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Télévision : Jean-Jacques Aillagon a passé la pire soirée de sa carrière

Publie le vendredi 27 février 2004 par Open-Publishing

Les intermittents ont été les vraies vedettes du spectacle organisé samedi soir au Châtelet pour la 29e nuit des Césars. Canal+ retransmettait la cérémonie, mais le meilleur se passait à l’extérieur et dans le public. Et c’était plutôt sauvage. Les intermittents avaient décidé de se payer Jean-Jacques Aillagon.

Cela fait des mois qu’ils veulent régler son compte au ministre de la culture qui a cassé leur statut. Véritable anguille, ce dernier leur avait toujours échappé jusqu’ici. Ils l’attendaient avec quelques arguments, des bobines de film notamment, frappants. Mais surtout, au Châtelet, face au cinéma français rassemblé, acteurs, réalisateurs, accessoiristes, scénaristes et producteurs mêlés, le ministre était piégé. Assis, il devait écouter.

L’auteur de ces lignes n’a rien contre Aillagon, ancien professeur d’histoire et de géographie aux lycées d’Egletons et de Tulle, en Corrèze, séduit par la droite en général et Jacques Chirac en particulier et qui intellectuellement se situe sans difficulté, et même aisément, au-dessus de la moyenne du gouvernement Raffarin. Bref, c’est tout sauf un imbécile ou un médiocre. Seulement voilà, il y a quelques réalités têtues, en politique, même dans le domaine de la culture qu’on prétend évanescent.

Ce Rastignac postmoderne, ce ministre ambitieux et raffiné, a été chargé d’opérer, dans le milieu du spectacle, une réforme dure et cruelle. En conséquence, il a passé, samedi soir au Châtelet, la pire soirée de sa carrière.
On ne pleurera pas sur son sort. Il l’a voulu, ce George Dandin de la culture, qui croyait qu’on pouvait casser une profession et se faire applaudir par les cocus. Les cocus, magnifiques, lui ont rendu la monnaie de sa pièce. Ce sont des professionnels.

Les caméras de Canal+ n’ont pas montré, et c’est dommage, la tête du ministre lorsque Agnès Jaoui, comédienne et réalisatrice, trois Césars à son actif, a longuement dénoncé la fin de l’exception culturelle française inscrite dans la réforme du statut des intermittents du spectacle. C’était net et sans appel. Elle a été follement applaudie.

On aura rarement vu un ministre se faire ainsi rejeter, publiquement, par la quasi-totalité de la profession dont il a la charge. Luc Ferry, peut-être ? Le cinéma français acclamait, debout, Agnès Jaoui vilipendant la politique culturelle d’Aillagon, et donc de Chirac, si ce dernier en a une.

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