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Une monteuse de France 3 se jette dans le vide

Publie le mercredi 21 janvier 2004 par Open-Publishing

Une employée de France 3 s’est défenestrée sur son lieu de travail.

L’autre samedi, 12 h 30 : la station France 3 Île-de-France est calme en ce
début de week-end, les équipes de reportage sont sur le terrain et le
personnel technique n’est pas encore rentré de sa pause déjeuner. Une
employée demande au gardien la clé de la salle de repos, au cinquième étage
du bâtiment. D’où elle s’est jetée pour mettre fin à ses jours. À l’heure où
nous mettons sous presse, les médecins réservaient encore leur pronostic. La
station, elle, est encore sous le choc du geste désespéré de cette femme de
quarante ans, monteuse. La direction, de son côté, se refuse à tout
commentaire, " par égard pour cette personne et sa famille ". Néanmoins,
nombreux sont ceux qui ont été interpellés par cette tentative de suicide.
Une enquête est d’ailleurs en cours.

Monteuse à France 3, il y a quatre ans, elle avait été victime d’un grave
accident de la route et, depuis, était handicapée. Mais elle avait souhaité
retrouver son travail : " Elle voulait à la fois cacher son handicap et
s’était montrée très rétive quant aux mesures d’aménagement de poste qu’on
avait pu lui proposer, mais, lorsqu’elle souffrait trop, elle se plaignait
qu’on ne tienne pas compte de sa situation ", note un membre du personnel.

Mais, comme partout ailleurs - " et France 3 ne fait malheureusement pas
exception à la règle ", souligne un syndicaliste -, la pression est très
forte : " Le montage est un service particulièrement sollicité. Qui plus
est, a été supprimé un aménagement du temps de travail qui pourtant donnait
satisfaction au personnel, la semaine de quatre jours, rapporte un employé
de la chaîne. Depuis, on est revenu à cinq jours. Et cette employée, du fait
de son handicap, n’était pas aussi productive que ses collègues. L’ambiance
de travail n’était donc pas des plus sereines... "

La veille de sa tentative de suicide, après un long arrêt maladie, elle
s’était vu proposer par la direction des ressources humaines de travailler à
mi-temps : " Apparemment, elle aurait accepté de travailler un jour sur
deux, mais, en sortant de son rendez-vous, des collègues l’avaient croisée
en pleurs ", rapporte un membre du personnel.

Pour Jean Hodebourg, " le lieu du suicide est, psychologiquement parlant, on
ne peut plus significatif. Qui plus est chez une femme : d’ordinaire, ces
dernières se suicident à leur domicile à l’aide de médicaments. Là, tenter
de se suicider sur son lieu de travail indique que la personne a voulu
pointer du doigt son travail comme en partie responsable de son acte,
explique ce membre du Conseil supérieur de prévention des risques
professionnels. Face à la dégradation des conditions de travail et à des
méthodes de gestion de plus en plus dures - et ce alors que l’employeur a
une obligation de maintien de l’état de santé du travailleur -, on assiste à
une multiplication des suicides liés au travail ".

Et Michel Sanchez, délégué CGT à France 3 Île-de-France, de conclure : " Ce
geste montre ce qu’on ne veut bien souvent pas voir, en l’occurrence la
souffrance au travail. On est dans une société de plus en plus déshumanisée,
où la gestion se résume trop souvent à des objectifs chiffrés, un bilan
financier, en clair, du rendement. Ce qui est malheureux, c’est que même le
service public ne fait plus exception. Or, si parmi nos missions on se doit
de créer du lien social, comment pouvons-nous la remplir quand on n’est même
pas capable de l’assurer en interne ? "

Journal l’Humanité

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