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Pourquoi les USA ont-ils besoin d’une guerre ?

Publie le vendredi 28 mars 2003 par Open-Publishing

Pourquoi les USA ont-ils besoin d’une guerre ?

Les raisons invoquées par les USA pour justifier une guerre contre l’Irak, ne trompent guère de monde. Elles ont pour but principal de convaincre leur opinion intérieure. Le régime irakien a pu être une menace pour ses voisins ; mais jamais pour les USA. L’argument de la promotion de la démocratie est de la même veine, bien qu’il soit très porteur aux USA où l’idéologie dominante fait de leur régime un exemple à suivre pour le monde entier. La liste des régimes réactionnaires qui ont dû leur survie, contre leur peuple, au soutien des USA serait trop longue à établir ici. Il est facile de comprendre que le pétrole est le mobile réel de la guerre en préparation. Mais par le contrôle du pétrole irakien, les USA visent celui du marché mondial et le maintien de leur hégémonie contre leurs concurrents actuels et futurs. La guerre en Irak est une guerre pour l’hégémonie.

Les USA n’ont pas d’alliés, ils n’ont que des intérêts.

Pour comprendre les ressorts de la politique impérialiste des USA, il n’y a qu’à lire les déclarations de leurs dirigeants depuis plus de deux siècles.

Madeleine Albright, affirmait en 1999, que l’objectif des USA était « de continuer à façonner un système économique global qui travaille pour l’Amérique ». Pour cela, comme l’affirmait un rapport de la Présidence des USA en 1999, les Etats-Unis « doivent être prêts à utiliser tous les instruments de pouvoir appropriés pour influencer les actions des autres états ». A propos de l’intervention au Kosovo, le Général Clark (ancien commandant de l’opération Allied Force) rappelait que le « Pentagone [prenait] ses décisions en fonction des intérêts américains, des seuls intérêts américains ».

Déjà dès la fin du XVIIIe siècle, G. Washington, premier président des USA pensait que l’on « doit compter sur une nation que dans la limite de ses intérêts ». Et pour Rumsfeld, ministre actuel des armées, le rôle de celles-ci est de « protéger et de promouvoir les intérêts nationaux américains ».

Nous sommes loin de la défense des valeurs de démocratie et de liberté… Pas tant que cela en fait, car dans l’idéologie des USA, le bonheur et les intérêts de l’humanité et ceux des USA ne font qu’un. Pour le Président Wilson (en 1920) « le drapeau de l’Amérique est non seulement le sein, mais également celui de l’Humanité […]. L’Amérique a été créée pour montrer le chemin aux nations du monde, afin qu’elles puissent marcher dans les pas de la liberté ».

Une guerre pour le maintien de leur hégémonie mondiale ?

En écrivant « pour le maintien », nous supposons que cette hégémonie est menacée. Bien sûr, les USA sont aujourd’hui une puissance sans rival en terme de puissance économique et surtout militaire. Mais cet état ne saurait être éternel. La Grande Bretagne qui était l’impérialisme dominant du début du XXe siècle a été supplantée par les USA. Aujourd’hui, l’Europe qui est une puissance économique de rang presque égal, et la Chine dont le capitalisme s’accroît à un rythme trois fois plus rapide que la croissance mondiale, sont des concurrents sérieux de l’Amérique. Les USA qui représentaient, il y a 50 ans, 45 % de la production mondiale n’en représentent plus que 30 % aujourd’hui. A cette époque, les USA étaient autosuffisants en matières premières, en pétrole en particulier, maintenant ce n’est plus le cas. Ils doivent importer 55 % du pétrole qu’ils consomment.

Les trois enjeux de la guerre dans le renforcement de la domination des USA :

Le premier est économique. Le maintien de cette domination suppose la maîtrise des ressources dont dépend l’économie américaine, et que maintenant les USA doivent importer. La sécurisation des ressources suppose une présence militaire mondiale, par l’établissement de bases militaires, le renforcement de régimes alliés. « Nos intérêts économiques et de sécurité sont étroitement liés ; la prospérité de la nation dépend de la stabilité dans les régions clefs » (National Security Strategy - Déc. 1999). Par ce contrôle, les Etats-Unis ont aussi la main sur les ressources dont leurs concurrents sont encore plus dépendants. L’Europe, la Chine, le Japon sont très fortement importateurs de pétrole du Moyen Orient, et seraient affaiblis par une mainmise américaine renforcée sur cette région.

Le deuxième enjeu est que ce contrôle des approvisionnements n’est pas possible sans une domination militaire incontestée. Pour cela les USA investissent massivement dans l’armement (3 fois plus que l’Europe par habitant). Ils doivent impérativement maintenir cet écart entre eux et leurs concurrents économiques, pour les dissuader de rivaliser avec eux en s’engageant dans la course aux armements. Ainsi dominants, ils peuvent s’imposer comme gendarme mondial, rôle dont ils se revendiquent dans la guerre contre l’Irak. Ce rôle de gendarme ne peut se justifier que si l’ordre mondial est menacé. D’où la désignation depuis 1998 « d’états voyous » menaçants qu’il s’agit de remettre au pas. Ce que seule la force armée US serait capable de faire.

Par cette guerre enfin, les USA accentuent les divisions du bloc européen qui vient tout juste de s’élargir. Les divisons politiques de l’Europe l’empêche de se constituer en véritable pôle impérialiste concurrent sur le plan politique et donc militaire.

Un enjeu pétrolier qui va bien au delà du contrôle du pétrole irakien

Les USA ne sont pas menacés dans leurs approvisionnements à court terme. La moitié du pétrole échangé par l’Irak sous le contrôle de l’ONU est consommé par les USA. Aujourd’hui, les USA ne couvrent avec le Moyen Orient que 25 % de leurs besoins. Mais dans le futur, ils vont être toujours plus dépendants de cette région du monde, comme l’Europe et la Chine. Il est stratégique pour eux d’avoir le « meilleur accès possible aux richesses pétrolières du Golfe Arabo-persique ». Cette ambition s’inscrit dans une stratégie de contrôle du marché mondial pétrolier. Ils doivent pour cela diversifier leurs sources d’approvisionnement, et maîtriser les cours. Les USA ont pour cela déjà pénétré la région de la Caspienne au sud de l’ancienne URSS. Ils ont établi deux bases militaires dans le Golfe de Guinée, principale zone pétrolière de l’Afrique. En mettant la main sur l’Irak, dont les réserves sont immenses, ils espèrent briser la suprématie pétrolière de l’Arabie Saoudite, et à terme faire éclater l’OPEP.

Les coûts d’extraction en Irak étant les plus bas du monde, un développement de la production irakienne, sous contrôle américain, permettra d’influencer fortement les cours mondiaux du pétrole. Avec l’arme du pétrole irakien, les USA peuvent contrer les ambitions de la Russie, troisième puissance pétrolière, dont les coûts d’exploitation sont très supérieurs à ceux de l’Irak. Ils vont aussi marginaliser les Européens et les Russes qui avaient négocié des concessions en Irak ; mais n’avaient pas pu les signer du fait de l’embargo.

Pourquoi la bourgeoisie et le gouvernement français s’opposent-ils à la guerre ?

Toutes les raisons qui expliquent pourquoi les USA veulent cette guerre, expliquent de la même façon pourquoi les Russes, la Chine, la France s’y opposent. Un contrôle accru du marché pétrolier et de cette région du monde par les USA est une menace pour leurs intérêts de grandes puissances impérialistes, qui s’en trouveront affaiblis.

La France en particulier écoule dans les pays du Golfe 40 % des ventes d’armes qu’elle réalise à l’exportation. Ses contacts avec l’Irak ont toujours été fructueux. TotalFina y avait négocié la concession de deux gisements, qui auraient doublé les réserves de la compagnie. Ce contrat n’a pu être signé du fait de l’embargo, mais il est sûr qu’après la guerre, ces gisements iront à des sociétés américaines. Les raisons qui poussent la bourgeoisie française à batailler contre les USA n’ont rien à voir avec l’intérêt du peuple irakien. C’est la défense d’intérêts bien compris.

La bourgeoisie française n’utilisera sûrement pas son droit de veto à l’ONU. Les USA sont décidés à faire la guerre. Et la bourgeoisie française ne peut pas se permettre de se faire évincer de la région, en s’opposant jusqu’au bout aux USA. En n’usant pas de son droit de veto, elle pourra toujours marchander avec les USA les conditions de son maintien dans la région.

La guerre contre l’Irak : une guerre « mondiale » ?

Le peuple irakien va faire à nouveau les frais d’enjeux dans lesquels il ne compte pas. Le régime de Saddam Hussein a rendu bien des services à l’impérialisme, d’abord dans la chasse aux communistes, ensuite dans la guerre contre l’Iran. Il va en rendre un dernier : celui de lui fournir le prétexte à une guerre dont les enjeux ne sont en rien régionaux. Quoi que puisse faire Saddam Hussein, les USA sont décidés à le frapper, non pas pour établir la démocratie en Irak, mais pour asseoir leur domination sur une zone mondialement stratégique. L’Arabie Saoudite n’est plus assez fiable pour eux, et son poids pétrolier trop fort. L’Iran post-islamique pourrait être aussi une puissance régionale et pétrolière qu’il faut pouvoir contrôler, et il sera sans aucun doute la cible prochaine des USA.

Ce ne sont pas les quelques missiles El Samoun qui sont le mobile de cette guerre, mais la nécessité de faire face aux vrais dangers qui menacent les USA : la montée en puissance de l’Europe et de la Chine. En contrôlant le pétrole dont ces pays sont dépendants, ils pourront contrarier leurs ambitions impérialistes. En faisant étalage de leur puissance militaire contre des « états voyous », ils veulent faire comprendre qu’il ne sert à rien de chercher à s’armer pour les concurrencer dans leur contrôle du monde. En exploitant les divisions de l’Europe élargie, ils démontrent que ce n’est pas demain la veille que l’Union Européenne sera une puissance impérialiste unie politiquement et capable de contrer les USA dans tous les domaines.
G. Fabre

Extrait du journal PARTISAN n°175 de Mars 2003

Au sommaire vous pourrez trouver également :
*8 Mars : plus forte ensemble
*Patrons : tous des voyous !
*Le capitalisme c’est la guerre
*Saddam Hussein, anti-impérialiste ?
*Côte d’Ivoire : la face cachée du conflit
Et encore : lettre d’une prisonnière politique ; Manif à Islamabad ; L’ennemi c’est l’impérialisme ; Saturnisme infantile ; Congrès CGT ; Népal ;…

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