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Cesare Battisti : Parole donnée

Publie le mardi 17 février 2004 par Open-Publishing

Ce qui se joue dans l’affaire Cesare Battisti est assurément la valeur d’une parole donnée par un président de la République au nom de la France et que son successeur paraît sur le point de renier. Quand François Mitterrand s’engage à accorder l’asile à des militants politiques italiens dans les années 80 dès lors qu’ils auraient clairement rompu avec les méthodes violentes leur ayant valu des poursuites, il s’inscrit dans le meilleur de la tradition humaniste française. Après tout, déjà de Gaulle, dans un registre voisin, avait rembarré un ministre qui voulait chercher des noises à Jean-Paul Sartre durant la guerre d’Algérie : « On ne met pas Voltaire en prison. » Certes, Battisti n’est pas Sartre et pas davantage Voltaire, de même que la centaine de réfugiés italiens aujourd’hui menacés ne sont pas tous des auteurs de romans policiers bien connus des milieux littéraires, mais l’on peut croire encore en une forme de clémence qui inspire le respect des présidents au-delà de la politique qu’ils incarnent.

Si c’est trop demander à l’actuel titulaire de la charge élyséenne, alors autant s’en tenir au simple rappel de fondamentaux judiciaires. Quand la cour d’appel de Paris a déclaré Cesare Battisti non extradable, c’est que les conditions dans lesquelles il serait jugé en Italie ne sont pas conformes à nos règles de procédure. Rien en douze ans n’est venu contredire les motifs de l’arrêt des juges français. Sauf, peut-être, que c’est la France qui, depuis deux ans, fait mouvement vers l’Italie avec une berlusconisation des esprits judiciaires où l’on veut faire passer la magistrature sous la toise des intérêts de la famille politique au pouvoir, où l’on se met à confondre la sanction et la vengeance dans la législation pénale, où l’on voit émerger un statut des « repentis » dont on a pu mesurer ailleurs les méfaits.

Ce qui se joue dans l’affaire de l’italien Battisti, c’est aussi la façon dont, ici, on se regarde en face.

Par Jean-Michel HELVIG

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