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Alain Duhamel nouvelle sorcière de Salem

Publie le lundi 5 mars 2007 par Open-Publishing
7 commentaires

Appel des journalistes de l’audiovisuel public pour des débats contradictoires. Signez la pétition

de Jean-François Téaldi Grand Reporteur audiovisuel public, journaliste politique, Membre du Conseil de campagne de Marie George Buffet

"Le premier qui dit la vérité, il doit-être exécuté".

Ainsi pour avoir oser affirmer qu’il "aime bien François Bayrou" et qu’il "va voter pour lui" Alain Duhamel se retrouve sanctionné.

Quelle hypocrisie !

Fallait-il attendre cette déclaration pour s’apercevoir que celui qui analyse la vie politique depuis quarante ans sur les chaînes de télévision, de radio et dans la presse écrite était un homme de droite ?

Bien sur que non.

Mais alors pourquoi ce tumulte et ces sanctions ?

Tout simplement parce qu’il a osé dévoiler publiquement qu’il était non seulement un journaliste, dont-on peut discuter les questionnements moulés dans la pensée de droite, mais aussi un citoyen qui a des idées, qui les exprime et qui vote.

Au delà du fait que ces sanctions remettent en cause les droits constitutionnels d’avoir des idées, de les exprimer ou d’adhérer à un parti politique, au delà du fait que la Convention collective des journalistes reconnaît en son article 3 que « le journaliste a le droit d’avoir sa liberté d’opinion et son expression publique », ces sanctions doivent nous interpeller.

Les explications données pour justifier les suspensions d’Alain Duhamel tant par le Pdg de France Télévisions, que par la Directrice de l’Information de France 2 ou par la Direction de RTL, posent questions.

Pour les uns, il s’agit de rappeler que « le métier de journaliste impose dans des périodes sensibles des règles strictes, que « le service public se doit d’être irréprochable, tout particulièrement en campagne électorale, en respectant rigoureusement les règles d’indépendance, d’impartialité et de neutralité dans les journaux et les magazines d’information ».

Pour les autres, « les journalistes doivent-être neutres, d’une très grande impartialité et ne faire l’objet d’aucune suspicion ».

Ces déclarations sont pour le moins surprenantes.

Pourquoi cette règle de rigueur, oh combien malmenée dans la profession, ne s’appliquerait-elle que durant les périodes électorales et pas tout au long de l’année ?

Les Directions estimeraient-elles que durant les autres périodes l’éthique peut-être bafouée ?

Il suffit pourtant de lire les comptes rendus annuels des services de Médiation pour constater que l’information est malmenée à tout moment, sur tous les sujets de société, et que les téléspectateurs, auditeurs et lecteurs nous en font le reproche.

Et puis, que recouvrent ces concepts de « neutralité, indépendance, impartialité », d’objectivité, que l’on ressort à toutes occasions ?

Le journaliste est-il un robot, voire un scribe, qui se contenterait d’énoncer et de rapporter des vérités inscrites dans des tables de la loi ?

Ne serait-il devenu qu’un monsieur Loyal distribuant le temps de parole à des candidats et à leurs services de communication ?

Chaque matin, lorsqu’il arrive dans sa rédaction, accroche-t-il au porte manteau comme des oripeaux ses origines, sa formation, sa culture et ses idées, pour entrer dans une chambre stérile et aseptisée sur laquelle serait écrit : « Journaliste Objectif » ?

Bien sur que non !

A tout moment notre profession est appelée, collectivement et individuellement, à faire des choix qui ne peuvent par essence être coupés de nos vécus, de nos parcours.

Choix dès la réunion des rédactions en chef qui vont choisir les sujets à traiter ou à ne pas traiter ; choix des conférences de rédactions, ou de services, qui vont collectivement, confirmer ou infirmer ces propositions et déterminer les angles des sujets ; choix dans la préparation des reportages où, individuellement, les journalistes vont sélectionner leurs interlocuteurs ; choix au retour du terrain, lorsqu’ils vont sélectionner les éléments de réponses à leurs interviews, les images ou les photos, le montage (pour les journalistes de l’audiovisuel), choix des écrits rédactionnels où les mots vont donner du sens aux contenus ; choix encore pour le positionnement dans la page ou l’édition, en ouverture, en une, en haut de page, en bas de page….

A chaque instant le journalistes effectue ses choix.

A qui fera-on croire qu’ils ne sont pas imprégnés, consciemment ou inconsciemment, par leurs subjectivités d’individus, d’êtres pensants qu’il sont…heureusement !

Décidément non, il n’est pas humainement possible d’être objectif.

En revanche, oui, nous nous devons d’être rigoureux et honnêtes, oui, nous devons croiser nos sources et les vérifier.

Oui, nous nous devons de ne pas déformer le sens général des réponses de nos interlocuteurs, au profit de la petite phrase isolée de son contexte, mais qui fera paraît-il de l’audimat.

Ces quelques rappels nécessaires étant posés, toute la profession s’accordant pour reconnaître qu’Alain Duhamel est un professionnel de l’information, pourquoi le sanctionner ?

Au delà de l’affirmation de son positionnement citoyen sur l’échiquier politique, position que je respecte même si je ne la partage pas étant pour ma part un citoyen engagé dans la gauche anti-libérale, la véritable raison des sanctions n’est-elle pas que sa déclaration a relancé publiquement le débat sur des collusions avérées entre certains journalistes et les hommes politiques, une collusion justement dénoncée par une majorité de français, et par là même effrayé ses employeurs ?

L’aveu est publié par Le Parisien, grâce à la Directrice de l’information de France 2 : « la phrase circulait, (…) Alain Duhamel pensait qu’il s’exprimait dans une enceinte privée, or c’était une enceinte publique », (…) La règle est simple pour un journaliste : il ne doit pas révéler son vote » !

C’est bien pour « délit » d’opinion, parce qu’il a osé afficher son choix de citoyen et parce que ce choix est devenu public, qu’Alain Duhamel a été sanctionné et non parce qu’il votera Bayrou.

Pour vivre heureux vivons cachés !

Et bien non. Je préfère de beaucoup que les journalistes politiques fassent eux mêmes connaître leurs opinions, plutôt que d’entendre ces rumeurs et ces procès d’intention qui hantent les couloirs des médias sur les engagements supposés des uns et des autres.

Après les « jurisprudences » Shonberg et Drucker a qui l’on reprochait les choix de leurs vies privées, voilà que l’on reproche à présent à Duhamel son engagement citoyen, par « principe de précaution ».

Ces journalistes avaient-ils violé notre éthique ? Avaient-ils déshonoré la profession ?

Devaient-ils de ce fait être mis à l’encan par leurs pairs ?

Décidément non.

Alors pourquoi les sanctionner à priori ? La présomption d’innocence ne s’appliquerait-elle qu’aux délinquants en cols blancs ou aux hommes politiques occupant les plus hautes fonctions de l’Etat ?

Et voilà Duhamel forcé de faire son autocritique dans Libération : « Je n’ai pas d’engagement mais des idées (…), Je me suis laissé aller (…), C’est une maladresse (…), Je ne savais pas qu’on était filmés (…) »

Big brother is watching you ! C’est pitoyable.

Mais dans quelle société vit-on ?

Ces sanctions, malheureuses, pourraient néanmoins avoir une utilité si elles permettaient d’engager le débat sur ce que doit-être une information pluraliste, rigoureuse, contradictoire et honnête.

Oui, ils ont raison ces 71% de français qui ne sont pas satisfaits du débat politique ; oui, ils ont raison lorsqu’ils estiment que leurs problèmes (emploi, logement, salaires, pauvreté, environnement, financement des propositions) ne sont pas traités dans la campagne et que celle-ci ne leur apprend rien (1).

Oui, ils ont raison de demander avant le premier tour des débats contradictoire entre les différents candidats ; non seulement entre les candidats de droite et de gauche, mais aussi entre les candidats de droite et entre les candidats de gauche*.

Oui, ils ont raison d’en avoir assez d’entendre toujours les mêmes analystes, courir d’un plateau de télévision à un studio de radio, après les avoir lus dans leur quotidien habituel.

Oui, ils ont raison de s’offusquer que les experts invités à s’exprimer dans les télé et radios, dans les colonnes de leurs journaux, reflètent toujours la pensée et les réponses néo-libérales, selon lesquelles il n’existe pas de solution en dehors des règles fixées par l’OMC, la BCE ou le G8, que ce soit pour l’économie ou la défense, l’international ou le local.

C’est bien là que réside la suspicion, la connivence, le coulage dans le moule de la pensée unique et pas dans les prises de position citoyennes, ou dans la vie privée des uns et des autres.

A quand de véritables débats contradictoires entre les candidats, sur leurs choix de société et les moyens de financer leurs promesses électorales ?

A quand des débats contradictoires entre experts de toutes tendances qui apportent des éclairages dans leurs domaines sur les solutions alternatives au dogme néo-libéral ?

A quand de véritables débats avec non seulement des panels de citoyens, qui humanisent certes par l’évocation de leurs cas individuels les grandes questions de société, mais aussi avec des journalistes qui analysent leurs réponses, font valoir leur droit de suite, mettent en contradiction les candidats et tracent des pistes de réflexion pour permettre aux électeurs de se faire une opinion et de voter en toute connaissance de cause ?

Ce n’est qu’à ces conditions que le fossé creusé entre la profession et les citoyens, fossé creusé par nos errances de 1995 avec Balladur, de 2002 avec Le Pen et l’insécurité, de 2005 avec le Référendum sur le Traité constitutionnel, de 2006 avec la révolte des banlieues, ce n’est qu’à ces conditions que le fossé se comblera.

Ce n’est qu’à ces conditions que la profession retrouvera son rôle de contre-pouvoir, pilier essentiel du débat démocratique, et son plaisir de pratiquer le plus beau métier du monde au service du citoyen.

1. (1)Sondage Le Figaro, 1er février 2007 ; (2) « Appel des journalistes de l’audiovisuel public pour des débats contradictoires » sur les sites Bellaciao et Info-Impartiale

Messages

  • des journalistes qui sortent enfin de leur soit disante réserve, qui s’expriment qui se mouillent (*).
    C’est bien les gars et les filles continuez c’estbon pour la démocratie et le changement.
    Et en plus , on se fait moins ch....
    Je suis communiste et je suis prèt a signer la pétition ou manifester pour que la sanction d’Alain DUHAMEL soit non seulement levée mais avec des excuses. Ou alors MR DE CAROLIS mérite la même sanction. il n’a pas exprimer son opinion de vote mais on le sait tellement que c’est comme si il l’avait dit a l’antenne.
    Un bémol , que Mr Alain DUHAMEL milite pour que des journalistes communistes soient embauchés et ailleur que dans les placards.

    bon on la signe ou cette pitition

    (*) comme Christine OCKRENT lors du référundum qui s’est mouillée jusqu’au cou pour le OUI. Le lendemain elle était toujours a l’antenne.

    andré 18

  • La liberté d’expression est une et indivisible. Mais pas à sens unique et à tous les niveaux, médias comprises !!! Ce serait bien que M. DUHAMEL s’ en souvienne !!!! A cette seule condition il méritera mon soutien.

    Vive le pluralisme et la confrontation d’ idées !

    Jacquou le croquant

    • Si monsieur Alain Duhamel en lieu et place de dire qu’il soutenait Bayrou avait dit qu’il soutenait Sarkosy, aurait-il eu la même sanction ? That is the question ! La liberté d’expression et un droit.
      Que le téléphone sonne depuis la Place Beauveau pour faire taire un journaliste est un acte inique. Que les directeurs des médias se couchent aussitôt devant cet ordre, c’est de la soumission et de la lâcheté. Il est vrai que certaines médias sont aux mains de groupes financiers qui roulent pour Sarkosy, TF1, le Monde, Libération, le Figaro, sont des parasites puant la Sarkosphère. Albert

  • Certes, les raisons sont nombreuses, diverses, qui autorisent un journaliste du service public (ou pas) de s’exprimer sur ses opinions politiques, et d’exprimer sa propre opinion. Mais il est symptomatique qu’un journaliste aussi emblématiquement de droite que Duhamel (il est passé tout prêt du : "taisez-vous Duhamel"), se taise et ne fasse pas valoir ses droits légaux et conventionnels.
    Revendiquer, pour ces vizirs de l’information, ce serait une faute de goût, pire : une faute de genre.
    C’est pourquoi il faut défendre le cas DUHAMEL, malgré lui.

    Etienne Ugolini

    • Est-ce que la liberté de la presse est au-dessus des libertés individuelles ? M.Duhamel se soucie-t-il des milliers de militants syndicaux qui sont licenciés sans le parachute doré de ce journaliste. Ils sont licenciés pour délit d’opinion, pour délit de travailler debout, pour délit d’oser contredire leurs patrons et pour oser proposer un autre partage des richesses crées par les salariés.

      Vous aller me dire qu’il ne faut pas mélanger, sans doute auriez vous raison, mais très franchement, le sors de tous ces syndicalistes me préoccupent, celui de Duhamel, non, désolé.

      PP

    • Ah, j’aime bien ce qu’il dit PP. Et je le partage.

      Non, franchement, Duhamel, ce valet du pouvoir depuis des années ! Je ne lèverai pas l’hombre d’un petit doigt pour lui.

      JMH

  • tous les jours BOVE droit aun reportage et un interview aux JT. Hier soir on l’a vu dans la paille.
    et rien sur MG BUFFET.

    andré 18