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La douleur du Liban grandit d’heure en heure, alors que le nombre de morts atteint les 1.300

Publie le lundi 21 août 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

de Robert Fisk

Ils en déterrent d’heure en heure. Le nombre de morts au Liban ne fait que croître. Le poète américain, Carl Sandburg, parlait des morts, dans d’autres guerres, et imaginait qu’il était l’herbe sous laquelle ils seraient enterrés. "Mettez-les là-dessous avec vos pelles et laissez-moi travailler", disait-ils des morts d’Ypres et de Verdun.

Mais, dans tout le Liban, les tonnes de gravats des vielles toitures et des immeubles d’appartements sont méthodiquement soulevées et l’on retrouve en dessous des familles entières, se tenant dans les bras des uns des autres au moment de la mort, lorsque l’aviation israélienne écroulait leurs maisons sur eux. Mais, hier soir, ils avaient retrouvé 61 cadavres supplémentaires, portant le nombre de morts libanais, durant ces 33 jours de guerre, à près de 1.300.

À Srifa, au sud du fleuve Litani, 26 corps ont été retrouvés sous les ruines où je me trouvais il y a trois jours. À Ainata, huit autres cadavres de civils. Un autre a été découvert au nord de Tyr, sous une maison effondrée de quatre étages. À proximité, les restes d’une jeune fille de 16 ans, de trois enfants et d’un adulte. À Khiam, à l’est du Liban, assiégée pendant plus d’un mois par les Israéliens, le vieux "mouktar" du village a été retrouvé mort dans les ruines de sa maison.

Ces morts n’étaient pas tous des civils. À Kfar Chouba, des conducteurs de camions-poubelles ont trouvé les corps de quatre membres du Hezbollah. À Roueiss, cependant, les 13 cadavres retrouvés dans les décombres d’un immeuble de 10 étages étaient ceux de civils. Parmi eux, sept enfants et une femme enceinte. Dix autres cadavres ont été désincarcérés des décombres des quartiers sud de Beyrouth - où des résidents ont affirmé qu’ils pouvaient encore entendre les cris de leurs voisins, coincés tout en dessous des immeubles démolis par les bombes. L’organisme libanais de la défense civile - pratiquement aussi courageuse que la Croix-Rouge libanaise, qui essayait de sauver des vies sous le feu - pense qu’au moins trois familles sont prises au piège dans des sous-sols.

Ignorant le danger que constituent les obus non explosés, plusieurs Musulmans chiites libanais sont retournés chez eux pour récupérer des affaires personnelles - y compris des photos de famille et des albums contenant l’histoire de leurs vies - pour tomber entre les intervalles des immeubles et plonger là-dessous dans l’obscurité à plusieurs mètres de profondeur. L’un des derniers à avoir perdu la vie à Beyrouth, juste quelques minutes après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu onusien, est un enfant, retrouvé mort dans les bras de sa mère, elle-même morte.

On ne saura jamais combien de personnes auraient échappé à la mort, si George Bush et Tony Blair avait exigé, des semaines plus tôt, un cessez-le-feu immédiat. Beaucoup aurait eu une chance de vivre, si les gouvernements occidentaux n’avaient pas considéré cette sale guerre comme "l’occasion" de créer un "nouveau" Proche-Orient, en humiliant l’Iran et la Syrie.

The Independent, le 17 août 2006, article original : ’Lebanon’s pain grows by the hour as death toll hits 1,300’

© 2006 Independent News and Media Limited / Traduction [JFG-QuestionsCritiques]

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Messages

  • **On ne saura jamais combien de personnes auraient échappé à la mort, si George Bush et Tony Blair avait exigé, des semaines plus tôt, un cessez-le-feu immédiat. Beaucoup aurait eu une chance de vivre, si les gouvernements occidentaux n’avaient pas considéré cette sale guerre comme "l’occasion" de créer un "nouveau" Proche-Orient, en humiliant l’Iran et la Syrie.**

    C’est bien pour cela, que le Monde entier avait appelé au cessez-le feu immédiat, pour sauver des vies. Alors qui a gagné ? Personne. Nous avons perdu des vivants. La faute à qui ? A la partie bestiale de l’homme.

  • Voyons donc les chiffres de cette hécatombe en domino.

    Iraq : une moyenne quotidienne de 110 morts, soit en tout 3 438 morts en juillet 2006, soit 9% de plus qu’en juin et le double de janvier 2006. La morgue de Bagdad a recensé 1 855 corps en juillet, soit 18% de plus qu’en juin. Blessés en dehors de Bagdad : 3 597 en juillet. Selon les Nations unies, 17 776 Iraquiens sont morts en 2006, soit une moyenne mensuelle de 2 539 victimes.

    Ces chiffres sont très approximatifs. Le gouvernement et l’armée US refusent de publier des chiffres sur les pertes humaines iraquiennes. Gaza : 151 personnes, dans leur écrasante majorité des civils désarmés, ont été tuées en juillet par les Israéliens, le plus haut chiffre depuis octobre 2004, lorsque 166 Gazaouis avaient été tués.

    Liban : le chiffre de 1 100 victimes libanaises doit être révisé à la hausse, au fur et à mesure qu’on découvre des cadavres dans décombres des maisons détruites. À l’heure où nous écrivons, on est à 1 400.

    Face à ces chiffres, ceux des pertes des agresseurs peuvent sembler dérisoires : 2 000 soldats usaméricains en Iraq, 162 « civils » en Israël. Mais au Liban, l’armée israélienne a perdu 430 hommes, ce qui n’est pas banal et a été carrément passé sous silence par la propagande israélienne et proisraélienne. Propagande qui s’est faite tout aussi discrète sur les pertes matérielles : 2 avions, 3 navires de guerre, 5 hélicoptères, 48 véhicules blindés et...130 chars Merkava. Dans cette guerre « asymétrique », la résistance libanaise a tout simplement fait des merveilles avec des moyens plutôt limités. Face à ces chiffres, deux autres résument bien la nature de l’agression israélienne : 433 enfants libanais et 378 femmes libanaises ont été tués par les bombes lâchées du ciel.

    Dernière remarque sur la propagande de guerre menée complaisamment par les médias occidentaux : tous les commentateurs, y compris ceux qui se présentent comme bien intentionnés à l’égard du Liban ont dit et répété depuis 6 semaines que l’ »opération » israélienne contre le Liban avait été motivée par « l’enlèvement de deux soldats israéliens en territoire israélien ». C’est faux, archi-faux, pour trois raisons :

    Les deux soldats ont été capturés en territoire libanais, sur lequel ils avaient pénétré en dehors de toute légalité. Ils sont donc des prisonniers de guerre et non des otages. Tout comme le caporal Gilad Shalit, qui n’a pas été « kidnappé » alors qu’il mangeait un hamburger dans un MacDo de Tel Aviv, mais a été capturé alors qu’il menait une action de guerre dans un territoire étranger occupé.

    L’État-major israélien préparait activement cette guerre contre le Liban depuis au moins un an, mais il ruminait sa vengeance depuis son retrait forcé du Sud-liban de 2000. Elle était prévue pour septembre-octobre 2006.

    Le Hezbollah a voulu marquer symboliquement sa solidarité avec la population de Gaza et de Palestine en attaquant un groupe de soldats menant une « incursion » en territoire libanais. Il n’avait sans doute pas prévu une telle réaction, mais s’y était préparé, stratégiquement et tactiquement, depuis au moins l’an 2000. On connaît la suite.

    *L’auteur est un auteur-traducteur indépendant, membre du réseau de traducteurs Tlaxcala et de l’Alliance zapatiste de libération sociale. Il préside l’association interculturelle karkashuna. Courriel : karkashuna@yahoo.fr

    Source : http://www.azlsbasta.splinder.com