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La révolte hongroise n’a pas été écrasée par le communisme

Publie le samedi 2 décembre 2006 par Open-Publishing
9 commentaires

traduit de l’italien par karl&rosa

Un appel au président du parlement européen qui se réfère à la résolution approuvée concernant le 50ème anniversaire de la révolution de 1956 en Hongrie

Cher directeur

Nous t’envoyons cet appel, que nous avons fait parvenir au Parlement européen et aux Présidents des différents groupes parlementaires. Nous rappelons aux lecteurs que le Parlement européen a rejeté à la majorité l’amendement suivant au Paragraphe 3 présenté par Roberto Musacchio au nom du groupe GUE-NGL : "Le Parlement européen condamne toutes les restrictions apportées aux libertés fondamentales et à la démocratie et les authentiques tragédies qui ont été commises au nom du communisme : il estime en même temps que le communisme a été et reste un mouvement réel où se retrouvent des aspirations à la justice, à l’équité et à la liberté". Salutations

Giorgio Baratta et Giuseppe Prestipino

La résolution approuvée par le Parlement européen le 24 octobre 2006 « concernant le cinquantième anniversaire de la révolution hongroise de 1956 et sa signification historique pour l’Europe souligne au Paragraphe 3 « que la communauté démocratique doit rejeter sans équivoques l’idéologie communiste répressive et antidémocratique et défendre les principes de liberté, de démocratie, des droits humains et de l’Etat de droit et prendre clairement position chaque fois qu’ils sont violés ». Au contraire, un amendement condamnant toutes les iniquités commises au nom du communisme, mais incompatibles en vérité avec ce mouvement en tant qu’aspiration à la justice et à la liberté, a été rejeté.

Les auteurs de ce document s’unissent à la condamnation de toute action répressive visant à imposer un ordre autoritaire de marque impérialiste suffoquant l’expression de besoins, d’aspirations, de conceptions qui fermentent sans cesse dans la société civile. Nous savons que la distorsion stalinienne du communisme a entraîné, à large échelle, des actions répressives qui ont compromis, dans la conscience de millions et millions de femmes et d’hommes la valeur d’une idée : la construction d’un sens commun ou communiste à travers lequel édifier de nouvelles formes de vie associée et de participation civile. C’est pourquoi nous estimons que les parlementaires européens, qui ont exprimé un jugement sommaire sur le communisme, s’exposent ou bien au suspect d’une carence de formation culturelle ou bien d’un assentiment larvé opportuniste.

C’est une carence culturelle inquiétante que celle d’ignorer un long itinéraire qui est de l’histoire parce que c’est de la pensée élevée, dont les sommets s’appellent (pour ne citer que quelques noms) le Platon champion d’un monde immatériel et de valeurs idéales culminantes dans le Bien et la Justice, le Thomas Moore sanctifié par l’Eglise catholique même pour son utopie égalitaire, un Karl Marx invoquant la liberté de chacun comme condition pour la liberté de tous et que l’opinion commune de notre temps reconnaît aussi comme un grand maître de l’humanité, un Antonio Gramsci, dont la pensée peut se résumer dans le concept de l’histoire, toute l’histoire, comme aspiration de liberté et qui est le penseur italien, après Dante, le plus étudié et le plus traduit dans tous les continents. La civilisation européenne veut-elle donc couper une de ses racines historiques ? Et ceux qui, de leurs chaires, livrent aux jeunes savants ou étudiants la leçon de ces ouvrages classiques doivent-ils, au contraire, les bannir, en oubliant cette autre racine qui est l’Illuminisme ?

Dans l’histoire du XX siècle, tandis que la lutte contre le fascisme (dans lequel l’idéologie totalitaire et la répression politico policière coïncidaient pleinement et sous n’importe quel profil) a été la prémisse nécessaire pour reconquérir la démocratie, l’anticommunisme virulent a, au contraire, précédé de partout, en Europe comme aux Amériques, l’avènement du fascisme. A qui cela sert-il, donc, de rebaptiser sous le signe de l’anticommunisme la révolte hongroise, si même la motion du Parlement européen, au point F des prémisses, en se contredisant, rend « hommage au courage humain et politique de Imre Nagy, le premier ministre communiste réformateur de la Hongrie » et si ce mouvement fut activement soutenu par le grand penseur communiste György Lukacs ? Si le Printemps de Prague aussi fut salué et dirigé par le dirigeant communiste, aussi généreux, Alexander Dubcek ? Et les si nombreux communistes persécutés ou fusillés (comme ils auraient été persécutés et fusillés par l’ « idéologie communiste ») devrons-nous aussi les considérer comme des ennemis du communisme, comme les jugeait Staline ?

Mais, disions-nous, d’autres qui dénient le communisme en absolu pourraient s’exposer au soupçon, dirait Gramsci, de transformisme, même si inconscient, si le fait qu’ils secondent les ignares et les intolérants était dicté par de la mauvaise conscience ou par le besoin de faire perdre les traces de leur passé ; si c’était le cas, ils n’auraient pas à avoir honte de leur passé, mais de leur misère présente.

Le jugement sur les actions liberticides comme la répression de la Hongrie de 1956 ne peut et ne doit pas être contextuellement mitigé, même pas en mettant en avant d’autres fautes d’autres sujets et d’autres temps. Mais, avouons-le, cela nous consolerait de savoir que, dans d’autres circonstances ou dans d’autres endroits, d’importants représentants des peuples et des traditions européennes sont plus disposés à reconnaître les limites, passées et présentes, des politiques pratiquées et prêchées par le dit monde opulent. Des voix malignes pourraient insinuer que le mur de Berlin a fait école sur la ligne de frontière qui sépare le Mexique de son plus puissant voisin ou sur la terre palestinienne où les trois grandes religions monothéistes devraient se rencontrer, non pas s’affronter. Mais le mur idéologique (sûrement incompatible avec les principes classiques de liberté et avec les maximes chrétiennes de la charité et de l’accueil, elles aussi racine profonde de la civilisation européenne), ce mur qui rend égaux à une immense multitude de presque parias, à l’échelle mondiale et même à l’intérieur des nations occidentales, ceux qui sont structurellement exclus du marché, du travail et même de la nourriture quotidienne est peut-être encore plus inquiétant.

Etienne Balibar, philosophe, Université La Sorbonne, Paris
Giorgio Baratta, Presidente della International Gramsci Society-Italia, Università di Napoli “L’Orientale”
Jacques Bidet, philosophe, Directeur dela revue “Actuel Marx”,Paris
Derek Boothman, Professore di Traduzione, Università di Bologna
Giuseppe Cacciatore, Direttore del Dipartimento di Filosofia, Università Federico II,Napoli
Carlos Nelson Coutinho, Profess. Univers. Federal Rio de Janeiro
Patrizio Esposito, fotografo e artista grafico
Dario Fo, Premio Nobel per la Letteratura
Rada Ivekovic,Professeur université, Paris
Guido Liguori, Università di Calabria e dirigente International Gramsci Society-Italia
Marina Paladini Musitelli, Professoressa di Letteratura Italiana, Università di Trieste
Alessandro Portelli, Professore nell’Università di Roma La Sapienza
 
Giuseppe Prestipino, Università di Siena, Presidente onorario del Centro per la Filosofia Italiana
Franca Rame, attrice, eletta nel Senato della Repubblica Italiana
Annamaria Rivera, Professore di Etnologia, Università di Bari
Rossana Rossanda, scrittrice e giornalista
Edoardo Sanguineti, poeta, critico, Professore nell’Università di Genova
Silvano Tagliagambe, Professore nell’Università di Sassari
André Tosel, Professeur de Philosophie, Université de Nice
Mario Tronti, Università di Siena, Presidente del Centro per la Riforma dello Stato
Pasquale Voza, Università di Bari, Presidente del Centro Interuniversitario per gli Studi Gramsciani

http://www.liberazione.it/giornale/061201/default.asp

Messages

  • BRAVO !

    Vous ne mettez pas un point final à cette souffrance que nous portons d’avoir subi la profanation de notre idéal de fraternité. Mais en empêchant la récupération par les ennemis de la fraternité, vous nous permettez de continuer à chercher la justice pour tous.

    NOSE

  • J’ai lu (je me rappelle plus où) qu’en Estonie, une loi à été votée pour rendre passible d’emprisonnement toute manifestation comportement des drapeaux ou signes évoquant le Fascisme ET le Communisme.

    Cela signifie donc interdiction totale du drapeau rouge avec faucille et marteau.
    Depuis 1989 , et même avant, nombreux sont ceux qui considèrent que le Fascime et le Communisme ont été les deux côtés d’un même visage totalitaire.

    Cela pose effectivement un vrai problème, car même si effectivement, le régime Stalinien, puis le régime Maoiste, et aujourd’hui encore le régime Nord-Coréen sont d’authentiques dictatures, la différence est que ces régimes sont considérés aussi par la majorité des communistes comme des échecs, des détournements de l’aspiration initial du projet communiste.

    Il y a une grosse différence quand même, c’est qu’à ma connaissance (ceux qui sont spécialistes pourront me contredire et apporter de la qualité au débat), aucun régime communiste n’a été mis à bas militairement.
    On peut évoquer l’exception de l’espagne en 1936, mais l’écrasement des républicains a été l’oeuvre , aidée de l’extérieur, du régime intérieur Franquiste.
    Au chili, c’est un coup d’état intérieur qui renversa le régime socialiste.

    Le Nazisme en Allemagne et le Fascisme en Italie ont chutés militairement par une invasion militaire.

    En fait, cela ne fait pas beaucoup de doute qu’il est beaucoup plus simple de renverser un régime qui se base ou prétend se baser sur le modèle communiste, car c’est un idéal de liberté populaire dont il est facile de critiquer les failles.

    En revanche, les dictatures fascistes sont plus solides car elles ne garantissent à la population que l’exaltation d’appartenir à une nation forte guidée par un chef tout puissant.

    Pourquoi les U.S.A. et l’Europe ont toujours été plus obsédés par le danger totalitaire communiste que par le danger totalitaire fasciste ?
    Sans doute parce que le fascisme ne remet absolument pas en cause la soumission absolue au pouvoir en place, bien au contraire, elle considère cette soumission absolue comme la garantie de sa stabilité, permettant de rendre éternel le régime.

    La seule notion d’anticapitalisme n’explique pas entièrement cette haine ciblée sur le communisme.
    Le Nazisme, initialement, était solidement anti-capitaliste, même si cela a été progressivement remplacé par l’antisémitisme.
    En fait, au delà de son application souvent ratée et injuste, la pensée communiste porte en elle les germes d’un défi permanent à l’arbitraire de l’autorité.

    Et contrairement au fascisme qui grandit naturellement au fur et à mesure qu’il réduit au silence ses opposants, le communisme meurt par suicide lorsqu’il commence à se renier en éliminant dans ses propres rangs ceux qui s’acharnent à continuer à défendre cet idéal anti-autoritaire.

    jyd.

    • Cher jyd , le nazisme n’a jamais été anticapitaliste puisqu’il a été mis au pouvoir prècisement pour sauvegarder le capitalisme ; les fascistes ont constitué les troupes de choc de la bourgeoisie réactionnaire mais ont usé d’un verbiage pseudo-révolutionnaire pour tromper les masses

      Le parallélisme Staline/ Hitler a toujours été utilisé pour diaboliser le premier et pour mieux excuser le second ; combien de fois n’a t-on pas entendu que si les industriels allemands ( et autres) avaient soutenu Hitler , c’était pour conter " la menace bolchévique" ?

    • La révolte hongroise avait un potentiel communiste, et elle a été écrasée par le stalinisme qui est un courant criminel violemment anti-communiste (sur les événements de 1956 : http://egalite.over-blog.org/article-4167004.html ).

    • Citation :

      Et contrairement au fascisme qui grandit naturellement au fur et à mesure qu’il réduit au silence ses opposants, le communisme meurt par suicide lorsqu’il commence à se renier en éliminant dans ses propres rangs ceux qui s’acharnent à continuer à défendre cet idéal anti-autoritaire.

      Je ne dirais qu’un seul mot : Bravo !!! Analyse sémantique très proche de la réalité.

      Mais ne pas oublier que ça ne s’applique pas qu’à la Hongrie. Peut-être le PCf pourrait-il y réfléchir. Ca pourrait aider à règler pas mal de problèmes actuels.

      Pour Staline pas de doutes, Lénine avait déja lancé un cri d’alarme. Pour la Corée du Nord, la "démocratie" après des décennies de blocus je crois pas trop à ses possibilités de réalité, (En guerre, la démocratie à la sauce libérale c’est perdre la guerre... Et ça peut dans une moindre mesure s’appliquer à Cuba, bien que je voue un soutien inconditionnel à ce pays admirable),

      La Chine, malgré le Mythe de "La Longue marche", n’a jamais été Communiste, (Au sens marxiste du terme), dans ses applications économiques ou sociales, mais "collectiviste" au profit de quelques mandarins, (Mao Dzedong a été formé dans une université/émanation de l’Université de Yale à Pékin avec ce que ça implique dans le raisonnement).

      On pourrait parler aussi des "Kmers rouges Communistes" au Cambodge, mais Brezjinsky serait mieux placé que moi pour le faire, étant un de ceux qui les a mis en selle avec la complicité des Chinois et de G. Bush senior, alors Ambassadeur de l’ONU à Pékin.

      Alors les in/signes, les identifications, on s’en fout. Ce qui compte vraiment c’est le BUT, la manière de l’atteindre, pour QUI, et en compagnie de QUI. Sans porter atteinte à l’éthique humaniste et VRAIMENT communiste.

      Comme disait Korzybsky, "la carte n’est pas le territoire", et le "nom", n’est, hélas, pas l’objet ni le concept. On a fini par s’en apercevoir... Un peu tard.

      Vous remarquerez qu je n’ai, volontairement, pas cité Marx. Mais un de ses brillants émules usaméricain dialecticien "honteux". LOL :)

      Ca reste à prendre en compte et à appliquer au réel. En France ?... Peut-être ?

      GL.

    • Le parlement européen n’a pas encore condamné l’accession au trône de JUAN CARLOS en Espagne, intronisé par FRANCO, le Dictateur qui par un coup d’État militaire a assassiné la RÉPUBLIQUE issue d’élections démocratiques en 1936, ni condamné l’exil forcé de 2 millions d’Espagnols, les exécutions sommaires de dizaines de milliers de Républicains et souvent de familles entières, le pillage la mise à sac de villes et villages, l’assassinat et le viol de femmes par la légion, les bombardements sur des cibles civiles de l’aviation nazie allemande et fascistes italiens etc... Décidément, cette Europe n’est pas la mienne...

    • Le stalinisme est un aspect du communisme, tout le monde le sait, son développement s’explique par les conditions historiques de la période déterminée par la guerre de 1914 et ses conséquences. Le stalinisme est en fait l’application résolue de la dictature du prolétariat, et révèle le caractère érroné (et non "criminel" ce qui ne signifie rien dans ce contexte) de ce concept. Vouloir d’un coté imaginer un communisme "pur" de toute erreur et de toute violence est aussi vain que vouloir placer un signe d’égalité entre communisme et fascisme. Le communisme est une expérience historique qui devait être tentée. Et je lève mon verre à la mémoire de tous les communistes, sans exception, qui ont participé réellement à l’histoire.

      Gilles

    • Et voilà : tant qu’on ne se sera pas débarrassé de décennies de mensonges staliniens, on aura encore des messages surréalistes comme celui-là !
      Staline a développé une forme de capitalisme fortement étatisé, allié avec un exercice individuel du pouvoir absolu. Soit l’antithèse absolue du communisme.

  • Couac !

    C’est vrai tout ce qui est dit plus haut, C’est aussi vrai que pendant 50 ans, 2 gènèrations, des règimes qui s’autoproclamaient, mais aussi qui sont nès de l’ideal comuniste, ont accouchés d’horreurs.

    La bataille se fait toujours sur le mot, entre l’ideal, et l’application au rèel de cet ideal en dehors de la dèmocratie.

    Pragmatiquement et pour faire de la politique qui ait un sens pour le Peuple en entier ; ne conviendrait-il pas de replacer le dèbat sur le plan de la dèmocratie, pour revaloriser les idèaux ?
    Et de là ècarter toujours et encore toujours, tout ce qui devient totalitaire !

    Peutetre que l’attache sentimentale à un mot, vaudrait une reflexion sur la dèmocratie, et ce qu’il faut que je change dans le sens de ce mot pour que ses significations deviennent dèmocratiques, non dans l’absolu, mais dans la realité ?

    Hirondelle