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Juliette dans la peau de David Pujadas

Publie le jeudi 13 novembre 2003 par Open-Publishing

Une intermittente raconte comment son « commando » est parvenu jusqu’au JT de France 2.

Par Bruno MASI

mercredi 12 novembre 2003

Les intermittents tirent les leçons de leurs erreurs. Qui aurait pensé qu’ils se faufileraient dans deux maisons des mieux gardées, TF1 et le plateau de la Star Ac puis, lundi, France 2 et celui du JT ?

L’émission phare du service public et son présentateur icône ont dû s’effacer. Juliette, 34 ans, s’est sentie « vraiment bien » quand elle s’est assise dans le fauteuil du présentateur, même si ce fut en tremblant. Régisseuse de plateau dans le théâtre public, elle se présente comme une « intermittente typique », présente à Avignon cet été comme manifestante et gréviste au sein de l’équipe technique du festival in.

Objectif. Lundi soir, quand la petite troupe quitte la rue Perrée (Paris IIIe ) et le siège de la coordination Ile-de-France, elle ne sait pas quel chemin prendre. L’objectif n’est que sommairement décrit : une émission en direct sur une chaîne du service public. Les intermittents cultivent le secret et craignent les fuites. Combien d’« actions » ainsi prévues se sont-elles finies contre des barrières de sécurité. Diviser l’information, ne la diffuser qu’au compte-gouttes pour que, le moment venu, l’image naisse. Celle d’un décor maintes fois vu, mais pour un soir barré de silhouettes et de pancartes. Le coeur de France 2 rendu moins sacré, son JT.

« On se construit, on se muscle. Le texte que j’ai lu, nous l’avons écrit dans l’après-midi, raconte Juliette. Nous étions cinq : trois filles et deux garçons. Au moins l’un d’entre nous parviendrait sur le plateau. On tient à la parité. Nous avions décidé que, cette fois, ce serait une fille qui prendrait la parole, même si, pour entrer dans le bâtiment, il fallait sauter des murs et franchir des portes. Un peu comme un parcours du combattant. A ce jeu, les garçons sont plus doués. » Des idées claires et minutées : « Nous voulions revenir sur nos cinq mois de lutte, raconter les procédures en cours au Conseil d’Etat et dire aux téléspectateurs que ce que nous vivons aujourd’hui, ils le vivront sans doute demain. » (1)

Emotion. Alors que David Pujadas est surpris et déconcerté, les intermittents prennent place autour de la table : « Il a vu notre feuille et ça l’a rassuré. Il craignait qu’on reste là pendant tout le journal. Il a alors décidé de me laisser son siège. » Moment « jubilatoire » mais stressant : « Je sentais que j’avais peur. L’émotion me submergeait. J’étais de plus en plus émue. Je cherchais des regards alors qu’il faut chercher des caméras. Le JT est fait de codes que nous ne connaissons pas. Mais, finalement, c’était très agréable : rendre la télé plus poreuse à la réalité. »

La lecture est achevée. Les intermittents s’éloignent. Un dernier cri de protestation sourd des coulisses quand le journaliste présente ses excuses. Dehors, les caméras de France 2 et France 3 sont là pour rencontrer la jeune femme : « On a fait en sorte que ça soit quelqu’un d’autre qui réponde. » Multiplier les visages , ne faire de personne le porte-parole en chef. Dès hier matin, alors que le ministre souhaitait rencontrer les dirigeants de la chaîne, les intermittents songeaient à envoyer un communiqué de remerciements à la rédaction du 20 heures, et espéraient « qu’il n’y ait pas de sanctions ».

(1) http://video.protocole.free.fr