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Chômeurs en fin de droits : le gouvernement assouplit...

Publie le mercredi 22 octobre 2003 par Open-Publishing

Chômeurs en fin de droits : le gouvernement assouplit son texte mais
l’UDF s’abstiendra

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-338904,0.html

François Bayrou a annoncé mardi qu’après le rejet des amendements
proposés par l’UDF au projet de budget 2004 son groupe s’abstiendrait
lors du vote, prévu dans la soirée, sur la première partie de la loi
de finances, celle des recettes.

La bataille annoncée n’a pas eu lieu, mais la paix n’est pas scellée
pour autant. Le gouvernement a reporté de plusieurs mois au moins
l’application de la réduction annoncée de la durée d’indemnisation
des chômeurs en fin de droits, mais il en a maintenu le principe,
mardi matin 21 octobre, alors que les députés devaient voter, dans
l’après-midi, la partie "recettes" du budget 2004. Mais le président
de l’UDF, François Bayrou, qui en fait depuis plusieurs jours un
sujet d’affrontement, brandissait toujours la menace d’une abstention
de l’UDF si le projet - qui aboutit à faire prendre en charge les
chômeurs de longue durée par les départements, via le RMI et le RMA -
n’était pas retiré.

Mardi après-midi, M. Bayrou a clairement annoncé ses intentions. "Le
gouvernement a refusé notre amendement sur la baisse des impôt, il a
refusé notre amendement sur le gazole et il a refusé de maintenir
l’allocation spécifique de solidarité (ASS) pour les chômeurs de
longue durée. Ca veut dire évidemment que, ce soir, dans l’hémicycle,
je proposerai que le groupe UDF s’abstienne", a-t-il déclaré dans les
couloirs du Palais-Bourbon.

Confirmant les indications données lundi soir par l’entourage de Jean-
Pierre Raffarin, le ministre délégué au budget, Alain Lambert, a
annoncé aux députés, mardi à l’aube, que le gouvernement renonçait
aux modalités de sa réforme de l’allocation spécifique de solidarité
(ASS). La nouvelle version du texte prévoit que les personnes qui ne
pourront plus percevoir l’ASS bénéficieront du futur revenu minimum
d’activité (RMA), sans avoir à passer par une étape intermédiaire de
18 mois durant laquelle ils seraient pris en charge par le revenu
minimum d’insertion (RMI).

M. Lambert a apporté ces précisions à l’occasion de l’examen de
l’article 40, portant sur les compensations allouées par l’Etat aux
départements du fait de la décentralisation du RMI. "Dans le projet
initial, a-t-il indiqué, les personnes privées d’emploi ayant épuisé
leurs droits à l’ASS n’avaient accès au RMA qu’à l’issue d’une durée
minimale passée au RMI, fixée par un décret. Le gouvernement
proposera à l’Assemblée d’ajuster le projet relatif au RMA sur ce
point. Les allocataires en fin d’ASS pourront avoir immédiatement
accès au RMA." Pour éviter de laisser ce recul partiel apparaître
comme un succès personnel de François Bayrou, M. Lambert avait
auparavant rappelé que "beaucoup de voix se sont élevées, à l’UMP
ainsi qu’à l’UDF, pour demander qu’il soit remédié à des
imperfections du RMA".

"BODY-BUILDING"

Selon le projet de réforme de l’ASS, présenté le 19 septembre par le
ministre des affaires sociales, François Fillon, 130 000 demandeurs
d’emploi en fin de droits et pris en charge par l’Etat au titre de
l’ASS verront la durée de leur indemnisation réduite à partir de
2004. Ce nouveau dispositif, qui doit permettre une économie de 150
millions d’euros en 2004 (sur un total de 1,5 milliard d’euros), puis
de 500 millions en 2005, n’entrera pas en vigueur au 1er janvier
2004, comme prévu, mais au 1er juillet - soit à peu près en même
temps que le RMA, dont la création a été votée en première lecture au
Sénat.

"Je voudrais demander au gouvernement quelles sont les propositions
qu’il a l’intention de faire pour changer cette disposition, pour
qu’elle soit plus juste", a lancé M. Bayrou à deux reprises, mardi
matin dans l’hémicycle, à l’adresse de M. Lambert. Le président de
l’UDF en avait fait l’une des trois conditions (avec l’annulation de
la baisse de 3 % de l’impôt sur le revenu et celle de la hausse de la
taxe sur le gazole) pour que l’UDF vote le budget. Il n’a pas eu
satisfaction sur les deux premières. Les aménagements annoncés par le
gouvernement pour la troisième le laissaient dubitatif : "Qu’est-ce
que ça change ?", interrogeait-il après l’intervention de M. Lambert,
relevant : "Un certain nombre d’allocataires de l’ASS pourront
relever du RMA. Mais pour cela, il faudra trouver une entreprise, un
emploi."

Plus tôt, dans l’après-midi de lundi, le chef de file des centristes
avait estimé, dans les couloirs, que "des dizaines de milliers de
titulaires de l’ASS, au 1er juillet, n’auront pas trouvé de contrats
de travail et vont se retrouver au RMI, ce qui ne change rien par
rapport à aujourd’hui". Et M. Bayrou d’ajouter "qu’un grand nombre de
ces personnes - entre la moitié et les deux tiers - n’auront pas
droit au RMI non plus, car si l’ASS est une allocation, le RMI est un
complément -de revenu-".

Autour du président de l’UDF, qui réclame "le maintien de l’ASS", on
avait laissé entendre, dès la semaine dernière, qu’un compromis était
envisageable sur ce sujet avec le gouvernement. A l’UMP, certains
députés faisaient d’ailleurs remarquer que la demande de l’UDF
épousait l’évolution de la réflexion en cours au gouvernement et que,
le sachant, M. Bayrou se livrait à un exercice de "body-building"
parlementaire à bon compte.

Lundi, la tonalité avait changé. Avant l’intervention de M. Lambert,
M. Bayrou s’est dit peu convaincu par les déclarations du président
de la commission des finances, Pierre Méhaignerie (UMP, Ille-et-
Vilaine), et par celles de M. Fillon, quelques jours plus tôt. "Cela
n’a pas de sens, à moins qu’on me donne des explications
complémentaires, a expliqué M. Bayrou. Le gouvernement fait des
formules qui, pour l’instant, n’ont pas de véritable contenu."
Vendredi 17 octobre, M. Méhaignerie avait assuré que la "volonté" du
groupe UMP était "que le passage de l’ASS au RMA soit direct et
positif pour une majorité des bénéficiaires, en termes de revenus
supplémentaires et de retour à l’emploi", expliquant au passage que
la discussion était engagée "depuis trois semaines"avec MM. Raffarin
et Fillon. Le même jour, dans La Croix, ce dernier s’était déclaré
"ouvert" à des "aménagements", n’excluant pas "que toute personne
perdant les droits à l’ASS puisse accéder au RMA".

Philippe Le Cœur