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Cohérence du projet et unité de candidature

Publie le dimanche 25 juin 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Quels peuvent être les freins à la transformation des collectifs du 29 mai (il ne faut pas sous-estimer cet événement exceptionnel du 29 mai, qui a consisté en un vote contraire à ce que recommandait absolument tous les médias et aussi tous les partis considérés comme sérieux par ceux qui sont censés faire l’opinion) en collectifs pour une candidature unique sur un programme vraiment de gauche ?

On pourrait croire que la raison essentielle aux difficultés de constituer les nouveaux collectifs serait le fait qu’il ne s’agit pas d’être unitaire contre le texte bien défini du projet de constitution européenne, mais qu’il s’agit, contre le libéralisme, de s’accorder sur des alternatives, ce qui exige des discussions et des compromis, mais ce n’est pas suffisant.

Il y a en effet l’existence de la Constitution de la Ve république et sa pratique politique et médiatique, qui d’une part personnalisent au détriment des projets et d’autre part discriminent et excluent ce que ces institutions appellent « l’extrême gauche », comme si l’extrême gauche n’était pas de gauche.

En ce qui concerne ce dernier aspect, il est vrai que le dispositif de la Ve république peut apparaître comme la raison d’être d’une partie de cette « extrême gauche », dans la mesure où elle accorde une faible valeur à la contestation des institutions de la Ve république, dans la mesure aussi où l’intérêt des organisations prévaut sur l’intérêt de la grande majorité de la population à cette révolution que serait la convocation d’une Constituante et la décision laissée au peuple en permanence de ce qui doit être nationalisé ou socialisé et du mode de gestion des services publics et des entreprises publiques (la responsabilité de laisser passer cette opportunité de la seule élection importante et qui peut faire changer les choses, la responsabilité de ne pas tout faire pour que cette possibilité puisse se réaliser, il faut en prendre conscience).

Il y a aussi le fait que le programme de travail des nouveaux collectifs doit se préciser et exister, alors que celui des collectifs du 29 mai était bien défini. Il ne s’agit pas d’abord de choisir des candidats aux législatives, dans la mesure où, dans le cadre de la Constitution actuelle, les députés n’ont presque aucun pouvoir. Il ne s’agit même pas pour le moment de choisir un candidat pour la présidentielle, ce qui serait tomber dans le piège de cette personnalisation qui fait oublier les enjeux véritables. La population a la nausée devant le spectacle de ces personnalités et de ces partis en compétition pour des intérêts très particuliers et non avouables, intérêts dont souvent ils n’ont même pas conscience, en particulier ces partis et ces personnalités qui se disent de gauche et qui osent déclarer des candidatures sans égard pour les citoyens de gauche et la réalité de la présidentielle qui exigent l’unité de la gauche (cela devrait être clair quant à l’efficacité de l’unité puisque, il est vrai dans un autre secteur, sans l’unité syndicale, la réforme des retraites est passée, mais avec l’unité syndicale, le CPE n’est pas passé).

Il s’agit d’élaborer collectivement pour le futur candidat de gauche une profession de foi contraignante, précise et cohérente, et c’est seulement après cela qu’il faudra trouver un candidat suffisamment désintéressé de tout accaparement de pouvoir pour accepter de se faire élire pour tout aussitôt convoquer une Constituante qui, probablement, remettra en cause l’essentiel des prérogatives du Président de la République, au profit de l’Assemblée nationale.

Pour construire cette profession de foi, on pourrait partir de la charte des collectifs du 29 mai, ou bien de tel ou tel programme ou projet de tel ou tel collectif ou organisation ou parti. Ce qu’on pourrait reprocher à certains de ces textes, c’est leur découpage qui risque de faire perdre de vue la cohérence et la détermination de l’ensemble, et qui risque aussi de faire apparaître le projet comme un catalogue hétéroclite et en définitive incompréhensible pour la grande majorité de la population. Certes, il y a bien un moment où il faut préciser les propositions, mais il ne faut pas perdre de vue les interrelations (une proposition insuffisamment précisée peut empêcher la réalisation d’une autre proposition ou de plusieurs autres propositions) et l’unité qui donne de la détermination à l’action et du sens aux propositions, ce qui peut répondre au besoin de sécurité du citoyen, à son besoin d’être gouverné. Le gouvernement Chirac, s’il donne l’apparence de gouverner et d’assurer une certaine « sécurité » et un certain « ordre », à travers la confusion et les réponses au coup par coup, c’est qu’il est fondamentalement extrêmement cohérent et déterminé dans la défense des intérêts de la minorité de privilégiés qu’il représente. Face à cette cohérence, la gauche, si elle veut être crédible, doit opposer une cohérence et une détermination aussi importantes, l’assurance de l’unité et de la complétude de ses propositions, gages de leur applicabilité, et non pas se faire prendre au piège du catalogue hétéroclite et des mesures démagogiques, comme en miroir de la politique soi-disant brouillonne de la droite, comme si les petites phrases, les propositions ronflantes et les promesses qui n’engagent à rien suffisaient pour gouverner, alors que dans leur vie quotidienne les gens comprennent bien la réalité et la violence de la véritable logique des pouvoirs politiques et économiques en place. S’en tenir aux discussions partielles, à l’accumulation incomplète de propositions, de même que refuser l’unité de candidature, c’est laisser le champ libre à la véritable réalité du néolibéralisme, à sa cohérence, c’est ne pas le remettre en cause.

Même si c’est aux collectifs de définir le contenu du projet, un projet en quelque sorte non bouclé dans la mesure où il doit être ouvert aux interventions de la population, il faut quand même donner des conditions de possibilité de l’intervention de la population dans la politique et l’économie. Pour moi, la cohérence consiste essentiellement à proposer simultanément un changement constitutionnel attribuant tous les pouvoirs à une Assemblée nationale élue suffisamment fréquemment à la proportionnelle et un changement économique attribuant en permanence au peuple le pouvoir de nationaliser ou de socialiser et le pouvoir de gérer les services publics et les entreprises publiques (qui sont la propriété du peuple et son seul véritable pouvoir).

Les nouveaux collectifs sont une structure qui doit se vouloir ambitieuse, pas seulement électoraliste, car elle continuera à exister et à se développer après les élections.

jean-pierre

Messages

  • Bonne analyse.

    Continuons le combat contre le néolibéralisme.

  • Pourquoi tant de lenteurs ?

    Il est évident qu’il faut rapidement un texte commun, engageant chaque acteur de la démarche pour une Alternative unitaire à gauche, individus, collectifs, partis ET candidats plus ou moins déclarés

    Mais pourquoi ce texte est-il si difficile à accoucher ? Les différents textes existants, Charte du 29 mai (avec toutes les contributions des forums associés), programme du PCF, analyses de la fondation Copernic... ne sont pas contradictoires, mais au pire complémentaires. Eet-il si difficile pour nos "élites" parisiennes de faire une synthèse de texte et de le soumettre à l’approbation des collectifs ? Dans ce cas, on peut douter de leur capacités à rédiger des projets de lois pour la prochaine législature ! Ou cela cache-t-il une absence de volonté pour mieux pouvoir invoquer l’échec et présenter chacun sa candidature nombriliste et suicidaire ?

    Pour simplifier la question, il faudrait rapidement un texte court, incisif, mobilisateur qui servirait de projet porté par le candidat à la présidentielle, dont il (ou elle) s’engagerait à être le garant en cas de victoire

    Puis un second texte, détaillé en chapitres, qui serait le programme proposé par le collectif unitaire pour les élections législatives, avec un échéancier de réalisation sur 5 ans, sur lequel s’engageraient les candidats unitaires

    Mais il faut arrèter de tergiverser ; nous sommes d’accord sur l’éssentiel, faisons le savoir et engageons-nous. Pour les points de désaccords qui subsistent, (je pense notament au contenu de la croissance et au nucléaire) disons- le franchement et engageons-nous à les mettre en débat et à soumettre le choix au peuple par référendum

    Nous avons un besoin urgent de concrétiser notre unité pour développer la mobilisation autour de l’Alternative Unitaire à Gauche

    Daniel, CAP à gauche, Thonon