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Droit de grève, la loi 146 ne fait plus peur. Elle doit être mise en discussion

Publie le mardi 13 janvier 2004 par Open-Publishing

Droit de grève, la loi 146 ne fait plus peur. Elle doit être mise en discussion

Une bataille nécessaire, à côté de celle pour la représentativité et le vote
sur les contrats.

Tous ceux qui en Italie ont à cœur le sort du mouvement syndical devraient remercier
les travailleurs des transports. Leur lutte est tout sauf corporatiste, elle
reflète - au contraire - une situation générale, actuelle et future.

Les évènements de cette lutte reflètent l’échec de la stratégie syndicale de
Cgil, Cisl et Uil (les trois grandes centrales syndicales italiennes : N.d.T.)
centrée sur la concertation et la politique des revenus de 1993. Une stratégie
qui a comporté l’éloignement progressif des bureaucraties syndicales des travailleurs,
qui a transformé le conflit et la participation de ressource indispensable en "problème" à résoudre.

Les étapes qui marquent l’histoire du syndicalisme de base le disent depuis longtemps
et plus récemment l’expérience Fiom (syndicat des métallos Cgil qui a refusé sa
signature au bas du dernier contrat national de catégorie, signé par Cisl et
Uil : N.d.T.) l’a souligné aussi. Mais c’est la lutte des traminots et des travailleurs
de Alitalia qui a fait émerger la question démocratique dans sa dimension explosive.

Le 20 décembre, les organisations Cgil, Cisl, Uil, Cisal et Ugl des traminots
signent une entente qui s’éloigne des revendications et de la récupération du
salaire perdu, en excluant de la table des négociations les syndicats de base
et surtout sans aucune consultation des travailleurs en grève. Le jour suivant,
toute une catégorie se met en grève contre cet accord. Un fait sans précédent,
témoin d’une situation qui a désormais atteint sa limite, concevable seulement
dans un cadre d’absence totale de démocratie syndicale.

Mais la lutte des traminots et de Alitalia a fait émerger une deuxième donnée,
le plus souvent simplement ignorée dans les dernières années, à savoir qu’en
Italie, il n’y a pas seulement un problème de démocratie syndicale, mais aussi
de libertés syndicales, spécialement en ce qui concerne le droit de grève.

Nous avons assisté ces dernières années à une croissante offensive politique
et culturelle visant à délégitimer l’instrument de la grève, parfois même secondée
par les organisations syndicales majoritaires. Le cas des services publics et
des transports est sûrement le plus éclatant, parce qu’il a conduit à la définition
d’une loi ad hoc avec l’objectif de "réglementer" l’exercice de la grève. Cette
loi, la loi 146, en partant du présupposé de la protection des droits du citoyen-usager,
esquisse un système de règles complexe qui transforme de facto la grève en une
illégitimité latente et sa proclamation en un chemin de croix procédural et toujours
menacé par l’épée de Damoclès de la "Commission de garantie", organisme aux compétences élastiques
et aux pouvoirs excessifs.

Faut-il s’étonner si les grèves faites en respectant ces règles deviennent souvent
inoffensives et donc inefficaces ? En fait, plus de dix grèves nationales du
transport local, appelées par les confédérations ou par des syndicats de base
ont laissé les entreprises et le gouvernement absolument indifférents. C’est
seulement en cassant les "règles" que les traminots aussi bien que les travailleurs
du groupe Alitalia ont réussi à se faire entendre et se sont donné la possibilité d’obtenir
quelque chose.

En agissant ainsi les travailleurs n’ont pas seulement couru le risque de sanctions
mais ils ont surtout cassé un tabou politique et syndical. Ce qui est arrivé au
lendemain de la première grève "sauvage", celle de Milan du 1er décembre, est
symbolique. Des menaces escomptées de la part du centre droit mais aussi une
vague de condamnations et d’invocations au "respect des règles" de la part du
centre gauche et de Cgil, Cisl et Uil.

En somme, jusqu’à décembre, les syndicats de base étaient seuls à contester la
loi 146 et maintenant s’est peut-être ouverte une possibilité de réflexion plus
large. Non seulement parce que le gouvernement a annoncé la volonté de limiter
davantage le droit de grève dans les services publics mais surtout parce que
la lutte des traminots a mis en évidence par les faits que ces "règles" ne sont
pas impartiales et qu’elles peuvent être cassées.

Il semble aujourd’hui tout à fait insuffisant de se limiter à se poser le problème
d’éviter d’autres empirements de la loi 146 et de nouvelles normes anti-grève
dans d’autres catégories, un chantier que le ministre des Affaires Sociales Maroni
avait ouvert depuis longtemps dans son "livre blanc". Il faut au contraire mettre
en discussion la loi telle qu’elle est et se battre pour une construction normative
respectueuse des libertés syndicales et du droit de grève, en tant que part d’une
bataille plus large pour une démocratie syndicale, comprenant une loi sur la
représentativité démocratique et l’obligation du vote contraignant des travailleurs
sur les contrats.

Après les grèves des traminots et de Alitalia, faire sérieusement cette bataille
est peut-être un peu plus facile. Sûrement, elle est plus que jamais nécessaire
parce que sans participation et conflit d’en bas, Il n’y aura jamais un nouveau
syndicalisme capable de jeter à la mer l’échec de la concertation. Et, enfin,
c’est une bataille qui devrait intéresser beaucoup de monde, sur le plan syndical,
sur le plan social et politique.

Luciano Muhlbauer - Secrétariat National SinCobas

Vincenzo Siniscalchi - Président Sult

Aurelio Speranza - Coordinateur National Cnl

(Traduction de M.c. et G.R.)

12.01.2004
Collectif Bellaciao