. Tout cela était considéré comme des objets qui devaient être traités par des sciences, en retournant à ce schéma « sujet connaissant l’objet ».

Or, dans Marx, je découvrais avec surprise pour ne pas dire avec stupeur, que Marx, en fait, avait accompli dès 1845, après avoir traversé très rapidement tous les grands systèmes philosophiques de son temps - qui étaient comme un résumé de l’histoire de la pensée occidentale -, Marx découvrait ce qu’il appelait la praxis. Et cette praxis, il la concevait comme subjective - c’était l’action ! -, il la concevait comme subjective, comme individuelle. Et cette action, c’était l’action réelle. L’action réelle n’était plus le déplacement objectif qu’on peut voir dans le monde et qu’étudient des sciences objectives. L’action réelle, c’était l’action de l’individu, en tant qu’action subjective et vivante. Et il plaçait la vie plus profond que la conscience, en disant que c’était la vie. Pas du tout la vie au sens biologique, dont il ne parle à aucun moment, mais la vie des gens telle que l’éprouvent les gens : qui était une force, un pouvoir plus profond que la conscience, c’est-à-dire que la relation à l’objectivité, et qui déterminait cette relation à l’objectivité ou cette représentation.

Or, fait extraordinaire, cette praxis subjective, vivante, individuelle, et qui définit la réalité, elle allait devenir le point central de son étude, car le travail est de cet ordre. Le travail est une action et, par conséquent, il est subjectif, il est vivant, il est individuel. Et c’est ça le travail réel. Et, par conséquent, le travail dont parlaient les économistes n’était pas le travail réel. Et à ce moment-là, Marx fait l’une des découvertes les plus extraordinaires de l’histoire de la pensée occidentale. C’est qu’au moment même où il reprend les thèses d’Adam Smith (1723-1790), qui est donc le grand fondateur de l’économie moderne (ce qui coïncide avec le développement de la grande industrie), au moment où il le critique (mais il en reprend une thèse essentielle, et l’une des plus essentielles, c’est que c’est le travail qui produit ce que les économistes d’alors appellent la valeur d’échange et, par conséquent, l’argent) au moment même ou il reprend cette thèse essentielle, il dit : « Oui, mais quel travail ? » Et à ce moment-là il dit : « Les philosophes et les économistes ont parlé dans la confusion du travail. Parce qu’il n’y a pas un travail. Il y en a deux. Il y a le travail réel qui est subjectif, qui est vivant, qui est individuel, et qu’ils ne prennent jamais en compte.

Et puis il y a un autre travail qui est en fait la représentation de ce travail, et qui est le travail dont parlent les économistes, et qui est le travail social et abstrait ». Et c’est à partir de ce dédoublement du travail (...) qu’il va construire sa propre théorie de l’économie politique, donc de l’économie, avec et contre l’économie classique d’Adam Smith et puis de Ricardo (1772-1823). Et donc, à ce moment-là, on peut dire qu’au fondement de toute l’analyse économique qui sera celle de Marx, il y a des thèses philosophiques fondamentales, qui ont été complètement masquées par ceux qui sont devenus les « marxistes » ; thèses sans lesquelles cependant, toute la théorie de Marx est complètement incompréhensible. Or cette théorie de Marx, ce n’est pas seulement une théorie des phénomènes économiques. Mais puisque l’économie est au fondement des sociétés, c’est une théorie de la société, et c’est une théorie de l’histoire. Donc les deux grands thèmes de réflexion qui vont être assez largement ceux de la philosophie moderne, sont abordés dans une perspective philosophique fondamentale.

(...) Marx dit « le travail vivant », dans les manuscrits de 1857 et puis tout le temps. Parce que ce n’est pas le jeune Marx, là, dont il s’agit, c’est le Marx non seulement du Capital, qui est encore un livre didactique, mais c’est le Marx le plus profond, celui des manuscrits économiques, qu’on publiera après sa mort, et qui formeront ce qu’on appelle le tome 2 et le tome 3 du Capital. Et à partir de ce moment-là, Marx désigne toujours le travail comme l’actualisation de la force subjective de travail. Et je crois que par « force subjective de travail », il entend très exactement ce corps que je m’étais efforcé de décrire et de comprendre comme un « je peux ». L’individu vivant est un « je peux », et le travail consiste à faire passer à l’acte, à mettre en œuvre ce « je peux » fondamental que je suis dans mon corps vivant. (...)

Et donc, on a construit un travail qui n’existe pas, qui est une entité idéale et qui est un objet économique. Car l’objet économique, ce n’est pas du tout le travail vivant. L’objet économique, c’est comme un objet géométrique. C’est un objet qui a été construit à partir de la réalité. Et aujourd’hui tout l’univers économique est construit ainsi. Parce que le travail abstrait ou économique, ou social, comme il le dit encore, est, lui, homogène à la valeur d’échange, homogène à l’argent... L’argent, la valeur d’échange, c’est du travail abstrait. Il y a donc tout un univers économique parfaitement homogène, et financier aussi, qui est constitué par des substituts de la vie réelle des gens. Et cet abîme est ouvert à jamais. (...)

Et l’histoire du monde maintenant, c’est l’histoire de l’écart de la vie réelle des gens, qui continue, et des entités qui fonctionnent, qui ont pris la direction du gouvernement du monde, et qui fonctionnent d’elles-mêmes et par elles-mêmes : entité économique et entité financière. Et cet abîme se creuse d’avantage, conduisant sous nos yeux l’humanité à une sorte d’abîme. Ce sont les aveugles de Bruegel qui vont au précipice, parce qu’ils n’ont pas compris ou pas voulu comprendre, et que toutes les théories économiques ont écarté les thèses de Marx, sans comprendre que leur fondement était plus que jamais présent et agissant dans le monde moderne. (...)

Extraits d’un entretien inédit de juin 1996 avec Philippe Corcuff et Natalie Depraz, paru dans la revue ContreTemps (éditions Textuel), n°16, avril 2006, pp. 159-170.

Présentation de Michel Henry

par Philippe Corcuff

Michel Henry est un grand philosophe français de la deuxième moitié du XXe siècle, apprécié de générations de philosophes mais aujourd’hui méconnu du grand public. Il a pourtant également été un écrivain, et a même obtenu le prix Renaudot pour son roman L’amour les yeux fermés en 1976 (Gallimard).

Il est né le 10 janvier 1922. Son mémoire de maîtrise de philosophie, soutenu en 1943, est consacré à une lecture originale de Spinoza (sous le titre Le bonheur de Spinoza, réédité en 2004 aux PUF). Tout juste après la soutenance, il rejoint la Résistance. Dans le maquis du Haut Jura où il combat, il a pour nom de code Kant. Au lendemain de la guerre, il sera un moment proche des socialistes de la SFIO. Il passe l’agrégation de philosophie en 1945. Il enseignera à l’Université de Montpellier de 1960 à sa retraite en 1982. Il situe son travail dans le cadre de la phénoménologie initiée au 20e siècle par Husserl, mais va peu à peu rompre avec la dimension principalement intentionnelle de ce dernier, en explorant de façon singulière une phénoménologie du corps subjectif et de la chair. Un de ses derniers ouvrages radicalise cette perspective : Incarnation - Une philosophie de la chair (Seuil, 2000).

Il commence à travailler sur Marx, dans une perspective non « marxiste » en 1965. Les deux tomes de son Marx paraissent en 1976 chez Gallimard (tome 1 : Une philosophie de la réalité, et tome 2 : Une philosophie de l’économie ; réédition en collection « TEL » de poche en 1991), mais sont peu discutés par les diverses obédiences « marxistes » alors encore puissantes dans l’Université française. Il faut dire qu’il annonce de manière provocatrice, dès que début de l’ouvrage, que « Le marxisme est l’ensemble des contresens faits sur Marx » (tome 1, p.9). Mais, surtout, il y déploie une lecture nouvelle, inattendue, qui repère chez Marx, des écrits de jeunesse à ceux de la maturité, des textes philosophiques aux textes économiques, une logique de la subjectivité radicale et de la vie, qui étonne encore aujourd’hui par son intensité. Il met alors l’accent, contre les interprétations marxistes dominantes, sur les notions d’individu et de subjectivité. On peut certes critiquer cette focalisation, en pointant la place occupée chez Marx, contre la double fétichisation des entités collectives et des unités individuelles, par une pensée des rapports sociaux, donc de l’interindividualité et de l’intersubjectivité. Mais Michel Henry, par les pistes nouvelles défrichées, nous a obligés à lire Marx autrement. Quelques années plus tard, il s’intéressera aussi, à travers sa propre dynamique de recherche, à Freud, avec Généalogie de la psychanalyse - Le commencement perdu (PUF, 1985).

Le philosophe a aussi publié des essais politiques. La Barbarie (Grasset, 1987 ; réédition PUF en 2001 et en 2004) s’attaquera au totalitarisme du « communisme réellement existant ». Il prolongera cette critique, après la chute du Mur de Berlin, tout soulignant les graves dangers entraînés par la domination du capitalisme, avec Du communisme au capitalisme -Théorie d’une catastrophe (Odile Jacob, 1990).

Il est mort le 3 juillet 2002. Anne Henry, sa veuve, a mis en place un site internet fort utile pour ceux qui voudraient en savoir plus sur cette pensée exigeante : http://www.michelhenry.com/ Pour une introduction à ses travaux, il existe un recueil de courts textes éclairants, rassemblés par la sociologue Magali Uhl : Auto-donation - Entretiens et conférences (2e édition augmentée en 2004 aux Éditions Beauchesne, collection « Prétentaine » dirigée par Jean-Marie Brohm).

* La revue ContreTemps existe depuis mai 2001. Il s’agit d’une revue théorique et politique qui s’efforce de faire converger des réflexions issues de milieux universitaires et de milieux militants, en faisant se croiser une pluralité de radicalités intellectuelles (notamment les traditions marxistes et les sociologies critiques) au sein de la galaxie altermondialiste. Son directeur de publication est le philosophe Daniel Bensaïd. Pour tout renseignement sur la revue, voir son site internet : http://www.contretemps.ras.eu.org. ContreTemps est publiée par les éditions Textuel : 48 rue Vivienne 75002 Paris

http://www.editionstextuel.com

Messages

  • une érudition peu courante de la part d’un marxologue hostile au marxisme. Pour lui, une juste compréhension de la pensée de Marx suppose la mise à l’écart du marxisme. Le marxisme se serait constitué historiquement, selon Michel Henry, en l’absence de toute connaissance des écrits philosophiques de Marx…
    ce qui est pour le moins téméraire au regard d’étude comme Althusser, Lucien Sève et bien d’autres….
    mais des réflexions sont a tirer notamment un appel à repenser la notion de force de travail, essentiellement manuelle à l’époque de Marx, dans la mesure où celle-ci n’avait pas intégré pleinement les processus intellectuels ?

    il s’en est pris aussi Freud avec son ouvrage Généalogie de la psychanalyse où il distinguait " une pensée de l’angoisse " comme " libido inemployée ", incapable de se supporter elle-même.
    Sa pensée est elle même critiquable, le faire connaître est un « bien » par rapport à la pauvreté des « intellectuels » en vue dans les médias ! ils en existent, plein d’autres, bien vivants encore à la parole interdite !

    Arlequin

    • je ne pense pas qu’il soit farfelu de soutenir cette idée de méconnaissance des textes philosophiques de marx de la part de gens comme seve ou althusser.
      Formellement, c’est faux, bien sur
      tous deux s’expriment à une époque ou la diffusion relativement tardive des principaux textes est achevée et tous deux sont suffisament scrupuleux pour en avoir pris une connaissance exhaustive
      Mais la vrai question est bien sur : qu’ont-ils compris ?
      concernant althusser, je crois que la cause est maintenant entendue avec le recul
      arquebouté sur son idée d’origine spinnozienne de science des sciences, il a cherché toute sa vie le passage a une impossible vraie scientificité, ratant ainsi tout le benefice de la science ordinaire, economique notament, et plus gravement, le coté subjectif, precisement d’un engagement revolutionnaire a la hauteur de ce que Marx a su inaugurer. Althusser a reconnu son echec, inutile d’epiloguer, quant à ses heritiers, la plupart sont vautrés dans une scolastique sterile (bidet, balibar, rancière) qui prete plutot a sourire 150 ans après la Sainte famille.
      Seve, il est vrai demontre un peu plus d’alacrité (dans science de la nature ou penser M. aujourd’hui mais a l’époque, Henry avait surtout sa Philosophie marxiste (ed sociales) a se mettre sous la dent, epais pudding digne du diamat.
      Je crois qu’il a manqué et manque encore a tous les commentateurs francais de Marx (j’excepte denis collin pour sa profonde connaissance de la philosophie moderne, mais ce trublion demeure peu connu) une connaissance approfondie j’insiste de la problematique de l’idéalisme allemand dont Marx fait assurement partie. Par exemple lorsque l’on lit Bloch luckas adorno ou meme habermas on retrouve Marx aisement, mais sous une plume francaise, jamais.
      C’est pourquoi je trouve trés dommageable le petit commentaire de Corcuff car Henry, malgré son mystiscisme, crée le lien indispensable pour un francais d’une philosophie moderne resituée dans son temps grace a sa phenomenologie exigeante et son bouquin sur Marx fut pionnier. Bien informé, je trouve que vous avez parlé un peu trop vite Mr Corcuff, comme vous le faites a vrai dire assez souvent, confondant précisement (cf Henry) philosophie et sociologie. Si vous n’y prennez garde, vous finirez bientot comme Onfray, ce que je ne peux, en toute rigueur vous souhaiter.
      votre obligé
      Sentencius

    • Mais la vrai question est bien sur : qu’ont-ils compris ?

      Pour ma part mon ignorance est immense et je me garderais de « sentence » !

      Althusser a reconnu son echec, inutile d’epiloguer, quant à ses heritiers, la plupart sont vautrés dans une scolastique sterile (bidet, balibar, rancière) qui prete plutot a sourire 150 ans après la Sainte famille.

      A la sentence s’ajoute un mépris que je ne partage pas ; un peu de modestie ?

      Par exemple lorsque l’on lit Bloch luckas adorno ou meme habermas on retrouve Marx aisement, mais sous une plume francaise, jamais

      Jamais : la sanction est tombée définitive, Mr Sentencieux à tout lu, tout compris…mais qui se cache derrière cette plume ?

      Si vous n’y prennez garde, vous finirez bientot comme Onfray, ce que je ne peux, en toute rigueur vous souhaiter. votre obligé
      Sentencius

      Onfray à la poubelle avec des centaines d’autres, Monsieur Sentencieux à rendu ses jugements ! serais-ce un Dieu moderne, un voyant ?

      Arlequin, petit homme, n’est pas assez grand pour vous saluer : mais je vous baise le bout de votre escarpin !
      ne me confondez plus avec quiconque : je ne suis qu’un citoyen de la base !

    • Professeur Sentencius, c’est de cette suffisance scolastique autoritaire que la "philosophie" crève !
      Faure Engel.

    • sous ce pseudo, personne ne se cache
      j’ai simplement fait comme tout le monde
      pris un surnom car le vrai n’a pas d’importance
      pour le curieux, je m’appele jean, ai 53 ans, aux minima sociaux depuis 15 ans, ce qui m’a permis de m’interresser a la philo
      avant j’etais ouvrier mal payé
      je voulais juste dire qu’il ne faut pas ecarter henry au pretexte d’une déviance marxiste car lui seul a effectué une percée pour le traitement de certaines ambiguitée de marx lui meme
      la position de la praxis est en effet une conquete toujours instable et marx lui meme, c’est le moins que l’on puisse dire n’a pas tardé a succomber a une philosophie deterministe de l’histoire qui fait en definitive le miel de ses et de nos (puis-je dire nos ?) ennemis.
       lefevre et debord, pardon, ne jouent pas dans la même division
      Quant aux accusations de suffisance, c’est une ficelle rethorique un peu trop rustique pour que je la saisisse
      parlons du fond : il nous faut une pensée qui pose un sujet un peu plus ambitieux et affirmatif que celui de Marx, par ailleurs pleinement recevable pour son temps
      les situs l’ont tentés mais desservis par une méconnaissance à peu prés complete du débat philosophique (en france la ligne va de bergson a henry, en passant par Merleau ponty) et par un marxisme philosophique, celui du jeune Luckas, parfaitement indigent, excusez-moi.
      donc un sujet qui ne se contente pas d’executer les requisits de l’histoire, mais puisse produire, au motif de son interiorité (elle meme sociale par essence) un projet de civilisation du beau du bon et du vrai. Une critique de l’oeuvre henrienne me parait un point de depart possible.
      qui voudra de ce jeu ,
      sans dédains
      Jean

    • voir ma reponse a arlequin, en vous rappelant la definition de l’autorité selon arendt : etat de celui qui commence l’action (auctor)

  • On ne peut que souscrire à la célèbre formule de Michel Henry : « Le marxisme est l’ensemble des contresens qui ont été faits sur Marx ». Reste à se demander, bein qu’il s’exclue de ce "marxisme", s’il ne fait pas lui-même un contresens.

    Difficile dans ce cadre de produire une critique serrée de ce texte, mais force est de constater certaines faiblesses :

     MH parle de travail comme producteur de plus-value, valorisée en capital dans l’échange, etc. là où Marx parlait de "force de travail", marchandise ayant la qualité de produire plus qu’il n’en faut pour se reconstituer (par le salaire). C’est un premier glissement qui lui permet de mettre au centre de son approche le concept d’"homme", dont il ne rappelle pas que Marx disait "l’essence humaine est l’ensemble de ses rapports sociaux" (6ème Thèse sur Feuerbach). A partir de là (l’Idéologie allemande, Le Manifeste, Grundrisse, Le Capital...) Le sujet central chez Marx n’est plus l’homme comme individu (singulier) mais le prolétaire, ou mieux dit la classe des prolétaire (vs celle des capitalistes), l’individu particulier se définissant par son appatenance de classe.

     A partir de cette lecture, est évacué le moteur du Capitalisme comme mode de production, la contradiction de l’exploitation, autrement dit la lutte de classes, qui n’est pas somme d’intérêts singuliers chez les hommes qui y participeraient en tant qu’individus, mais rapports sociaux en tant que classes, comme pôles du rapport définissant le capitalisme comme mode de production, l’exploitation.

    On comprend par conséquent l’intérêt de ressortir aujourd’hui Michel Henry (que ce soit avec une interview de Corcuff n’a rien pour me surprendre) dans une époque où l’attaque du capitalisme est perçue comme attaque des dominations, de l’oppression, de l’aliénation... par une sommation des intérêts particuliers des dominés, opprimés, aliénés à divers titre, dans laquelle disparaît la contradiction de l’exploitation qui est pourtant, même masquée dans cette période de subsomption réelle du capitalisme comme tout-société comprenant notamment l’Etat, le moteur du système.

    Pas étonnant que quelqu’un mette en avant Denis Colin, qui de ce point de vue (lui est un kantien), en régression par rapport même à la critique de Michel Henry.

    D’accord pour dire que Bidet, Sève et ce qui gravite autour de la pensée marxiste officielle et universitaire en France est d’une inconsistance pathétique en matière de prolongement de la critique de l’économie politique du capital : cela n’a plus aucune vertu révolutionnaire, et in fine très peu d’"anticapitaliste". D’accord pour dire que Bloch, Lukacs, Adorno échappent à la critique qu’on peut faire au marxisme orthodoxe. Quant à dire qu’on ne retrouve pas « Marx sous une plume française », même si l’on ne peut plus en rester là, il y a eu Henri Lefebvre, il y a eu Guy Debord (sinon pourquoi citer Lukacs ?).

    En matière de critique de l’économie politique, même si je ne partage pas ses conclusions politiques, vue sa conception de l’Etat, il y a Alain Bihr (La reproduction du capital).

    Pour ce qui est d’aujourd’hui, un des plus grands connaisseurs de Marx, un de ses plus précieux continuateurs écrit en français, il s’appelle Roland Simon : Théorie du Communisme Volume 1
    FONDEMENTS CRITIQUES D’UNE THÉORIE DE LA RÉVOLUTION, Au-delà de l’affirmation du prolétariat Senonevero 2001

    Des longs développements (chapitres 5 à 7) sont consacrés à ces questions de la subjectivité, de l’individu singulier ou particulier en relation avec la critique de l’économie politique.

    Je ne doute pas que ceux qui s’intéressent sérieusement à la question en tireront le plus grand profit.

    P.

    • langage pseudo-savant, ampoulé..."sentences" sans appel :

      Arlequin n’est décidemment pas du même monde : suffit de relire ma première intervention, dosée, interrogative...

      d’ou les encouragements à lire encore et encore TOUS les philosophes, (et pas la peine de lister des noms pour faire bien cultivé, )et soyons humbles nous n’y parviendrons pas et ce que nous lisons : comprenons-nous tout ?

      cela me rappelle la célèbre affiche " MARX est mort ? mon oeil !"

      pas de Dieu sous quelque forme que ce soit ! mais jeté par dessus bord ONFRAY prouve simplement que vous ne l’avez pas lu, ou mal ce qui est pire.
      et à mon avis MARX et d’autres philosophe (voir l’appel de BALIBAR aujourd’hui !) survivront bien longtemps avant que votre "vedette" ait disparu dans les ténèbres.

      Concernant Michel ONFRAY :

      Ses exposés à la "Faculté populaire de Caen" sont ouverts et publiques : lancez lui le pari d’un débat sur les sujets, qui d’après vous sont la Vérité, nous verrons bien...
      inviter-moi ce jour là !

    • langage pseudo-savant, ampoulé..."sentences" sans appel :
      Arlequin n’est décidemment pas du même monde : suffit de relire ma première intervention, dosée, interrogative...

      d’ou les encouragements à lire encore et encore TOUS les philosophes, (et pas la peine de lister des noms pour faire bien cultivé, )et soyons humbles nous n’y parviendrons pas et ce que nous lisons : comprenons-nous tout ?

      L’insuffisance ne peut trouver que "suffisant" ce qu’elle ne comprend pas. Je laisse de côté tes complexes (pseudo-savant, ampoulé, sentences, faire cultivé...). Il s’agit de comprendre ce qui est en jeu et de s’y pencher sérieusement, ou pas.

      C’est très bien de ramener la notion de praxis, avec M. Henry. Mais Marx, à partir de l’Idéologie allemande et des Thèses sur Feuerbach, en a une idée précise, de praxis au sein des rapports sociaux entre classes s’opposant dans le capitalisme. Ce n’est pas l’idée qu’en retire MH, relative à l’individu dans l’économie politique : on sort de Marx, et du mouvement du communisme comme abolition de l’état présent des choses... De Marx on peut tirer une conception intéressante de l’individu, comme individu particulier appartenant au prolétariat confronté au capitalisme par l’exploitation... De Michel Henry, quoi, une éthique individualiste ? Voilà qui ne peut que plaire à Corcuff, le co-inventeur avec Besancenot et Artous de la social-démocratie libertaire de la Ligue : un attrape-tout de circonstances.

      cela me rappelle la célèbre affiche " MARX est mort ? mon oeil !"

      Oui, pourquoi pas, mais c’est bien là la question : qu’est-ce qu’on retient de Marx aujourd’hui, et le constat est massif : la plupart des "marxistes" essayent d’y trouver un théoricien de la démocratie, en pleine régression relativement aux ruptures qu’il a introduit dans l’histoire de la pensée.

      Quant aux philosophes, les mêmes textes de Marx considèrent que la philosophie cède la place, dans la réalité des affrontements sociaux, à la praxis : en substance, « « jusque-là, les philosophes se sont contentés d’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer » » Toi, comme Sentencius, voulez faire rentrer la philosophie par la fenêtre, quand Marx l’a sortait par la porte. Autrement dit, cela ne condamne pas toute théorie, mais le registre de la philosophie séparée, un registre pré-marxien.

      De Marx, Isabelle GARO considère qu’il a introduit non une philosophie, mais une "critique de la philosophie", une théorie de la représentation.

      pas de Dieu sous quelque forme que ce soit ! mais jeté par dessus bord ONFRAY prouve simplement que vous ne l’avez pas lu, ou mal ce qui est pire.

      J’ai lu ONFRAY, et je n’ai pas éprouvé le besoin d’en parler : il est ici hors sujet. Sa critique de la religion ne vaut même pas celle de Feuerbach, et son nietzschéisme de télévision est parfaitement à sa place où on le trouve, sur les étalages de la FNAC et VIRGIN.

      Pour la petite révolte de chacun chez sa démocratie tous ensemble dans les urnes, Onfray est idéal. Mais je ne vois le rapport ni avec Marx, ni même avec Michel Henry.

      "Soyons humble", tu as raison

      P.

    • J’ai lu ONFRAY, et je n’ai pas éprouvé le besoin d’en parler : il est ici hors sujet. Sa critique de la religion ne vaut même pas celle de Feuerbach, et son nietzschéisme de télévision est parfaitement à sa place où on le trouve, sur les étalages de la FNAC et VIRGIN.

      « Dieu » notre Père est aussi sur les étalages de la FNAC et VIRGIN ! et pourtant il ne cesse de mourir !

      L’insuffisance ne peut trouver que "suffisant" ce qu’elle ne comprend pas

      Je suis très insuffisant et en plus mécréant ! je ne m’offusque pas de la pédanterie : c’est l’habillage habituel des ignorants. Je ne suis qu’un âne : mais je le sais !

      Et j’ai l’élégance de vous laisser le dernier mot…pour ma part je me retire parmi les miens, les gens du peuple, les gueux, les mal-éduqués, les incultes…mais qui disent « MERDE » aux petits marquis…et il en reste : beaucoup de Bastilles sont encore à prendre !
      arlequin