Accueil > Cesare Battisti, victime de la nostalgie des chemises noires

Cesare Battisti, victime de la nostalgie des chemises noires

Publie le mardi 17 février 2004 par Open-Publishing

L’arrestation, et la possible extradition, de l’écrivain italien est un déni de droit.

Au petit jour, comme au bon vieux temps, Cesare Battisti, qui, depuis quinze ans, ne se cachait pas, personnage public que l’on pouvait rencontrer dans nombre de festivals littéraires et salons du livre, a été ramassé par la police antiterroriste et, comme on ne le dit sûrement pas en Italie, enchristé. Fait d’autant plus facile qu’il n’est pas, comme certains, passé par une quelconque chirurgie esthétique. L’épée de Damoclès, dans cet événement, c’est une extradition en loucedé, sans doute aussi glauque et honteuse que sa « capture ».

C’est un déni de droit et une trahison officielle. Accueilli d’abord dans l’hospitalité mitterrandienne, Cesare est, depuis 1991, considéré par la justice française et l’Etat comme personne non extradable par décision de la cour d’appel de Paris prise en raison d’étrangetés, mensonges et manipulations de son dossier dressé en Italie. Entre-temps, il a payé. Pas de papiers, difficultés sociales en tout genre, tracasseries diverses et peur au ventre depuis plus de vingt ans.

Les agissements aveugles et exacerbés de la justice berlusconienne, aggravés par un profond parfum de rancoeur, de délation et de vengeance, sentent bon ces années où la chemise noire était le fin du fin de la mode transalpine. Mais il ne s’agit plus d’huile de ricin et d’exil dans les Eoliennes, il s’agit de taule à perpète, puisque, dans la Botte, les condamnations par contumace ne sont pas rejugées.

Alors c’est le moment, pour tous ses lecteurs fidèles, pour tous les critiques qui l’ont encensé, pour toutes les instances qui lui ont fait confiance, lors de résidences d’auteur et d’ateliers d’écriture, pour tous les journalistes qui ont eu le plaisir et l’intérêt de l’accueillir à la radio et à la télévision, de faire front, de condamner cette procédure illégale, d’empêcher un éventuel voyage aérien et d’exiger son immédiate libération.

Sinon, dans nos miroirs, quand nous nous y regarderons, nous verrons un étrange visage, celui de notre chef d’Etat, mais, lui aussi, lifté. Et, bien évidemment, dans notre pratique politique, pour nous aussi, la rancoeur va être longue et la vengeance froide.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=178440&AG#