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Cesare Battisti : le thèse de la chancellerie dénoncée

Publie le lundi 23 février 2004 par Open-Publishing

Selon le garde des Sceaux, l’écrivain aurait menacé de mort une voisine, ses amis crient au « mensonge ».

Il occupe un emploi de gardien d’immeuble, dans le IXe arrondissement de Paris. Parmi ses obligations professionnelles, il en est une, banale : le syndic de l’immeuble lui demande de déclarer les dégradations de boîtes aux lettres, tags et autres fantaisies qui viendraient porter atteinte au patrimoine des copropriétaires. Ce 30 janvier, il s’en va donc au commissariat, porte plainte contre X, condition pour que les assurances prennent en charge le dommage. Il fait son devoir. Les policiers du quartier prennent sa plainte, sans plus d’émotion.

Dix jours plus tard, ils sont dix. Policiers de la Division nationale antiterroriste venus cueillir Cesare Battisti, gardien d’immeuble et écrivain, réfugié italien, l’un des symboles des « années de plomb », devenu un homme qui vit comme on dit en « bon père de famille » depuis quatorze ans, en France, pour l’écrouer à la Santé. Visé par une demande d’extradition italienne, Battisti se serait fait repérer par la police parce qu’en février, une habitante l’aurait dénoncé pour menace de mort.

C’est la version distillée notamment par la chancellerie. Et c’est « une campagne de mensonges orchestrée par le garde des Sceaux », martèle Irène Terrel aux côtés de Jean-Jacques de Felice, les avocats de Battisti. Un « mensonge » qui relèverait d’une volonté de salir, pour masquer la « trahison de la parole donnée » de la France prête à réexaminer l’extradition, quand Mitterrand avait promis en 1985 qu’il trouverait asile, ainsi que tous les autres réfugiés, à condition d’avoir renoncé à la lutte armée.

Hier, les défenseurs de Battisti, les organisations ou mouvements qui le soutiennent, des écrivains comme Philippe Sollers ou Serge Quadruppani, s’étaient réunis à l’appel de la Ligue des droits de l’homme pour dénoncer une nouvelle fois cette « première en terme de mépris de l’éthique politique, de mépris des juges, de mépris des réfugiés ». Battisti, fondateur des Prolétaires armés pour le communisme, a été condamné en 1987 à perpétuité pour 4 meurtres dont il s’affirme innocent et 60 braquages. C’était il y a plus de vingt-six ans. En 1991, l’Italie demandait son extradition et la France la refusait : les juges de la cour d’appel de Paris donnaient un avis défavorable, parce que Battisti avait été jugé par contumace, sans pouvoir se défendre. Jean-Jacques de Felice s’est indigné hier de « voir un garde des Sceaux nier l’autorité de la chose jugée ». Michel Tubiana, président de la LDH, s’est alarmé d’un pouvoir politique français dont la « parole doit être entendue comme n’engageant ni leur honneur, ni leur éthique ».

« Ami écrivain ». Les avocats de Battisti doivent plaider le 3 mars devant la cour d’appel de Paris sa demande de mise en liberté, mais n’étaient pas en mesure hier d’affiner leurs réponses : ils n’ont toujours pas copie du dossier. La pétition lancée par les écrivains et le milieu de l’édition aurait recueilli 9 000 signatures. Les communistes ont demandé au maire de Paris d’en faire un « ami écrivain » de la Ville.

Par Armelle THORAVAL