Accueil > POURQUOI LES PARTIS SOCIALISTES ONT-ILS FAILLI ?

POURQUOI LES PARTIS SOCIALISTES ONT-ILS FAILLI ?

Publie le mercredi 15 novembre 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

de Raoul Marc JENNAR, militant altermondialiste

Très souvent, on me demande comment j’explique que les partis socialistes, eux dont c’était le premier devoir, n’ont pas, depuis le début des années quatre-vingt, résisté à la mondialisation néolibérale. En Belgique comme en France, où le mouvement ouvrier a été imprégné par un idéal socialiste très longtemps soucieux de se démarquer de la social-démocratie, cette question est lancinante.

Une première réponse me semble évidente : le poids grandissant qu’ont pris les experts auprès des politiques à un moment où la mondialisation voulue par le patronat requerrait de la part des politiques une plus grande capacité à faire des choix. Le plus souvent les socialistes s’en sont remis à leurs experts.

Ceux-ci, au nom d’une science économique qui n’a de science que le nom, étaient tout disposés à fournir les alibis techniques à des choix présentés comme inéluctables. Les experts ont rationalisé un slogan irrationnel : "il n’y a pas d’alternative". L’effacement socialiste, c’est d’abord le triomphe de la technocratie sur la démocratie.

Une deuxième réponse est tout aussi manifeste : l’extrême difficulté qu’ont eu les élus socialistes, crispés sur les problèmes de leurs circonscriptions ravagées par la crise charbonnière puis sidérurgique, à s’investir dans l’européen et l’international. Pour s’en convaincre, il était flagrant de constater, par exemple dans les travaux parlementaires, la différence d’intérêt pour ces matières entre les élus de droite, relais zélés d’un patronat qui a occupé d’emblée l’espace supranational, et ceux de gauche.

Au-delà de ces constats de portée générale, la réponse n’est pas la même au Nord et au Sud de la frontière franco-belge. En Belgique, les socialistes, après la deuxième guerre mondiale, ont placé tous leurs espoirs dans la construction européenne. Le rôle joué par Spaak, un des « pères fondateurs », a été déterminant. Cette adhésion sans réserve les a désarmés lorsqu’il est devenu manifeste que l’harmonisation économique et commerciale ne s’accompagnait pas d’une harmonisation sociale et que le primat de la concurrence devenait la machine à détruire les acquis sociaux. En dépit de ses dérives néolibérales, le projet européen, tel qu’il est mis en œuvre, demeure au PS un sujet tabou. Ce qui se traduit par un refus de s’opposer radicalement aux initiatives de la Commission européenne. Même quand cela signifie la destruction de ce pour quoi des socialistes se sont tant battus au 19e siècle et pendant une bonne partie du 20e.

En France, la dérive vers le social-libéralisme résulte d’une conjonction de deux phénomènes : l’arrivée au pouvoir d’un personnage extrêmement ambigu, François Mitterrand, et la montée en puissance d’un courant dans le PS, mais aussi dans le syndicalisme (la CFDT d’Edmond Maire), baptisé "deuxième gauche" et incarné par des personnalités de conviction chrétienne tels que Jacques Delors et Michel Rocard. La deuxième gauche française, c’est un peu l’équivalent du Mouvement Ouvrier Chrétien belge.

A la différence de chrétiens de gauche comme François Houtart en Belgique ou Jacques Gaillot en France, convaincus que l’opposition entre exploiteurs et exploités demeure la grille d’analyse pertinente, les chrétiens de la "deuxième gauche", clament eux la nécessité de dépasser la lutte des classes pour arriver au "dialogue social" entre "partenaires sociaux" et réaliser des compromis dans le cadre d’un réalisme respectueux des contraintes économiques. Ce qui se traduit par la soumission du politique à l’économique. C’est la capitulation devant un patronat qui a compris qu’il est possible de revenir sur cent cinquante ans de conquêtes démocratiques et sociales en subordonnant les États à des institutions supranationales vouées au libéralisme économique le plus débridé et dotées de pouvoirs contraignants telles que l’Union européenne ou l’Organisation Mondiale du Commerce.

Avec Delors, la deuxième gauche est à l’origine du "tournant de la rigueur" de 1983, de l’Acte unique européen de 1986, du traité de Maastricht négocié en même temps que la création de l’OMC. Les flexibilités, les dérégulations, les libéralisations décidées alors ont créé les inégalités, la précarité et la pauvreté d’aujourd’hui.

Cette victoire de la deuxième gauche au sein du PS rend possible l’émergence d’une Ségolène Royal conseillée par un Pascal Lamy formé par Delors. Aujourd’hui, elle espère faire franchir à la société française une nouvelle mutation : celle qui effacera définitivement l’approche par la lutte des classes et mettra en place un bipartisme à l’américaine. A moins que le peuple français n’en décide autrement. Comme un certain 29 mai.

Messages

  • Comme à son habitude, Raoul résume sobrement, d’un trait de plume, les périls qui guettent le peuple français...si par malheur la gauche antilibérale ne parvient pas à présenter son candidat.
    Prenons garde à ne pas nous disperser.

    Unis, nous pouvons tout.

    Arthur

  • C’est bien dit ... mais pour pour quelle conclusion ?
    Celle que du passé de Fabius et de DSK ( renonciation au socialisme pour une adhésion au libéralisme ...et pour plus voir les entretiens de Pascale Fourier sur des Sous et des hommes) il faudrait faire table rase ( comme seule référence marxiste restante ) ?
    UN PEU SIMPLE !
    Ségolène ? alors ça peut-être mais..... mais c’est bien sür qu’il reste la conclusion du plaidoyer relatif en sa faveur de Ségolène Royal (pas zaz) publié sur

    http://ocsena.ouvaton.org/article.php3?id_article=417

    le 8 décembre 2005 et repris sur bellaciao

    Si Ségolène vous paraît mégalo et imbuvable, les mecs dirigeants du PS le sont autant et plus, donc y a pas de raison de ne pas la prendre elle. ..

    rtbt139

  • Les "socialistes" ont failli, à mon humble avis, le jour ou ils se sont prononcé comme "gestionnaires loyaux du Capital - Dixit L. Blum" au lieu de sa "mise au service de ceux qui le créent vraiment".

    Et pas que depuis hier... Depuis qu’en 1914 ils ont signé comme un seul homme l’"Union sacrée" qui à présidé à la boucherie de 14/18.

    Leur trahison peut même être considérée par réaction comme l’élément mobilisateur de la fondation du PCF.

    Depuis leur histoire n’est qu’une suite d’événements similaires. Et si on fait l’analyse, de Léon Blum ouvrant la porte à Munich, à Mitterand Ministre de l’intérieur de Guy Mollet et couvrant la toture en Algérie et la guerre coloniale, à la SFIO financée par les Anglo-saxons, ou à la FGDS s’alliant aux Communistes pour mieux les discréditer et les trahir... Ca n’est qu’une longue suite de coups tordus. Sans compter Mitterand et l’Union de la Gauche qui a plus fait de mal à la France et aux Forces révolutionnaires que tous les autres gouvernements de droite précédents.

    Et comme tu l’exprime si bien, c’est parce que CE NE SONT PAS DES SOCIALISTES, mais des Sociaux-Démocrates. Et encore pas les pires. Dans la même "Internationale socialiste" on pouvait il n’y a pas si longtemps comptabiliser des "Démocrates" tels que Napoléon DUARTE ou Duvalier "Bébé Doc", les boureaux du Salvador et de Haïti. Finalement on a eu de la chance !!!!

    L’ "erreur" du PCF, si c’est bien une "erreur" et pas "volontaire", c’est d’avoir cru et laissé croire qu’on pouvait pactiser avec la direction du PS et trouver un compromis. Sur la base du fait qu’une partie des ses électeurs font partie des classes exploitées. En faisant semblant d’ignorer que sa base n’a JAMAIS eu la moindre influence sur la direction du PS, sinon lorsqu’elle allait ou il voulait l’amener.

    Il est vrai que le simple fait d’imaginer que la "lutte de classe" s’arrête parce qu’on cesse d’en parler, et surtout de le diffuser comme un scoop ne me semble pas de nature à augmenter la crédibilité d’un Parti qui se prétends "révolutionnaire".
    Parce que la "lutte de classe", même si on n’en parle plus, pour ceux qui la subissent elle est toujours là. Et même je dirais qu’actuellement on entre dans une phase de "GUERRE de Classe", la classe possédante ne se contentant plus de compromis, mais pratiquant un véritable génocide social et global.

    La confrontation pacifique des idées a depuis quelques années été remplacée par une volonté de destruction littérale des classes productrices qui refusent de collaborer à leur propre exploitation. On est entré dans une phase COLONIALE au sein même de la Nation. Une phase d’exploitation et de coercition que jusque là le Capitalisme n’appliquait que dans ses différents dominions extérieurs.

    Le problème du PCF, (Enfin, de ses Directions successives), dont j’ai perso été militant durant 40 ans, c’est qu’il n’a pas été capable de précessionner ces événements, (Il aurait pourtant suffi de lire un peu plus Lénine ou Trotsky). Et que complètement déstabilisé par la chute de l’URSS, il a passé son temps à faire acte de contrition pour des événements ou il n’était pour rien, au lieu de passer à l’offensive idéologique et politique, hors et dans le Parti. Et c’est un peu normal, si on sait que dès les années 80 on cessait toute instruction politique et idéologique au sein de ce même Parti, (Fermeture des écoles élémentaires, fédérales et centrales du Parti), alors qu’on ouvrait grand les portes à tout un chacun, et surtout à des gens qui n’avait pratiquement aucune connaissance de ce qu’était le Marxisme et le Communisme, même s’ils avaient de la bonne volonté.

    J’ignore qui a été à l’initiative de cette énorme c...ie, même si je m’en doute un peu et si j’en prends ma part de responsabilité, mais comment veut-on que des cadres et des militants du Parti puissent faire face aux tentations réformistes, électoralistes pleines d’un angélisme béat et supports d’une alternative capitaliste aussi nocive que la droitière, s’ils n’ont pas un VRAI niveau politique révolutionnaire. Et qu’au niveau des directions on fait passer les stratégies électorales avant les intérêts même de ceux qu’on à vocation à défendre. Et qu’on n’a plus une vraie base combative et politisée.

    Les "socialistes" sociaux-démocrates, ont au moins l’avantage d’annoncer la couleur : Ils ne veulent pas changer la société ni le rapport capital/travail. Et le rôle des "vrais" Communistes" et des Antilibéraux c’est de dire et d’énoncer clairement qu’ils veulent le contraire, d’en fixer les buts et les moyens pour y parvenir.

    Alors, peut-être, les vrais "socialistes" égarés chez les "sociaux-démocrates", pourront venir avec nous sur une vraie base sincère.

    Pas avant.

    GL