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A gauche, sans le PS

Publie le lundi 27 novembre 2006 par Open-Publishing
14 commentaires

de Philippe Corcuff maître de conférences de science politique à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Le succès de Ségolène Royal à l’investiture socialiste pour la présidentielle suscite une inflation rhétorique. Le lien, initié par les Lumières et fondateur de la gauche, entre raison critique et transformation sociale apparaît out dans la frénésie poitevine de marketing électoral. Les deux, Ségolas et Nicolène, font bien la paire ! Les sondages ont remplacé l’esprit critique, le look personnel le projet de société... On confond le populaire avec le démagogique. Dans l’entre-soi d’un univers socialement et intellectuellement homogène, deux teintes de gris légèrement distinctes font facilement office de polarités politiques.

Prendre de la distance vis-à-vis du versant gôche de cette grisaille néolibérale suppose de s’interroger sur l’état du PS l’ayant rendu possible.

C’est que nous permettent deux chercheurs en science politique, Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki, dans La société des socialistes - Le PS aujourd’hui (éditions du Croquant).

Professionnalisation politique et marginalisation des expériences populaires sont les deux logiques sociales analysées. Le poids grandissant des professionnels de la politique, au niveau national et surtout local, comme de leurs affidés (la multiplicité des postes générés par les collectivités locales), a contribué à structurer le PS autour de logiques de carrières, au détriment des considérations idéologiques.

Une désintellectualisation du débat politique a accompagné ce mouvement, ainsi que la prédominance d’“une certaine économie psychique du cynisme”. On pourrait dire de ces jeux politiques professionnalisés ce que Marx et Engels écrivaient de la bourgeoisie dans Le Manifeste communiste (1848) : “Frissons sacrés et pieuses ferveurs, enthousiasme chevaleresque, mélancolie béotienne, elle a noyé tout cela dans l’eau glaciale du calcul égoïste”. Dans le même temps, le recrutement social des “élites roses” s’est de plus en plus restreint aux couches supérieures et moyennes, alors qu’on assistait à un retrait des militants d’origine populaire.

Au sein de cette évolution, le profil de Ségolène Royal est assez conformiste. Contrairement aux énarques-militants des années 60-70, elle fait partie de ces hauts fonctionnaires qui ont directement accédé aux pouvoirs centraux : secrétariat général de l’Elysée, parachutage dans les Deux-Sèvres, fonctions ministérielles...La soi-disant “nouveauté” s’est fabriquée dans les pots usés de la politique politicienne à la sauce technocratique.

Prenant au sérieux la rénovation militante engagée à partir du Congrès d’Epinay de 1971, Lefebvre et Sawicki notent que “le regain militant et la vitalité organisationnelle des années 70 démontrent que les faiblesses du PS ne relèvent pas de la fatalité”. Les auteurs puisent dans le passé récent des ressources aptes à ouvrir un futur différent. Cela leur sert de repère critique contre la probabilité d’“un nouveau cycle de déceptions” appelé par le ségolénisme.

Mais peut-être que le lieu possible de la réinvention n’est plus ce PS sclérosé, mais la gauche altermondialiste et radicale émergente. Une gauche radicale qui donnerait un sens neuf au “réformisme révolutionnaire” de Jaurès et de Blum, dont le PS d’Epinay avait proposé une réélaboration originale. Toutefois règne actuellement une telle confusion des mots, extraits de leurs contextes historiques, qu’il apparaît difficile de l’apercevoir. Ainsi certains socialistes se disent “sociaux-démocrates”, alors qu’ils se révèlent sociaux-libéraux, et “réformistes”, alors qu’ils se contentent d’accompagner les contre-réformes néolibérales. La social-démocratie a connu au moins deux pôles depuis la Seconde Guerre mondiale : une branche réformatrice dans le cadre du capitalisme, s’efforçant de trouver des compromis sociaux plus favorables au travail par rapport au capital (cas suédois des années 60-70), et une branche “réformiste-révolutionnaire”, inscrivant des réformes structurelles dans une dynamique de sortie du capitalisme (dans le sillage de Jaurès et de Blum), qui apparaîtrait aux sociaux-libéraux actuels comme une démarche d’extraterrestres.

Malheureusement, la gauche radicale naissante peine à prendre son envol. Elle a du mal à croire en ses possibilités et à couper le cordon avec le PS tel qu’il est. C’est pourquoi la majorité de la LCR a raison de rester prudente face aux ambiguïtés de la direction du PCF qui aimerait garder un pied dans la relative survie électorale que lui garantit son alliance avec le PS. Olivier Besancenot se présente comme un des meilleurs candidats à même d’incarner l’alliance des formes classiques de la question sociale et de ses renouvellements (libertaires, écologistes, féministes, attentifs aux blessures de la reconnaissance personnelle comme aux discriminations post-coloniales, etc.). Et puis l’éthique de vie qu’il s’est donnée (en maintenant une activité salariée à la Poste) constitue un garde-fou face aux tropismes de la professionnalisation politique. Mais être révolutionnaire, ce n’est pas se contenter de cultiver un lexique “révolutionnaire”, c’est participer à transformer profondément et concrètement la société.

A quand une nouvelle organisation politique, radicale et pragmatique, dont Olivier Besancenot et Clémentine Autain pourraient être des figures emblématiques ? En attendant, bouchons-nous les oreilles face au tintamarre électoral et à ses désillusions probables, susceptibles d’ouvrir un boulevard à l’extrême-droite. Et, pour le second tour annoncé, laissons chaque électeur décider si les petites différences réelles entre Royal et Sarkozy sont suffisantes, sans consignes de vote.

* Dernier ouvrage paru : coordonnateur avec Alain Maillard du livre collectif Les socialismes français à l’épreuve du pouvoir (1830-1947) - Pour une critique mélancolique de la gauche (Textuel, 2006).

http://www.liberation.fr/rebonds/219009.FR.php

Messages

  • A quand une nouvelle organisation politique radicale et pragmatique ...
    Peut être que le long murmure des collectifs apporte une vision neuve des citoyens à la politique en montrant le peuple de l’interieur.Un long murmure peut s’élever d’une masse de gens jusqu’à là silencieux que les naturalistes les premiers avaient pensé à peindre mais un peu comme ils l’eussent fait pour les insectes ....
    Et voici que les insectes eux mêmes ont prit voix...sachant que parfois le maître est ignorant des réalités des insectes.

    Comment faire rentrer caliban qui est encore à la porte de la cité,sachant que les prosperos veillent ...

    Les passions de Prospero sont toutes spéculatives,celles de Caliban sont de vraies passions.

    Comment articuler les pensées de Prospero et les pensées en acte de Caliban dans ce mouvement naissant contre le liberalisme qui a pour forme l’hydre dont les têtes repoussent à mesure qu’on les coupe

  • Sans le PS mais avec le baron Rotschild puisque c’est dans son journal que Corcuff nous fait part de ses pensées aussi prétentieuses qu’insignifiantes !
    Sans le PS mais avec le Parti de la Presse et de l’Argent !

    Jips

    • Pourquoi le courant antilibéral ne s’adresse pas à la presse tenue par des riches ? on ne parle plus et on ne se montre plus sur libé, TF1, Canal, Itélé etc... ? Non franchement, ça c’est pas un argument, camarade...

    • Peut tu me rappeler qui est l’action aire qui est rentré dans le capital de l’huma, et qui sont les annonceurs qui empêchent le journal de disparaître.

      Soit sans crainte ce n’est pas une critique "anticommuniste" de l’huma, c’est simplement te faire remarquer combien il est injuste et ridicule de reprocher à un auteur dont on n’apprécie pas les propos (que je troue moi fort pertinents, mais la n’est pas la question) de s’exprimer dans Libé ou Le Monde.

      C’est bien pourquoi le retour dans un service public démocratique de tous les médias est absolument indispensable le plus tôt possible. A ma connaissance (mais cela a pu m’échapper) ceci n’est pas prévu dans les 125 propositions et il faudra bien sûr l’ajouter.

      Fraternellement Raymond LCR

    • tu ne veux tout de meme pas nationalise la presse et la controler camarade

  • "sans le ps mais avec le baron Rothschild" écrit Jips. Tout ça parce que c’est une tribune libre parue dans Libération. Mais quel commentaire grotesque ! Le jour où notre candidat passera sur TF1 ce sera "avec Le Lay" ? D’ailleurs, tiens, à propos de Liberation, y’a une excellente tribune libre aujourd’hui de JACQUES BIDET. (J’ai pas trouvé le lien mais ça vaut d’être lu).

  • et ben mon vieux Corcuff, tu fais exactement ce que tu accuses les autres de faire ! ta diatribe n’est vraiment pas interessante ,tes mots d’esprit sont complétement infra-politiques (ségolas et pimpronelle pendant que tu y est...)et si je prends le temps d’y répondre c’est que j’aimerais bien explorer tes raisons profondes : tu veux briller chez les gauchistes ? tu te prends pour Bourdieu (dont le jugement expéditif sur S. Royal fut en 1999 aussi inepte que ton verbiage en 2006) ? ou bien tu fais comme beaucoup de caciques du PS : une crise d’urticaire machiste ? ou bien ta mére ressemblait trop au coté un peu vieille france reproché à SR et t’as encore un contentieux avec elle(ta mére) ?je n’arrive pas à comprendre ce déni du droit à la parole d’autrui !

    j’espére que tu seras qd meme bien content d’avoir ,dans 5 mois, une autre issue que de répéter 2002 en 2007 et tu repenseras alors à tout ça avec un peu plus d’objectivité...tu remercieras peut-etre les plus de 100000 militants PS qui ont accepté de se mouiller un peu en laissant les invectives et les idées reçues aux beaux parleurs ! De plus je pense que des paroles aussi raides que les tiennes abusent et déséspérent un certain nombre de jeunes qu’on retrouve ds les comités AL, suite au 29/05 et aux luttes anti-CPE, mais ça ne les aide vraiment pas à se forger une pensée politique ; en tant que prof tu devrais aussi réfléchir à ça, et au retour de manivelle à redouter, via l’extreme droite, dans une génération si maltraitéé aujourd’hui.

    amicalement, jean-félix vial.

    • Un peu de lucidité, le PS est un parti de luttes de places et de clientélisme, c’est la raison pour laquelle se prépare une alliance avec l’UDF, on a déjà vu dans les années 80, Rocard trouver les votes de députés PC qui lui faisaient défaut à Droite ; le PCF n’a pas dit son dernier mot, car actuellement le vote Besancenot et Laguillier c’est l’assurance du Blairisme à la française.

  • Pourquoi sans le PS ?
    Le PS ne fait pas parti de la gauche.
    On ne dit pas "a gauche, sans l’UMP".
    C’est comme la gauche de la gauche, cette sémantique me fait rire (jaune).

    • Il y a quelques années, un historien avait tracé trois familles politiques, la droite, la gauche et les révolutionnaires, ceux qui ne s’inscrivaient pas dans une perspective de travail au sein du systéme capitaliste, mais dans une perspective de renversement total et brutal, en un mot une Révolution, avec le modèle bolchevik comme horizon. Il semble que cette dernière famille soit devenue non seulement illisible mais, contre-révolution idéologique oblige, criminalisée y compris au sein de larges pans de ceux qui se disent d’extreme gauche ou pire, altermachin chose ou antilibéraux style ATTAC (attaquer le Capital et l’Etat ? allons, ne leur faisons pas peur !)
      La construction d’un parti révolutionnaire doit aussi s’occuper du poids des mots, car c’est avec le Verbe qu’on convainc les masses, et après c’est avec ces mêmes masses, armées, qu’on engage le combat. Alors, ces chamailleries de chaisières sur Oh ! oui ! Autain !!! Oh ! Non ! Bové ! Ah ! Besancenot ! et tutti quanti, c’est meme pas risible, c’est juste du pipi de chat pour les plateaux TV que tous affectionnent. Vive les Enragés !