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LETTRES DU SAHARA

Publie le vendredi 29 septembre 2006 par Open-Publishing
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de Enrico Campofreda traduit de l’italien par karl&rosa

On part de l’Afrique besogneuse et pauvre mais on revient en Afrique parce que "si ici il faut toujours fuir, de quelle vie s’agit-il ?" Et en Italie - ou le jeune Sénégalais Assane est arrivé en risquant sa peau après avoir été balancé à la mer avec d’autres clandestins - il faut toujours fuir.

Fuir la police nationale qui te renvoie dans ton pays, fuir la police municipale qui te confisque la camelote, fuir les racistes qui te battent et essayent de te tuer. C’est Occident pervers qui continue à exploiter le peuple noir, comme le rappelle le vieux maître d’Assane à tant d’enfants réunis en classe quand il rentrera dans son pays.

Il revient épuisé et marqué par la terrible expérience du tabassage subi par des jeunes comme lui, auxquels des politiques et des ministres de la République italienne qui s’appellent Bossi et Fini ont appris le racisme. Et la télévision publique, la même qui diffuse des spot hypocrites contre la discrimination, relance une sorte de générique cohabitation avec les racistes par des prises de vue, souvent sans commentaire ni censure, des stades de foot de la Botte où on exalte les fours pour les Juifs et les Nègres.

C’est dans ce pays qu’Assane commence sa pérégrination en espérant trouver l’Eldorado. Il la commence en Sicile, où l’unique chaleur qu’il rencontre est celle des bidonvilles de ses compatriotes brûlés par les petits mafieux aux ordres des contremaîtres qui le font travailler dans les champs pour vingt-sept euros par jour pendant un nombre d’heures non précisé. Douze, quatorze ? A Florence, hôte de sa cousine Salimata, il trouve de la vraie chaleur et de la véritable affection.

Mais là Assane a des scrupules, et son rigide credo religieux ne lui permet pas d’accepter les choix laïques de sa cousine qui fait le mannequin et vit avec un homme. Il repart. A Turin il rencontre la solidarité de ses compatriotes qui s’entr’aident comme une grande famille. Il connaît l’usine et le soutien moral et matériel de bénévoles (il y a aussi des Italiens démocratiques) soutenant l’insertion des travailleurs extracommunautaires par l’instruction et plusieurs initiatives sociales et humanitaires.

Malgré ces rencontres, Assane n’y arrive pas. Il est atteint du syndrome de l’émigrant, qui n’arrive pas à s’intégrer. Il a la nostalgie des couleurs, des sons, des odeurs, des rythmes, de l’énergie que sa terre magique sait offrir. Il veut ressentir la naturelle succession de marques d’affection de mères et de sœurs d’une communauté rurale qui n’a pas perdu les valeurs profondes et qui sait surtout les partager. En évitant l’individualisme effréné qui cause l’isolement et la solitude typiques des villes immergées dans le consumérisme occidental.
Il a envie de donner ce témoignage aux jeunes qui rêvent de faire le saut vers l’Europe : cette vie sera dure et même ceux qui reviendront avec de l’argent auront souffert et peut-être, comme lui, n’effaceront jamais les blessures profondes de leur visage et de leur cœur.

C’est une fiction jouée qui a souvent l’empreinte et la rigueur du vrai documentaire. Et qu’est-ce qui mieux que la réalité arrive à témoigner d’évènements dramatiques comme ceux qui sont racontés ? Racontés avec l’œil et le sentiment d’un immigré clandestin, dans la tête et dans l’âme duquel nous ne savons pas entrer. Parce que, même si nous ne sommes pas racistes, nous sommes silencieux et pris pas toutes autres affaires plutôt que disponibles à comprendre les drames de cette partie du monde - cinq milliards de personnes - qui doivent se partager 17% du revenu planétaire. Nous sommes ces 800 millions disposant de 83%. Nous sommes dans ce Paradis immoral et nous devons et voulons continuer à consommer.

Mise en scène : Vittorio De Seta
Sujet et scénario : Vittorio De Seta
Directeur de la photo : Antonio Gamboni
Montage : Marzia Mete
Avec : Djibril Kebe, Paola Ajmone Rondo
Musique originale : Mauro Tronco
Production : Luce
Origine : Italie
Durée : 123’

Messages

  • Je ne partage pas les conclusions de cet article sur le film "Lettres du Sahara" qui mettent tous les gens de l’Occident dans le même paradis (sac ) en ajoutant qu’ailleurs on meurt de faim. c’est oublier qu’en Europe aussi des millions d’individus crèvent de faim et sont obligés de vivre dans des conditions misérables, c’st oublier qu’il en est de même aux USA. C’est oublier que les exploités ont les mêmes exploiteurs et que tout le monde ne s’appelle pas Dassault, Lagardère, Pinaut ou autres.
    Ce n’est pas avec une telle conclusion que nous ferons avancer l’indispensable solidarité internationaliste.

    Pierre