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COMMUNIQUE DES REFUGIES ITALIENS EN FRANCE

Publie le samedi 21 février 2004 par Open-Publishing

Comme dans un cauchemar récurrent, c’est une fois de plus une vie arrachée,
tirée en arrière, vers le simulacre et les ombres persistantes d’un passé
lointain : une punition/vengeance appelée "Justice", tellement différée
qu’elle n’a plus aucun lien plausible avec les prétextes allégués. Le droit
positif lui-même refuse un caractère infini de la punition, ce caractère
éternel qui était visé par la logique de l’Inquisition - c’est bien ce que
signifient les temps de prescription. Dans la doctrine juridique, on demande
qu’un "temps raisonnable" s’écoule entre les faits, le jugement et
l’exécution de la peine.

Ici, on a par contre la sensation d’un caprice cruel : c’est ce qui se passe
quand une sorte de ’dispositif à retardement’ survient frapper un homme, une
femme, inévitablement "autres" par rapport à ceux qui étaient à l’époque des
faits, comme une sorte de cauchemar réel aux raisons indéchiffrables.

Après l’arrestation et l’envoi (la déportation ?) en Italie de Paolo
Persichetti au mois d’août 2002, au terme de sept ans passés sous l’épée de
Damoclés - qui a fini par le frapper - d’un décret d’extradition ; après la
remise expéditive à la police italienne des anciens militants Rita Algranati
et Maurizio Falessi, grâce à une collaboration extra-judiciaire des polices
de Rome, Alger, et du Caire, sans même la feuille de vigne d’un simulacre de
procédure extraditionnelle -, c’est donc aujourd’hui le tour de Cesare
Battisti.

La logique à l’ouvre vise à réduire à néant une poignée de vies - la sienne,
celle de ses filles, qu’il a eues entre-temps, de son univers d’affects, et
du reste - et à accomplir avec une cruauté glaciale un acte exemplaire. On
en frappe un pour en terroriser une centaine, pour tenir des femmes, des
hommes, les "prochains", toujours sous le couperet d’un cauchemar,
empoisonnant des vies pour toujours.

On nous dit, comme pour défendre une sorte d’ égalitarisme de l’injustice :
personne ne peut échapper à sa peine », c’est la règle ; et le risque qui
s’ensuit fait partie des règles du jeu...

Pourtant, Cesare Battisti était venu en France en faisant confiance à cette
main tendue - une possibilité de refuge offerte, dans l’exercice d’une
faculté incontestable, par la République française en la décision d’un de
ses présidents, François Mitterrand -, chose jamais remise en cause par les
gouvernements successifs. Un exercice de souveraineté ne pouvant qu’ être
incontestable, reconnu comme légitime et légal par le droit international,
avait permis d’octroyer un "asile de fait" à des hommes et des femmes fuyant
le théâtre de ce qui restait d’une guerre sociale rampante, celle qui avait
secoué l’Italie pendant bien plus d’une décennie . Un asile de fait pour des
fugitifs reconnus comme "politiques", puisque c’est bien ce label qui avait
représenté explicitement, en Italie, une circonstance aggravante, impliquant
un « moltiplicateur » de peines à tour de bras. Les lois d’exception qui
sont devenues la règle.

Aussi, les « règles » si facilement invoquées par les autorités des deux
pays ces temps-ci semblent n’être qu’un mantra électoral.

Le cour de l’affaire est la volonté explicite et réitérée de punition
infinie pour avoir osé défier le pouvoir en place.

Cette condition de vie en suspens touche actuellement quelques dizaines d’
anciens militants de la gauche italienne établis en France depuis au moins
quinze ans.

Aujourd’hui notre seule force est la détermination que peuvent exprimer des
femmes et des hommes pour que le territoire français ne soit pas, ne soit
plus le théâtre d’actes iniques et injustifiés.

Comité contre l’extradition de Cesare Battisti et des autres italiens