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Récit à chaud de trois jours d’état de siège

Publie le vendredi 13 février 2004 par Open-Publishing

Depuis le 3 novembre 2003, des arbres du parc Mistral de Grenoble étaient
occupés et habités afin d’empêcher la destruction d’une partie du parc
Mistral. L’expulsion devait venir un jour ou l’autre, et elle se faisait
sérieusement sentir depuis quelques jours (voir les liens cités plus bas
pour en savoir plus sur l’histoire et les raisons de l’occupation).

Dimanche 8 février 2004, les occupant-e-s du parc s’attendaient à voir
débouler les flics encore plus nombreux que le 2 février (où ils avaient
tabassé quelques personnes et expulsé une cabane, pendant que des arbres
commençaient à être tronçonnés...) à partir de mardi matin.

En effet, à partir de 6 heures du matin le 10 février, des dizaines de
flics ont envahi le parc en chassant les gens présent-e-s au sol,
détruisant à peu près tout sur leur passage (les installations au sol,
tentes et autre mobilier). Plusieurs dizaines de personnes occupaient
alors les tentes et cabanes perchées dans les arbres. Ce sont les seules à
n’avoir pas été attaquées par la police. Et encore... Un filet installé à
quatre mètres de haut entre deux arbres a été littéralement arraché par
les flics, les quelques personnes qui s’y trouvaient s’y aggripant au
dernier moment, sauf une personne qui a fait une chute de quatre mètres
pour être ensuite traînée face contre terre par des flics survoltés !

Le superbe infokiosque installé dans un arbre à trois-quatre mètres de
haut a été immédiatement détruit également. L’offensive policière et
étatique ne faisait que commencer et dès lors, plus d’une centaine de
policiers allaient être en permanence sur le parc, se relayant nuit et
jour pour en finir avec l’occupation du parc Mistral.

La violence policière ne suffisant pas pour éloigner définitivement les
personnes présentes au sol, la résistance continuait pour empêcher la mise
en place de clôtures autour des arbres occupés. Des dizaines, puis des
centaines, plusieurs centaines de personnes, dépassant largement le
millier au cours de l’après-midi, ont afflué ce mardi pour protester
contre l’opération policière et soutenir activement les occupant-e-s des
arbres.

De nombreuses altercations ont eu lieu entre policiers et personnes
solidaires de l’occupation du parc (que nous appellerons « manifestant-e-s
 » pour simplifier mais le terme est en l’occurence insatisfaisant) : en
début d’après-midi, les palissades installées dans la matinée pour
délimiter un périmètre de « sécurité » avec d’un côté les arbres occupés
et de l’autre les dizaines de CRS repoussant les quelques assauts des
manifestant-e-s. Ceux-celles-ci ont essayé en vain de briser les
palissades hautes d’au moins 2 mètres, à coups de pied surtout, et à
quelques endroits à coups de barrières en métal, réussissant parfois à les
percer, mais pas assez pour les franchir complètement.

Les CRS n’hésitent pas à charger et à être plus que menaçants. Quelques
pierres volent en leur direction, mais pas trop. Des fumigènes sont
allumés autour du parc par des manifestant-e-s. On assiste à des scènes de
mini-émeute, auxquelles participent plus ou moins toutes sortes
d’individus présents (des personnes âgées aux collégien-ne-s...). Les
flics sont obligés de garder le parc occupé et ne s’en éloignent pas trop
(c’est un peu la « zone rouge » du moment...). La mairie, grandement
responsable de la destruction du parc Mistral, est à deux pas, mais elle
aussi est sous bonne surveillance policière...

La nuit tombant, les manifestant-e-s se font de moins en moins
nombreux-euses, contrairement aux flics. L’ambiance commence à refroidir
un peu mais le campement extérieur est bien installé, tout près des
palissades, la solidarité avec les occupant-e-s des arbres se fait sentir
tout au long de la nuit, avec musique et feux de camp. Les occupant-e-s du
parc ne seront jamais seul-e-s !

Mercredi 11 février, très tôt le matin, le campement extérieur est attaqué
par la police, à coups de matraque et de lacrymogènes.

Après un repli immédiat, les manifestant-e-s ne tardent pas à se
réinstaller, pour finalement être redéplacé-e-s par un nombre conséquent
de flics municipaux, peu avant midi, lorsque cet endroit était
relativement délaissé.

Peu après midi, nous apprenons que quelques occupant-e-s des arbres en
sont sorti-e-s, pour différentes raisons personnelles, mais que la plupart
(une bonne trentaine) sont toujours là haut. Aucune arrestation n’a lieu
lors des sorties de ces premières personnes. Des négociations sont lancées
par la police, mais n’aboutissent à rien. La trentaine d’occupant-e-s des
arbres décident de rester jusqu’au bout malgré le manque de nourriture et
le refus catégorique de la police de leur laisser parvenir ce que de
nombreuses personnes leur apportent.

Vers 14h30, une dizaine de fumigènes sont allumés sur la route et sur la
voie de tram à un carrefour très passant en bordure du parc Mistral (côté
Nef Chavant / Bibliothèque municipale). La présence de manifestant-e-s en
cet après-midi est moins importante que la veille, l’ambiance est moins
chaude mais l’occupation continue. Des rumeurs circulent quant à une
éventuelle intervention du GIPN ou du GIGN dans l’après-midi. Cette
intervention de forces spéciales n’aura jamais lieu. Les occupant-e-s des
arbres et les manifestant-e-s se parlent, ça rappelle fortement les
parloirs sauvages dans les prisons. La présence policière est toujours
aussi permanente, les changements d’équipes sont très réguliers (toutes
les deux ou trois heures). A l’intérieur, les nacelles installent des
projecteurs mais ne s’attaquent pas aux arbres. Tout cela ressemble juste
de plus en plus à un camp de détention/rétention... Il continue d’y avoir
du monde autour du périmètre de sécurité, de façon constante, le long de
la nuit.

Au petit matin du jeudi 12 février, l’alerte est déclenchée et de
nombreuses personnes affluent aux abords des palissades : trois nacelles
passent à l’attaque des arbres occupés. L’intervention n’est pas le fait
du GIPN ou du GIGN mais d’un corps de gendarmerie spécialisé en
haute-montagne (dont les initiales seraient le PSGHM...). Ils doivent
déloger une trentaine de personnes dans des cabanes ou des tentes placées
parfois à plus de vingt mètres de haut. Certain-e-s des occupant-e-s ont
même quitté ces cabanes et tentes pour grimper encore plus haut dans les
arbres.

Assez vite, quelques centaines de personnes entourent le parc, mais la
police est encore plus nombreuse que mardi et mercredi. Les
manifestant-e-s conversent avec les occupant-e-s, grace à des plots de
récup’. La solidarité fait chaud au coeur, même si bien sûr, elle ne
suffira pas à empêcher la répression policière. Des slogans sont scandés
de part et d’autres, dont, parmi les plus repris : « Ni Etat ni bûcherons,
Autogestion ! », « Ni Destot ni Carignon*, Autogestion ! » (le terme « 
Autogestion » étant quelquefois remplacé par « Révolution ») et « 
Résistance, Existence », etc.

Au fil de la matinée, quelques personnalités n’ont pas eu honte de se
pointer en pleine expulsion des occupant-e-s du parc. Parmi ces individus
peu fréquentables, le vice-président de la Métro (communauté
d’agglomération Grenoble Alpes Métropole, hautement responsable du projet
de grand stade / destruction du parc Mistral, voir
http://www.la-metro.org) s’est pointé et s’est fait très vite alpagué par
une femme qui l’a reconnu et insulté copieusement. Suivie par d’autres
manifestant-e-s le huant et lui proposant vivement de se casser, celui-ci
est parti vite fait. Ce que n’eut pas la décence de faire tout de suite
Alain Pilaud, délégué aux sports à la mairie de Grenoble. Celui-ci s’est
fait insulter dans un premier temps, puis une couse-poursuite s’est
engagée car des manifestant-e-s voulaient le remercier pour ses projets...
Il s’est réfugié avec ses associés, au pas de course (sportif, le
bonhomme...), jusque dans la mairie.

Par ailleurs, un certain Danquin, membre du cabinet du maire, se serait
fait taper dessus par des personnes ulcérées par les événements récents
(devant les caméras qui plus est... info à confirmer cependant). Un peu
plus tôt, une personne a été obligée de faire recours à la protection de
plus d’une douzaine de CRS pour quitter le parc Mistral, face au
mécontentement des manifestant-e-s (impossible de savoir qui était
vraiment cette personne, un chef des flics ou un élu ? en tout cas il en a
pris pour son grade puisque de nombreux CRS ont alors du délaisser les
palissades un court moment pour protéger ce monsieur).

A côté de ces quelques altercations peu douloureuses, signalons que les
violences policières ont émaillé ces trois jours d’état de siège de façon
relativement constante, avec de nombreux coups de matraque au corps et
quelques arcades sourcillières explosées... Et ce jeudi, trois jeunes se
sont fait démolir par des travailleurs (des vigiles ?) du chantier du
stade et sont actuellement à l’hôpital !

Les illusions perdues envers la démocratie et nos bons politiciens s’est
faite plus que ressentir. Pourtant, le manque d’organisation des
mainfestant-e-s hors du périmètre de sécurité s’est également fait
cruellement ressentir. Beaucoup se sentaient désemparé-e-s face à la
machine policière et étatique et nous avons de bonnes raisons de l’être
mais aussi de dépasser cet état de fait. Multiplions les expériences
autonomes d’auto-organisation, les expérimentations de fonctionnement
autogéré, sans chef ni suiveur-e-s !

Peu avant 14h, les occupant-e-s des arbres ont fini par être tou-te-s
expulsé-e-s, sans aucune mise en détention/garde-à-vue parmi eux-elles,
après avoir toutefois subi un contrôle d’identité et été photographiés par
la police.

La colère était encore très présnte sur le parc, et un slogan prenait le
relais : « Le stade n’est pas construit, la lutte n’est pas finie !. » A
bon-ne entendeur-euse...

Grenoble, le 12 février à 17h30
un simple anarchiste

(*) Michel Destot est l’actuel maire PS de la ville de Grenoble, Alain
Carignon a été maire RPR de Grenoble il y a quelques années et est
probablement le futur candidat de la droite aux prochaines élections
régionales.

PS : Désolé pour le côté très factuel de ce texte, mais les mass-médias
(du Dauphiné Libéré à TF1 en passant par France 3 édition régionale et
tous les médias commerciaux) ont déversé des tonnes de mensonges sur
l’occupation du parc et en particulier ces derniers jours. De plus, on a
pu lire quelques approximations dommageables sur Indymedia-Paris quant à
cette fameuse intervention du GIGN (ou GIPN), ce serait pas mal que les
médias indépendants réussisent à sortir du « sensationnel », mais il
s’agit là d’un autre débat.

 Des liens nécessaires

L’historique + brève présentation des raisons politiques de l’occupation
du parc Mistral : http://squat.net/fr/news/grenoble020104.html

« Pourquoi prenons-nous froid dans les arbres ? » par des occupant-e-s du
parc et des solidaires (janvier 2004) :
http://squat.net/fr/news/grenoble210104.html

Actualité de la lutte sur le parc (fin janvier 2004) :

http://squat.net/fr/news/grenoble300104.html

Tentative d’expulsion du parc et violences policières (le 2 février 2004) :

http://squat.net/fr/news/grenoble040204.html

Courts appels à mobilisation (les 8 et 9 février 2004) :

http://squat.net/fr/news/grenoblepm090204.html

http://squat.net/fr/news/grenobleppm090204.html

Bref récit de la journée de mardi (10 février 2004) :

http://squat.net/fr/news/grenoble100204.html