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QUAND VIENT LA FIN DE L’ÉTÉ ...

Publie le lundi 21 août 2006 par Open-Publishing
7 commentaires

de Le Yéti

Eh ben dis donc, quel été ! Une litanie de drames, de massacres, d’abominations insupportables, de chairs déchiquetées, de fureurs aveugles, de douleurs incoercibles, sur fond d’explosions de bombes à fragmentations et d’averses de roquettes.

Et maintenant le ballet grotesque des "forces de la paix" en train de nous mitonner avec enthousiasme (sic) une bonne petite Finul bien neutre, bien équitable. Les Français ne veulent pas y aller ? les Européens rechignent ? Pas grave, les Syriens ou les Iraniens nous donneront bien un coup de main. (Non, je rigole !)

C’est vrai qu’il y a moins de risques à chasser l’immigré, l’enfant, le sans-papiers. Oh, la jolie chasse à courre menée à train d’enfer par ceux-là même qui vantent les mérites de la mondialisation sans carcan. Oh, la belle curée sur nos eaux saumâtres à nous, à bord d’un rafiot de tocards et de braillards, avec un Sarkozy vociférant en capitaine d’opérette à galons et casquette, et la Ségo en figure de proue ânonnant sur le thème de "la récompense de l’effort". (Z’avez pas remarqué qu’elle a exactement l’intonation de voix d’Arlette Laguillier, le "travailleurs-travailleuses" en moins ?)

Je mélange tout, dites-vous ? Mais non, mais non, tout est lié, vous le savez bien. Ceux qui ont appelé, avec la conviction que l’on sait, au cessez-le-feu au Liban, ceux qui nous finalisent une Finul aux petits oignons, ils sont dans le rafiot guignolesque dont je vous cause.

Nom du rafiot : LE MONDE LIBRE. Oh purée !

Et c’est vrai qu’il est "libre", ce monde, c’est bien ça le pire. Pas un des dirigeants occidentaux qui n’ait été élu par le peuple, ou du moins une majorité d’entre lui. Voilà ce que la sacro-sainte majorité d’entre nous a fait de notre foutue liberté !

Surtout évitez de me parler de manipulation du peuple ! Le peuple, c’est une agglomération d’adultes responsables. Point. Aucune excuse.

Et le fait d’être dans la minorité ne me rassure pas plus que ça. Surtout quand on voit avec quel acharnement cette minorité s’acharne à le rester. La préparation des prochaines Présidentielles en est un exemple assez éclatant.

Quel naufrage ! On en reste sans voix. Je ne sais pas comment c’est chez vous, mais lors des dîners entre amis, j’ai remarqué qu’on évitait désormais d’aborder les sujets trop sensibles. Trop, c’est trop. On préfère se raccrocher à quelques anecdotes, aux petits riens de notre vie de tous les jours, à des souvenirs de temps révolus dont on essaie de penser qu’ils furent heureux.

Tous les ans, mon ami J... vient en vacances dans ma région. Nous nous retrouvons sur la plage pour des discussions à n’en plus finir. Nous faisons les syndicalistes dans la même entreprise. Il est juif, athée. Cette année, J... n’est pas venu dans ma région. En juin, il m’a dit qu’il allait en Israël, avec ses filles qui elles sont croyantes. Il vient d’en revenir. J’appréhende la rentrée, quand nous nous raconterons nos vacances.

Pendant l’été, ma fille cadette a fêté ses vingt ans. Belle comme le jour, troublante comme la nuit, elle trône au bras de son nouvel amoureux. Que pensent-ils de notre "monde libre", de ce fiasco que nous leur laissons en héritage ? Passeront-ils entre les gouttes de cette folie démente qui s’est emparée de la planète ? Oh, cocotte, je t’en prie, toi et tes copains, bougez-vous, coulez-nous ces rafiots de médusards, fabriquez-nous en des nouveaux, des navires tout pimpants, tout joyeux avec de jolies cheminées qui font des ronds de fumée...

- Oui, oui, papa, d’accord. Mais en attendant, arrête donc de nous seriner avec ta chanson idiote !

Ah oui, j’oubliais, il y a un air qui me trotte par la tête, une scie dont je n’arrive pas à me débarrasser, que je fredonne à tout bout de champ. Derniers baisers est une ritournelle acidulée des années 60, popularisée par les Chats Sauvages, reprise récemment par Laurent Voulzy, et qui passe en boucle sur les ondes.

Quand vient la fin de l’été, sur la plage
Il faut alors se quitter
Peut-être pour toujours
Oublier cette plage
Et nos baisers

Des baisers, vraiment ?

Messages

  • Le Yéti, je comprends que tu ne sois pas venu au Fou ce w.e., parce que...

    Joli ton article, mélancolique, rêveur par moments, cuisinier parfois, cynique, ironique et très colère aussi ! Il y a de quoi !

    Je retiens dans l’intervention de Ségolène qu’elle demande aux citoyens de faire des efforts, toujours des efforts, sempiternelle rengaine de la droite. Mais putain, ça fait des siècles que les citoyens font des efforts, et les riches ils font quoi pendant ce temps ????

  • Oui,Yéti, tout est lié, nous le savons bien, mais j’aime par dessus tout ta tendresse et ton humanité.
    Raison, s’il en est de lire et relire "Tu es comme la moule, mon frère" d’Hikmet.
    Merci pour ce beau texte.
    Tzigane

    • C’EST UN SUPERBE POEME...

      C’est dans son recueil "Il neige dans la nuit et autres poèmes" paru aux Éditions Poésie/Gallimard NRF (février 2003) en pages 72-73 qu’on trouve l’intégralité de ce poème intitulé "La plus étrange des créatures" que Nâzim HIKMET dénonce la difficulté à assurer la solidarité la plus large entre les humains...
      C’est l’un des plus magnifiques poèmes que je connaisse et c’est une très bonne idée de le citer Tzigane.
      Merci...
      Je vais le mettre en entier sur ce forum.

      NOSE DE CHAMPAGNE

  • Comme le scorpion, mon frère,
    Tu es comme le scorpion
    Dans une nuit d’épouvante.
    Comme le moineau, mon frère, tu es comme le moineau,
    dans ses menues inquiétudes.
    Comme la moule, mon frère,
    tu es comme la moule
    enfermée et tranquille.
    Tu es térrifiant, mon frère,
    comme la bouche d’un volcan éteint.
    Et tu n’es pas un, hélas,
    tu n’es pas cinq,
    tu es des millions.
    Tu es comme le mouton, mon frère,
    quand le bourreau habillé de ta peau
    quand l’équarrisseur lève son bâton
    tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
    et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
    Tu es la plus étrange des créatures, en somme,
    Plus drôle que le poisson
    qui vit dans la mer sans savoir la mer.
    Et s’il y a tant de misère sur terre
    c’est grâce à toi, mon frère,
    Si nous sommes affamés, épuisés,
    Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
    Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
    Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
    Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.

    Poème écrit en 1947 par le poète communiste turc Nâzim HIKMET, sous le titre "La plus étrange des créatures", en pages 72-73 du recueil de 423 pages paru en février 2003 dans la collection Poésie/Gallimard, chez NRF.

    Pour Le Yéti, à sa demande et sur une idée de Tzigane,

    NOSE DE CHAMPAGNE.

  • Merci à vous tous qui grâce à votre facilité d’écriture, vos idéaux inassouvis, vos colères exprimées et surtout votre poésie et votre humour me font penser qu’il est bon d’être aujourd’hui en décalage et de s’investir dans ce que beaucoup considèrent aujourd’hui comme inutile !!

    Yeti, je n’ai plus l’âge de ta fille, je n’ai pas encore le tien à-priori, mais la vache, c’est fou comme pourtant je me retrouve dans ces mots !

    Ciao