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Liban : De chez moi, j’ai vu ce que recouvrent les termes "Guerre antiterroriste"

Publie le lundi 17 juillet 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

de Robert Fisk

Toute la nuit, j’ai entendu les avions de combat qui passaient en murmurant au dessus de la Méditerranée, en altitude. Cela a duré des heures, des jets semblables à de minuscules lucioles qui observaient Beyrouth, ils attendaient peut-être l’aube, toujours est-il que c’est à ce moment qu’ils sont descendus.

Ils se sont d’abord dirigés vers le petit village de Dweir au sud Liban, près de Nabatiya ; là, un avion israélien a bombardé la maison d’un imam chiite. Il a été tué. Sa femme aussi. Huit de ses enfants également. L’un d’entre eux a été décapité. D’un de ses bébés, on n’a retrouvé que la tête et le torse, qu’un jeune du village, hors de lui, a brandi devant les caméras. Puis les avions ont rendu visite à d’autres habitants de Dweir et les ont éliminés, une famille de sept personnes.

Le deuxième jour de la dernière « guerre antiterroriste » d’Israël commençait de manière dynamique. Ce conflit a recours au même langage - ainsi qu’à quelques-uns des mensonges - employés dans le cadre de la « guerre antiterroriste » à plus grande échelle de George Bush. Oui, tout comme nous avons « détérioré » l’Irak en 1991, et à nouveau en 2003 - hier c’était au tour du Liban de se faire « détériorer ».

Cela ne signifie pas seulement des pertes en vies humaines, mais également la mort économique, c’est ce qui est arrivé au bel aéroport international flambant neuf de Beyrouth, qui a coûté 300 millions de livres (quasiment 450 millions d’euros n.d.l.t.), peu avant six heures du matin alors que les passagers s’apprêtaient à embarquer à destination de Londres et de Paris.

Depuis chez moi, j’ai entendu le F-16 qui a surgi tout à coup au dessus de la piste d’atterrissage la plus récente et l’a arrosé de roquettes, déchiquetant 20 mètres de tarmac et faisant voler des tonnes de béton dans une énorme explosion avant qu’un navire lance-missile de classe Hetz ne s’attaque aux autres pistes. Deux des nouveaux Airbus de Middle East Airlines furent épargnés mais en l’espace de quelques minutes l’aéroport était vide, les voyageurs s’étant enfuis, regagnant leurs domiciles ou leurs hôtels.

Il suffisait de regarder les panneaux d’affichage pour comprendre : pas de vol pour Paris, pas de vol pour Londres, pas de vol pour le Caire, pas de vol pour Dubai, pas de vol pour Bagdad - les passagers qui auraient pris celui-ci seraient tombés de Charybde en Scylla -. Les hauts-parleurs de l’aéroport diffusaient « Don’t Cry For Me, Argentina ».

Ensuite, les Israéliens s’attaquèrent à la station de télévision du Hezbollah, al-Manar, l’amputant de son antenne avec un missile, mais sans réussir à l’empêcher d’émettre. Cette cible est un peu plus compréhensible ; après tout « Manar » diffuse la propagande du Hezbollah. Mais le but était-il réellement de retrouver ou de délivrer les deux soldats israéliens capturés mercredi ? Ou de se venger des neuf Israéliens qui ont trouvé la mort pendant cet incident, au cours de l’une des journées les plus sombres du passé récent de l’armée israélienne, quoique pas aussi sombre que celle des 36 civils libanais morts au cours des 24 heures précédentes.

Une Israélienne aussi a été tuée, par une roquette que le Hezbollah a tiré vers Israël. Par conséquent, selon le macabre taux de change de ces abominables affrontements, une mort israélienne vaut un peu plus de trois Libanais ; il y a fort à parier que le taux deviendra plus meurtrier.

Déjà, l’après-midi, les menaces s’étaient intensifiées. Israël ne « resterait pas les bras croisés ». Toute la population des banlieues sud, où est situé le QG du Hezbollah, reçut l’ordre d’évacuer le quartier avant quinze heures.

À l’exception d’une centaine de familles, les habitants refusèrent catégoriquement de partir. Les Israéliens annoncèrent que dorénavant, n’importe quel endroit du Liban pouvait être pris pour cible. Le Hezbollah furieux, riposta : si Israël bombardait les banlieues, il enverrait ses missiles longue portée Katyusha sur la base aérienne israélienne de Miron ; cette information fut, sur le moment, tenue secrète par la censure israélienne.

Les touristes du Golfe en voyage au Liban, effrayés, quittèrent Bhamboun [1] en masse à bord de leurs 4x4, s’enfuyant vers la sécurité de la Syrie, pour prendre à Damas les avions qui la ramèneraient chez eux. Une autre petite mort économique pour le Liban.

Mais que signifiaient donc ces discours et ces menaces ? Je passai le début de l’après-midi chez moi, à compulser mes dossiers de déclarations officielles israéliennes. J’y découvris qu’au cours des 26 dernières années, Israël a annoncé au moins à six reprises « ne pas avoir l’intention de rester les bras croisés » au Liban (avec de légères variantes), l’occasion la plus célèbre étant la déclaration de feu le Premier ministre israélien Menahem Begin qui avait promis de « ne pas rester les bras croisés » alors que les Chrétiens étaient menacés en 1980 - tout cela pour retirer ses troupes et abandonner les Chrétiens à leur funeste destin au bout de trois ans.

Les Libanais sont toujours abandonnés à leur sort. Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, affirme qu’il tient le gouvernement libanais pour responsable des attaques et des empiétements frontaliers de mercredi.

Pourtant, M. Olmert sait ce qui est de notoriété publique : le gouvernement faible et divisé du Premier ministre libanais Fouad Siniora est incapable de contrôler un seul milicien et encore
moins le Hezbollah.

Mais n’est-ce pas à ce même groupe d’hommes politiques que les États-Unis avaient adressé leurs félicitations l’année dernière, louant le caractère démocratique de leurs élections et leur
indépendance par rapport à la Syrie ? Effectivement, un homme qui considère - ou peut-être serait-il plus exact de dire « qui considérait » - Bush comme un ami est Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, à qui le Liban doit une grande partie des infrastructures qu’Israël est occupé à détruire et dont l’assassinat l’année dernière (par des agents syriens ?) est censé avoir profondément choqué Bush.

Hier matin, le fils Hariri, Saad, s’apprêtait à atterrir à Beyrouth lorsque les Israéliens, les alliés de l’Amérique, arrivèrent pour bombarder l’aéroport. Il fut obligé de faire demi-tour, son pilote allant chercher refuge à Chypre.

Cependant, hier, les allusions verbales au terrorisme étaient plus effrayantes que tout le reste.

Le Liban était décrit comme un « axe du terrorisme », Israël disait « combattre le terrorisme sur tous les fronts ». En cours de matinée, j’ai dû couper court à une interview diffusée sur une station de radio australienne au cours de laquelle un journaliste israélien affirmait, de manière tout à fait erronée, que des Gardes Révolutionnaires iraniens se trouvaient sur place au Liban et que toutes les troupes syriennes ne s’étaient pas retirées.

Quelle raison les Israéliens ont-ils invoquée pour justifier l’attaque de l’aéroport de Beyrouth, sécurisé et surveillé à l’extrême, fréquenté par les diplomates et les dirigeants européens, une installation aussi sûre que n’importe quel aéroport d’Europe ? Il aurait, d’après eux, « servi de plaque tournante au transfert d’armes et d’équipements destinés à l’organisation terroriste du Hezbollah ».

Et voilà, encore et toujours le terrorisme, et l’on va décrire le Liban, une fois de plus, comme le centre mythique du terrorisme au Moyen-Orient ainsi que, je suppose, Gaza. Et la Cisjordanie. Et la Syrie. Et, bien sûr, l’Irak. Et l’Iran. Et l’Afghanistan. Et, demain, quel autre pays ?

Source : Common Dreams www.commondreams.org
Traduction C.F.Karaguézian www.egueule.com pour Le Grand Soir.

http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=3871

article en anglais :
http://bellaciao.org/en/article.php3?id_article=12592

Messages

  • Merçi pour cet article qui analyse bien la situation. Le Liban démocratique loué par les mêmes qui aujourd’hui le classe dans les états terroriste ! Fallait le faire et aucun journaliste de notre France des droits de l’homme n’a osé le dire ou l’écrire. Pour exemple écoutez de temps en temps, mais pas trop, France Inter avec Mr Weil, pour comprendre ce que c’est une propagande bien menée.
    Heureusement que vous êtes là car des fois je me demande si je suis normal dans mes analyses politiques et mon entourage me dit souvent que "je vois les choses en mal !"
    No passeran
    Cordialement
    Georges -

    • tiens ! moi aussi, ma famille et mon entourage me prend parfois pour une personne qui voit les choses en noir. "-Mais ou as tu c’est informations !" Me dit on souvent. Je suis sur que je nous voyons la réalité. la population n’a pas les bonnes informations ou plustot des infos qui dirigent les esprits. j’entend trop de "c’est la télé qui la dit ! " ou bien "attend, ils n’en parle pas à la télé".

      que répondre..... Parfois j’ai envie de dire à toutes ces personnes : "allez ! Ciao ! et merci pour le poisson !" (H2G2 le film)

  • Effectivement merci pour cet article. Il atteste que la réalité n’est sûrement pas celle décrite par nos médias... La manipulation de l’opinion est énorme, monstrueuse au sens propre du terme.
    Nous sommes de plus en plus nombreux à savoir qui sont les véritables terroristes, et qui sont leurs vrais collaborateurs. Et Chirac qui ose demander le désarmement du Hezbollah ! Je ne sais pas comment cela va encore évoluer. Sans doute beaucoup de morts, de destructions et d’enfants décapités sans que la presse internationale ne s’en émeuve mais il faut que la vérité se sache, éclate un peu partout. Pour l’instant, à notre niveau, c’est la seule arme efficace dont nous disposons. Il faut écrire, décrire, raconter. Les faits sont là. Ils ne pourront pas étouffer tous les cris et brûler tous les récits des personnes "éthiquement"correctes

  • merci pour cet article
    je me demande pourquoi auncune association en france ne manifeste contr e la position pro israelienne (comme d hab) de la france
    et on se demandera pourquoi les musulmans sont de plus en plus extremistes
    ah cet occident, donneur de leçons, moraliste, mais il ferait mieux de se regarder en face cet occident qui massacre bien plus d innocent, que les "mechants" qu ils combat

    • AFPS, AJPF, CCIPPP, GUPS, UJFP, LDH, ACG, AAW, CMF, Centre Malcolm X, Liban-Palestine Solidarité, Indigènes de la République, MIB, MRAP ...

      Mercredi 19 juillet rassemblements à Paris, Lyon, Strasbourg, Pau, Poitiers, Douarnenez

      publié le lundi 17 juillet 2006.

      Pour l’arrêt immédiat des bombardements, pour exprimer notre solidarité avec les peuples Palestiniens et Libanais, pour le respect et l’application des droits nationaux du peuple Palestinien, pour une médiation internationale, pour l’échange des prisonniers, pour exprimer notre refus de l’alignement de la France sur la politique américaine.

      Paris

      Mercredi 19 juillet rassemblement à Paris aux Invalides (côté Métro), à 18 H 30

      Premiers signataires : AFPS, AJPF, CCIPPP, GUPS, UJFP, LDH, ACG, AAW, CMF, Centre Malcolm X, Liban-Palestine Solidarité, Indigènes de la République, MIB, MRAP ...

      http://www.protection-palestine.org...