Accueil > 1942-2006 : COMPARAISON ABUSIVE ?

1942-2006 : COMPARAISON ABUSIVE ?

Publie le jeudi 17 août 2006 par Open-Publishing
19 commentaires

de Patrick Mignard

Notre pays n’a pas fini de payer les lâchetés de l’Occupation et la passivité complice du peuple français d’alors... la Résistance était largement minoritaire contrairement à la fable gaulliste de la "France combattante". La politique de Sarkozy à l’égard des étrangers a logiquement et salutairement fait renaître des craintes qui remontent à cette époque.

Une question reste cependant posée : tracts, affiches slogans, articles ont abondamment établi un parallèle entre la "traque des Juifs" et "la politique Sarkozy"..., parallèle qui, s’il n’a pas choqué la plupart des gens, a cependant été l’objet de critiques quant au caractère outrancier, à l’amalgame de la démarche.
Qu’en est-il exactement ?

Il est exact que les deux époques sont différentes, cela ne fait pas l’ombre d’un doute et défendre la thèse contraire n’est historiquement pas sérieux. Pourtant nous sommes fort nombreuses et nombreux, quoique connaissant bien notre Histoire, à avoir sans difficulté franchis le pas de l’amalgame. Alors ?

Qu’est ce qui a pu motiver, de notre part, une telle démarche ?

L’insupportable. Que l’on porte atteinte à la liberté et à l’avenir d’adulte est inacceptable, mais que des enfants soient victimes de décisions politiques et ce, de quelque nature que ce soit, est insupportable.

L’insupportable de voir des policiers et gendarmes aller arrêter, sans état d’âme, comme l’ont fait leurs prédécesseurs en 1942, dans leur classe des jeunes pour les conduire dans des centres de rétention.

L’insupportable de l’attitude servile et collaboratrice des « syndicats » de ces mêmes policiers qui ont la déclaration des Droits de l’Homme dans leurs locaux ( ?) et qui acceptent, sans broncher, de telles ignominies.

L’insupportable de voir que l’on brise la scolarité et donc leur avenir à des enfants, des jeunes pour de viles raisons administratives.

L’insupportable de voir des hauts fonctionnaires, des « préfets-Papon » et leurs valets, qui ne jurent que par les valeurs de la République, parfois même de la Résistance, qui décident d’un trait de plume de l’avenir d’êtres humains.

L’insupportable de la politique d’un régime antisocial et corrompu avec, au ministère de l’Intérieur, un fils d’immigrés qui veut donner des gages à la frange la plus réactionnaire de l’électorat et assurer ses ambitions politiques par des mesures inhumaines...

Ces actes infâmes nous renvoient des images qui ont hanté notre jeunesse, et hantent aussi la jeunesse actuelle, la mémoire que nous avons d’évènements que beaucoup d’entre nous n’ont pas connu, mais qui nous ont été maintes fois relatés.

Ces images de déportés, encadrés par la police et la gendarmerie, ces camps gardés par les mercenaires de la police et la gendarmerie, ces enfants en pleurs et familles humiliées et détruites.

L’immense mouvement de solidarité s’est exprimé de la manière la plus efficace qui soit. Pas de manifestation « traîne savates » et « d’enterrement » avec chapelet de bureaucrates politiques en tête, mais des engagements fermes de solidarité. Participation massive à des actions dans les écoles, « parrainages » et actions concrètes d’hébergement clandestin.

On a tellement, dans les années passées, et à juste raison, fustigé le peuple français d’avoir « laissé faire » l’impensable pendant les années d’Occupation qu’il est rassurant aujourd’hui de voir une telle mobilisation, de voir que l’on n’accepte pas et que l’on est décidé à agir.

Pour une fois qu’il y a dans ce pays plus de « justes » que de « collabos », du moins dans l’action, il est bon de le souligner.

Il est aussi bon de montrer du doigt ces sinistres individus, ces fonctionnaires miteux et lâches qui se rendent complices d’un pouvoir abject... et qui, il faut l’espérer auront un jour des comptes à rendre. Papon à son époque, et même après n’aurait jamais cru finir devant un tribunal... et pourtant !

On comprend désormais un peu mieux comment la Collaboration a pu si facilement fonctionner en France... Comment on a pu arrêter des familles entières et les expulser vers... Comment la police a pu massacrer en toute impunité des centaines d’Algériens le 17 octobre 1961... et là ce n’était plus Pétain qui était au pouvoir, mais De Gaulle.

Même s’il s’agit de deux périodes différentes, et dans l’Histoire deux périodes sont toujours différentes, il est sain moralement et politiquement de faire le rapprochement entre hier et aujourd’hui. Un peuple qui n’est pas capable de réagir dans ces circonstances est capable d’accepter le pire. L’Histoire montre que les grandes tragédies commencent par de petites démissions morales, de petites lâchetés.

La solidarité extraordinaire qui s’est manifestée ces derniers mois est une bouffée d’oxygène dans un monde pollué, entre autre, par la lâcheté et la bassesse.

Cette fois le slogan, maintes fois démenti, prend enfin toute sa valeur : PLUS JAMAIS CA !

Patrick MIGNARD
Document produit sous la Licence de Libre Diffusion des Documents - LLDD version 1

http://altermonde-levillage.nuxit.net/article.php3?id_article=6529

Messages

  • merci pour votre cri !!
    L’Etat Français n’a jamais été deVichysé,l’esprit de la Collaboration le hante toujours !

  • TOTALEMENT SOLIDAIRE DE CES PROPOS !

    NOSE DE CHAMPAGNE

  • J’ai souvent défendu les flics sur differents forums du site , tout simplement parce que j’avais pas mal étudié ce corps pendant mes etudes , mais aujourd’hui , je ne peux plus , une limite a été franchie , il ne s’agit plus d’etre des fonctionnaires loyaux , mais d’avoir une conscience !
    J’attends au moins un geste , un refus d’accomplir ces missions qui déshonnorent tous les flics de france .
    Merci pour cet article monsieur Mignard .
    claude de Toulouse .

    • Excellent article, qui fait bien la part des choses, au travers de faits objectifs...

      Espérant que cela provoque une prise de conscience, notamment chez les préfets, et qu’enfin se profile une amorce de désobeissance civile, face à ces rafles, ces arrestations arbitraires, ces "ratonnades" puisqu’il faut appeler les choses par leur nom !
      Pour cela il est nécessaire d’écrire, de prendre position, de lutter, et plus que jamais, car demain il sera trop tard !

      Se battre pour la liberté des étrangers, respecter leur dignité, c’est se battre pour la nôtre.

      Aujourd’hui on s’ attaque aux étrangers, et demain à qui le tour ?

      Voulons nous d’une France formatée, sans ces différences culturelles, qui ont pourtant constitué notre richesse, sans thé à la menthe et sans boubous ?

      Sophie.L

    • A PROPOS DE L’EVENTUELLE PRISE DE CONSCIENCE DE "PREFETS"


      Si j’ai bonne mémoire dans le corps péfectoral en 1940, le seul qui n’ait pas marché dans la combine de la collaboration... s’appelait JEAN MOULIN.
      Cela fait 1% environ qui refuse. C’est asssez peu.
      Je ne crois pas que les préfets soient cons ou aveugles. Ils ont choisi d’être fonctionnaires d’un état (d’un système) et de faire leur carrière en accomplissant toutes les tâches demandées y compris en "se salissant les mains".
      On a fait passer PAPON pour une exception.
      Mais en fait, sa seule exception, c’était sa longévité "au service de l’état".
      Entré dans le corps préfectoral sous le gouvernement de Front Populaire, il continue sous Daladier, Pétain, De Gaulle qui le récupère (en pleine connaissance de cause) à Bordeaux.
      Il finira sa carrière comme ministre de Giscard. Entre temps, il aura , comme un bon petit fonctionnaire, organisé les rafles de juifs, la répression de la manifestation d’octobre 1961...etc
      Les préfets ne sont que le reflet, le petit bout d’un Etat.
      C’est cet Etat qu’il faut combattre.

      Amicalement Bastien

    • ""Se battre pour la liberté des étrangers, respecter leur dignité, c’est se battre pour la nôtre.

      Aujourd’hui on s’ attaque aux étrangers, et demain à qui le tour ?""

      Tout à fait d’accord avec vous et avec les messages précédents. C’est en réagissant fortement que nous éviterons le pire. Demain, c’est peut-être nous qui serons obligés d’émigrer ailleurs, comme les parents de Sarkozy l’ont fait par le passé. Mais là, il y a problème, il est devenu amnésique ou alors il se la joue à "plus français que moi du meurs".

    • Petie erreur, les parents de SARKOZY ne sont pas du tout des pauvres immigrés qui ont été obligés de partir de leur pays. Je réécrit, à cet effet, la réponse faite sur un autre article :

      Nicolas Sarkozy, ce n’est qu’un tout petit bout de son nom.
      Ce n’est pas un "petit" immigré comme les autres.

      Je crois qu’il s’appelle Nicolas Sarkosy de Nagy Bocsa, fils de nobles et riches propriétaires terriens hongrois (quelques milliers d’hectares) "réfugiés" en France après la deuxième guerre mondiale après avoir vendu leurs terres de peur de ne se les voir confisquer ultérieurement.

      L’histoire de son "immigration", ce n’est pas les bidonvilles, les premiers HLM, la galère, la discrimination, etc.

      Car, tout petit...il était déjà riche (il est même né riche !).

      Des "immigrés" comme ça, la France les a toujours bien accueillis et "intégrés". On comprend pourquoi.

      On comprend aussi ce que veut dire Sarkozy quand il souhaite une "immigration choisie".

      Ceux qu’ils veulent "choisir", ce sont des des gens comme eux.

      Sarkozy n’est pas contre les immigrés, il est seulement contre les immigrés pauvres !

      Bastien

  • Juste sur un point, car sans partager complètement l’analyse de Patrick Mignard dans cette comparaison formelle, j’abonderai dans son sens.

    Travaillant dans la Fonction publique d’Etat depuis plus de trente ans, je suis depuis longtemps persuadé de la lâcheté moyenne des fonctionnaires de tous niveaux, et dans plusieurs cas de favoritisme politique voire de tendances mafieuses en réseaux d’influences, j’ai pu observer le sens de l’obéissance des fonctionnaires, comme une de leur plus grande qualité : ne souligne-t-on pas, à rebours, leur grande neutralité (Monsieur Le Pors y investissait son fonctionnaire citoyen... de gauche), c’est-à-dire leur capacité à obéir à des ordres contraires sans broncher ?

    Je suis donc persuadé qu’en certaines circonstances, faire des listes de Juifs dans les années 40 ou des listes d’immigrés en 2006 est tout à fait "normal", dégagé de toute responsabilité à tous les niveaux, puisqu’il ne s’agit là que d’obéir. C’est peut-être même plus facile aujourd’hui, puisque "nous sommes en démocratie", et plus encore qu’en 1942 "menacés" en tant que "peuple français". Dire que cela ne concernerait que les Préfets relève de la plus grande naïveté, il y a des acceptations des ordres qui rencontrent, et pas seulement au Ministère de l’Intérieur et dans la police, le plus grand zèle. Quiconque a fait la queue aux guichets du renouvellement des cartes de séjour peut en avoir une petite idée. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg de décisions et travaux neutres de petites mains dévouées à "l’obligation de réserve", dans les bureaux feutrés de la transparence du "service public à la française".

    Plus généralement, compter sur le courage des fonctionnaires, où se recrute une grande part de l’électorat de gauche et des manifestants, pour devenir une sorte d’avant-garde massive dans les mobilisations "antilibérales", me semble fort aléatoire.

    En la matière comme en toutes, je ne ferais confiance ni au bon dieu, ni à ses saints.

    • Les Communards de 1871 avaient proposé la disparition des préfets et des préfectures.
      Voilà une chose qu’il faudrait remettre à l’odre du jour.

      William

    • ce qui est étonnant, c’est aussi l’absence de solidarité concrète des partis de gauche et des syndicats, pourquoi, en effet, les locaux des partis de gauche et des syndicats n’ont ils pas été ouverts pour abriter les sans papiers et les enfants ? l’intrusion des forces de police dans les locaux syndicaux et des partis de gauche pour arrêter les sans papiers aurait créer une situation inédite. BONNET ROUGE

    • Et dans le privé, est-ce si différent que chez les "fonctionnaires" obéissants ?
      Tous les jours dans ma grosse boîte privée je vois des sales petits directeurs (et même moins gradés) zélés, lèche-culs avec leur "président" et qui font de sales discours et du sale boulot.
      Qui refuse, dans les DRH des boîtes, de collaborer à ce qu’on appelle "un plan social" ?
      J’ai vécu un "plan social" qui a foutu dehors des centaines de personnes et qui a rétamer le moral de centaines d’autres pour des années.
      Pas un seul cadre collaborateur de la DRH, n’a refusé de mettre la main à la pâte dans ces licenciements.
      Et pourtant, 80% pensaient que c’était dégueulasse (les 20% autres étaient des cinglés défenseurs du système).
      Un de ces mecs (toujours DRH aujourd’hui) m’a dit : "vous savez, il y a des fois dans la vie où l’on n’a pas le choix".
      Eh bien, ça veut dire qu’aujourd’hui, comme il y a 60 ans, il y a des tas de types qui sont prêts à "collaborer".
      Et ça veut dire surtout qu’il nous faut résister !

      Bastien

    • D’accord avec vous Bastien. C’est bien pour cela que je n’aime pas les entreprises. Ce genre de comportement me révulse, quand je sais qu’on peut faire autrement que de "lécher le cul" au patron pour avoir un peu plus de miettes que les autres, et ça s’appelle dignité et respect de l’autre.

    • Plus généralement, compter sur le courage des fonctionnaires, où se recrute une grande part de l’électorat de gauche et des manifestants, pour devenir une sorte d’avant-garde massive dans les mobilisations "antilibérales", me semble fort aléatoire.

      30 ans de fonction publique d’état également, et entièrement d’accord avec vous : la capacité des fonctionnaires à éxécuter les instructions les plus absurdes (et depuis quelques années elles se multiplient chez les flics et ailleurs) et proprement ahurissante. Pire je ne vous garantie pas mes capacités de résistance quand Sarko sera à l’Elysée et qu’il ne restera plus d’autre solution que la démission ou, à la rigueur, la mise en disponibilité de longue durée. Mais lorsqu’il s’agit de renoncer à son gagne-pain, les fonctionnaires sont-ils vraiment différents des autres ?

    • Non, bien au contraire car en plus, ils ont l’alibi du "service public" qui ajouté à une dose de légitimisme renforcé par le fait que l’on est en "démocratie", offre toutes les bonnes raisons d’obéir. Un détail, je suis aussi fonctionnaire.

    • Et j’ajouterai que c’est dans la haute fonction publique que l’on rencontre les gens les plus dangereux (Papon n’est pas une exception mais simplement le prototype du haut fonctionnaire) : leur unique préoccupation est de faire carrière, et leur carrière dépend de leur zèle à appliquer les décisions ministérielles ; cette tendance a encore été renforcée ces dernières années avec la systématisation de l’avancement au mérite au vu de pseudos indicateurs de résultats.
      Chez Sarko ça donne ceci : si vous avez rempli votre quota de reconduites à la frontière ("cible" dans la novlangue administrative), vous êtes bon et vous aurez de l’avancement et votre service des moyens supplémentaires, sinon vous êtes mauvais et démmerdez vous tout seul pour devenir bon. Au passage, il est à noter que cette idéologie est entièrement copiée sur celle mise en oeuvre dans la fonction publique british par Blair.

    • Moi ce qui me frappe, c’est l’évolution constatée en une vingtaine d’année, chez les cadres supérieurs d’abord puis en descendant la hiérarchie. Les plus anciens ont changé, se sont adaptés et glissés dans une absence d’esprit critique, prenant pour argent comptant les politiques qu’ils mettent en oeuvre. Chez les plus jeunes, qui ne sont pas les moins carriéristes, avec le moteur des primes exponentielles à « la manière de servir », il semble que le "mal" soit fait avant même la réussite au concours, dans les contenus de formation et la pression générale sur l’emploi.

      Le recul politique est faible par rapport au couvercle de la culture d’entreprise, qui est ici le paradigme de service public : un discours de ministre de droite est de ce point de vue indiscernable d’un discours de gauche. Il n’y aurait pas d’intérêts économico-politiques contradictoire, on beigne dans la soupe de l’"intérêt général".

      Par ailleurs, le paradigme de « la bonne gestion », associé aux « démarches de qualité » et autres techniques de management forment un tout, inspiré de l’idéologie patronale venu d’outre-atlantique via les grandes écoles, un tout qui, au-delà d’un harcèlement moral visant les plus faibles et isolés ou réticents, devient une morale du harcèlement visant tous les fonctionnaires et générant une guerre de la concurrence pour les bonnes places. Au niveau de l’encadrement, il n’y a pratiquement pas de marge pour échapper au rôle qu’on attend de lui, soit il la ferme et l’assume, soit il brise sa carrière et renonce à ses petits intérêts.

      Qui résisterait à ce rouleau compresseur ?

  • Un jour, on a vu apparaître des étoiles jaunes sur des revers de pardessus : il aurait alors été très abusif de crier au génocide.
    A partir de combien de morts on aura le droit de faire des comparaisons qui ne seraient pas abusives ?
    Faut-il attendre que l’arbre de la honte fasse trois mètres de circonférence ?
    Ou peut-on essayer de l’arracher alors que c’est encore possible ?
    MC

  • Merci pour cet article à Patrick Mignard.
    Non, il n’est pas abusif de dire que ce que la France fait aujourd’hui ressemble à s’y méprendre a ce qu’elle a deja fait il y a des années.
    Oui nous sommes dans le plus abjecte pétinisme et il faudra bien, oui, que les comptes soient fait un jour avec les Droits de l’Homme.