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Les Bush, une dynastie guerrière

Publie le mardi 25 mars 2003 par Open-Publishing

La famille Bush est au cœur d’inavouables secrets qui mêlent le pétrole, les armements, la guerre. Un livre d’Éric Laurent relate l’histoire de ce clan et permet de faire le point sur les faces cachées de la guerre contre l’Irak.

Qui sont les Bush ? Quels intérêts se cachent derrière une dynastie qui ne porte pas son nom, mais qui existe bel et bien ? À quelques semaines peut-être de l’invasion de l’Irak, il est essentiel d’y voir clair, et le livre d’Éric Laurent, la Guerre des Bush, le permet enfin.

Dans la famille Bush, on commencera par l’arrière-grand-père de l’actuel Président, Samuel. Propriétaire d’aciéries au début du XXe siècle, il devient directeur de la Federal Reserve Bank de Cleveland, puis conseiller du Président républicain Herbert Hoover. Son fils Prescott, avant de jouer au golf avec Eisenhower et de devenir sénateur républicain du Connecticut (de 1952 à 1962), mène une fort belle carrière de banquier à Wall Street. Magnifique même : il sera vice-président de la plus grosse banque d’affaires américaine de l’époque, Harriman and Co.

Et quelles affaires ! Prescott Bush monte un partenariat avec le sidérurgiste allemand Thyssen, futur nazi militant. L’arrivée de Hitler au pouvoir n’y change rien : l’ami Prescott devient le directeur de l’Union Banking Corporation, où des cadres nazis siègent au conseil d’administration. Il faut attendre le 20 octobre 1942, après l’entrée en guerre des États-Unis, pour que l’administration Roosevelt fasse saisir les biens de la banque pour « commerce avec l’ennemi ». Prescott a peut-être fait mieux encore en siégeant au conseil d’administration de la Silesian-American Corporation, saisie, elle, le 8 novembre 1942 et qui faisait travailler dans ses mines de charbon et de zinc, en Pologne et en Allemagne, des prisonniers des camps de concentration.

Passons au père, George, qui à vingt ans - en 1944 - échappera de bien peu à la mort, son avion ayant été abattu par les Japonais au-dessus du Pacifique. Les banquiers aiment avoir deux fers au feu, parfois bien plus. George est un bon garçon, qui fera fortune dans le pétrole, aidé par papa. En 1953, il crée la Zapata Petroleum - dont le nom a été inspiré du film Viva Zapata !, ces gens ont de l’humour -, avant de se lancer dans la politique en 1962.

Malgré de nombreux échecs électoraux, George devient en 1976 le chef de la CIA, ce qui n’est pas si mal. Deux personnages, Dick Cheney - aujourd’hui vice-président - et Donald Rumsfeld - l’actuel ministre de la Défense - sont là, non à la CIA, mais à des postes significatifs de l’administration. Ce sont déjà des faucons, partisans de la force sur la scène internationale. George est un homme du secret. Quel rôle jouera- t-il dans l’extraordinaire histoire de la Banque de Crédit et de Commerce International, la si fameuse BCCI ? Rappelons que la BCCI entretenait un « réseau noir » d’environ 1 500 personnes spécialisé dans l’extorsion de fonds, le chantage, le kidnapping, le meurtre. En vingt années d’existence - elle ferme en 1991, laissant un trou d’environ 10 milliards d’euros -, la banque aura eu pour clients les principaux barons latino- américains de la drogue, le dictateur panaméen Manuel Noriega - agent par ailleurs de la CIA -, Marcos et Duvalier, Abou Nidal, le Ben Laden des années 1980, et peut-être même Ben Laden en personne, à l’époque très engagé dans la guerre en Afghanistan, sur fonds américains.

La BCCI a-t-elle été une création de la CIA ? Celle-ci s’est-elle contentée, ce qui est prouvé, d’utiliser ses distingués services pour mener ses guerres clandestines, notamment contre le Nicaragua sandiniste ? N’importe : George est un orfèvre de la dissimulation, de la désinformation, du rideau de fumée. Et notons ce petit détail : dès 1976, il vend plusieurs avions dont la CIA n’a plus l’usage à un certain Jim Bath, un agent de la CIA qu’il a lui-même recruté et qui possède en partie une compagnie de charters. L’autre propriétaire de la Skyways Aircarft Leasing, Khalid Ben Mahfouz, est un personnage clé du régime saoudien et deviendra une dizaine d’années plus tard - tant de fils, qui tous se croisent ! - actionnaire de la BCCI. Bath n’est pas seulement l’associé de Ben Mahfouz, mais aussi celui du clan familial Ben Laden, lequel est de longue date un fort puissant groupe industriel saoudien, pesant des milliards de dollars.

Il n’est que temps de parler de notre héros favori, W. En ce milieu des années 1970, disons le mot, c’est un raté. En 1978, il se prend une claque géante en se présentant au Congrès, et il boit. Heureusement, Jim Bath, l’ami de papa, est là. En 1979, W. rebondit en lançant une société pétrolière, Arbusto Energy, dans laquelle Bath prend 5 %. C’est le début d’une longue série de déconfitures. Arbusto perd beaucoup d’argent, ne trouve pratiquement pas de pétrole, change de nom, fusionne dans de renversantes conditions, pour être finalement racheté. À chaque étape, la société perd de l’argent, beaucoup d’argent, mais pas W., qui en gagne, beaucoup, à chaque étape. L’ombre de la BCCI plane sur ces menues péripéties. Cherchez l’erreur.

Les relations entre la famille Bush - George en l’occurrence - et l’Irak de Saddam ne commencent pas si mal. En 1982 - George est le vice-président de Reagan -, les États-Unis se lancent dans un soutien massif au régime de Bagdad. La guerre avec l’Iran khomeiniste, qui a débuté en 1980, tourne au désastre pour l’Irak, ce qui inquiète au plus haut point les Américains. On livre en secret du matériel militaire, dont des hélicos Bell, qui serviront à gazer - 5 000 morts - la population kurde de Halabaya en 1988. L’Irak n’est pas encore le mal, visiblement.

Pendant des années, George est au coeur des dispositifs de soutien à Saddam Hussein, qui passent par des prêts financiers massifs et souvent illégaux, comme le démontre le scandale de la Banca Nazionale del Lavoro (BNL), en 1989. Entre-temps, George est devenu Président et l’un de ses hommes-liges, Brent Scowcroft, est chef du Conseil national de sécurité. Ses liens avec la BCCI d’un côté et la BNL de l’autre sont avérés.

À ce moment clé - la fin de 1989 -, l’Irak, saigné par huit ans de guerre contre l’Iran, doit des dizaines de milliards de dollars à ses créanciers occidentaux, qu’il n’a aucune chance de pouvoir rembourser. Grisé par les extraordinaires moyens militaires octroyés par les États-Unis - et la France -, intoxiqué par des années d’une collaboration étroite, encore que cachée, avec Washington, Saddam a-t-il pu croire que Bush le laisserait attaquer le Koweït, et mettre ainsi la main sur son pétrole et l’accès aux eaux du Golfe persique ? La question est ouverte. On découvrira en tout cas en 1992, par une enquête officielle du Sénat américain, que de 1985 à 1989, au moins soixante et une livraisons de cultures biologiques, dont de l’anthrax - de l’anthrax ! -, ont été expédiées en Irak. Fournisseur : une société américaine installée près du laboratoire de Fort Detrick, sous contrôle de l’armée américaine.

On passera hélas sur quantité d’épisodes pourtant passionnants, comme la transformation de George, après l’élection de Bill Clinton, en VRP de l’entreprise Carlyle, sur fond de contrats d’armements, d’équipements industriels ou pétroliers et de rencontres avec la famille Ben Laden (1).

Lire la suite dans Politis n° 736

La Guerre des Bush, Éric Laurent, Plon, 18 euros.

(1) Voir à ce sujet l’enquête de François Missen dans Politis n° 722.