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Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy : voici la retranscription du débat de mercredi 2 mai

Publie le jeudi 3 mai 2007 par Open-Publishing
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Arlette Chabot : Bonsoir à tous. Bonsoir Ségolène Royal, bonsoir, Nicolas Sarkozy. Vous êtes évidemment très nombreux, nous l’imaginons ce soir, pour suivre ce débat en France, mais aussi à l’étranger puisqu’il est diffusé en direct par de nombreuses chaînes en Europe, mais aussi dans le monde entier. Ce face à face est attendu. Il n’y en a pas eu depuis 1995, depuis 12 ans en France. Les Français vous ont donc choisi Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy pour ce second tour de l’élection présidentielle. Nous sommes là avec Patrick Poivre d’Arvor pour faire en sorte que ce débat se déroule dans la plus grande clarté.

Patrick Poivre d’Arvor : Les règles seront les mêmes pour tout le monde, même temps de parole, mêmes questions. Les réponses, je le suppose, seront différentes. Avec Arlette Chabot, nous avons décidé de définir quatre grands chapitres de durée égale : la conception du pouvoir et les institutions, les problèmes économiques et sociaux, les problèmes dits de société, type éducation, famille, recherche, culture, environnement et les relations internationales avec l’Europe comprise. Le tirage au sort effectué au sein du CSA va permettre à Nicolas Sarkozy de commencer l’exercice et à Ségolène Royal de le conclure. Pour détendre l’atmosphère, quel est votre état d’esprit aux uns et aux autres ? Ségolène Royal, comment vous sentez-vous ?

Ségolène Royal : Très bien, très fière, très heureuse d’être ici, merci.

Nicolas Sarkozy : Concentré, parce qu’un débat, c’est quelque chose d’exigeant. Les Français nous ont sélectionnés, Mme Royal et moi pour être au deuxième tour. Nous portons tous les deux une responsabilité, la même, celle de redonner à la vie politique sa dignité. Ceux qui nous regardent, quelle que soit leur conviction, quel qu’ait été leur choix au premier tour, j’espère qu’à la fin du débat, ils pourront se dire : on en sait un peu plus, on a compris ce que l’un et l’autre nous voulons faire pour la France.

Arlette Chabot : Première question simple : quelle présidente ou quel président serez-vous si vous êtes élu ? Vous appartenez tous les deux à une nouvelle génération. Il y a eu le quinquennat qui accélère la vie politique française. Quel style voulez-vous donner à cette présidence ? Quel pouvoir doit avoir un président dans un monde moderne et quel contre-pouvoir pouvez-vous installer ?

Nicolas Sarkozy : Pour une première question, c’est tout un panel de questions. D’abord, l’affaire de génération, je crois qu’il faut rester calme là-dessus. Nous sommes des quinquagénaires, dans l’entreprise, ce n’est pas les tout jeunes. Je ne pense pas que l’âge change quelque chose à l’affaire. Il est important de tirer les conséquences du véritable tsunami politique de ces dernières années en France. 2002, Jean-Marie Le Pen au deuxième tour, 2005, le non au référendum.
On ne peut plus faire de la politique comme avant. Moi, j’essaierai, si les Français me font confiance, d’être un Président de la République qui s’engagera sur des résultats. Il ne s’agit plus de dire, plus de proclamer des droits virtuels, il faut promettre aux Français des droits qui deviendront réels, des résultats. Je voudrais être un Président de la République qui prend ses responsabilités. Je ne m’abriterai pas derrière des tabous, des excuses ou des paravents. Je vais m’engager sur un certain nombre de sujets. Je prendrai des engagements, je tiendrai parole et je demanderai à être jugé là-dessus. Je voudrais être un Président de la République qui parlera plus fréquemment aux Français, qui leur expliquera les choses.
Je donnerai à chacun des ministres une lettre de mission et chaque année, ils rendront compte de ce qu’ils ont faits ou pas pu faire et pourquoi.

Je voudrais aussi une République irréprochable. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire une République où les nominations seront le fait de la compétence et non pas de la connivence. Je vais proposer un changement très important au conseil des ministres, qui ne s’est jamais produit dans la République française, que toutes les grandes dominations qui sont aujourd’hui dans le pouvoir du Président de la République, soient ratifiées par un vote à la majorité qualifiée des commissions compétentes du Parlement, ce qui veut dire que l’opposition aura son droit de veto. Les nominations, me semble-t-il, doivent être hors de tout soupçon. Seule la compétence doit compter.

Enfin, je voudrais être un Président de la république qui limitera le nombre de mandats successifs. On ne peut pas être candidat et Président de la République plus de deux mandats successifs. Pourquoi ? Parce que l’énergie que l’on met à durer, on ne la met pas à faire. Moi, la passion de ma vie porte un nom, c’est l’action. Je veux faire. Si les Français nous choisissent, que ce soit madame Royal ou moi, ils nous choisiront pour faire, pour agir, pour changer, pour obtenir des résultats. _ C’est ma vision du Président de la République moderne.

Patrick Poivre d’Arvor : Ségolène Royal, quelle est votre conception du pouvoir et de la présidence de la République, si vous êtes élue ?

Ségolène Royal : Je souhaite sortir la France de la situation dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. D’abord, la dette, aujourd’hui, la France est endettée, plus de 20 000 euros par Français, le nombre de travailleurs pauvres est de 2 millions et demi, la précarité s’est accrue, le pouvoir d’achat s’est abaissé, la pauvreté, 2,5 millions de Français vivent en-dessous du seuil de pauvreté, parmi eux, 2 millions d’enfants, comme le dit l’association Emmaüs. Des retraites qui ont perdu du pouvoir d’achat. Le niveau moyen des retraites des femmes est de 850 euros pour une carrière complète et de 622 euros pour une carrière incomplète parce que les femmes subissent très durement le chômage partiel. Un déficit de la sécurité sociale qui s’élève à 11 milliards d’euros, un chômage qui touche près de 3 millions de personnes, des agressions qui ont augmenté depuis 2002 de plus 30 % de violence physique gratuite contre les personnes. En 2002, Monsieur Sarkozy, vous aviez parlé de la tolérance zéro, les Français s’inquiètent beaucoup de la montée des violences et des agressivités dans la société française. Le nombre de faits de violence à l’école a augmenté de 26 %.

Je veux être la Présidente de la République où l’agressivité des violences recule, une France qui va gagner la bataille contre le chômage et contre la vie chère, qui va permettre aussi que reculent les inégalités, parce que toutes ces formes d’insécurité au quotidien, d’insécurité sociale appellent de nouvelles règles du jeu, appellent un nouveau système politique, appellent des responsables politiques plus efficaces qu’ils ne l’ont été au cours des cinq dernières années et même au-delà sans doute, car je ne schématise pas l’histoire. Mais il est vrai aussi que, comme vous l’avez dit, la morale politique, puisque vous venez d’évoquer ce mot, demande que les responsables politiques rendent des comptes par rapport à ce qu’ils ont fait. Je sais aussi que ce qui intéressent les Français, c’est le futur. Malgré tout, Monsieur Nicolas Sarkozy, estimez-vous que vous avez une part de responsabilité de la situation dans laquelle se trouve la France aujourd’hui ?

Nicolas Sarkozy : Puisqu’une question m’est posée, la moindre des courtoisies est d’y répondre. Suis-je responsable d’une partie du bilan du gouvernement ? Oui, j’ai été ministre de l’Intérieur pendant quatre ans, j’ai trouvé une situation qui était catastrophique, qui a compté pour beaucoup, Madame Royal, dans la défaite de vos amis, du gouvernement auquel vous apparteniez à l’époque. Si en 2002, les Français ont changé et n’ont même pas qualifié le Premier ministre que vous souteniez pour le deuxième tour, il y avait bien une raison. Chacun l’a observé. C’est parce que les violences et la délinquance avaient explosé. C’est dans ces conditions que j’ai été nommé ministre de l’Intérieur. Tout n’a pas été réussi. Il y a un point sur lequel je suis d’accord.

Sur les défaillances de la République, gauche et droite, confondues, nous avons chacun notre part. Vous avez raison de dire qu’il ne faut pas avoir une vision manichéenne. Sur le bilan en matière de violence, de délinquance, avec le même appareil statistique, rien n’a changé, c’est le même à l’époque de Daniel Vaillant et le même sur les cinq ans de gouvernement Jospin, la violence, la délinquance avait augmenté de 18 %. Sur les cinq années du gouvernement du quinquennat de Jacques Chirac, la délinquance, avec le même appareil statistique, a diminué de 10 %. Je ne dis pas que tout est résolu. Cela fait quand même un million de victimes en moins. C’est suffisant pour que je ne parte pas en courant quand on évoque le mot « bilan » sur la sécurité. Il y a un deuxième point où l’on est en accord, il faut résoudre le problème de la dette. Vous avez parfaitement raison. Madame Royal, vous connaissez les chiffres comme moi, j’imagine que, dans cette campagne électorale, on est au même niveau de préparation. Depuis combien de temps les budgets de la France sont en déficit ? 25 ans. On ne peut pas expliquer que l’endettement de la France dépend de ces cinq dernières années. Le problème est : comment fait-on ? Je propose une chose : 45 % du budget de la France, c’est le salaire de la fonction publique et les pensions de retraite. 45 % ! 15 %, ce sont les intérêts de la dette. 60 %, ce sont les deux postes.

Se trouvera posé pour Madame Royal, comme pour moi, ce n’est pas une question de gauche ou de droite, mais de bon sens, si vous voulez, comme je le pense et comme moi, réduire la dette de la France, il faudra faire des économies. Nous avons une opportunité historique : la pyramide d’âge dans la fonction publique, il faut réduire le train de vie de l’Etat, réduire les dépenses. Il y aura donc, si je suis président de la République, je veux proposer aux fonctionnaires un pacte de progrès. On remplacera un départ sur deux à la retraite, la moitié des gains de productivité permettant d’augmenter les salaires des fonctionnaires, parce que les salaires de la fonction publique sont très bas. L’autre moitié des gains de productivité permettra de réduire la dette de la France.

C’est impératif. Au moins sur ce choix-là, nous ne pourrions pas, gauche et droite, opposition et majorité, selon le choix des Français, nous trouver d’accord pour dire, bien sûr, si on veut soulager la dette des Français qui est injuste pour les générations qui viennent, il faudra faire des économies et, les grosses économies, on les fait sur les gros postes de dépense.

Ségolène Royal : Je voudrais revenir sur la conception du pouvoir, car c’est important sur cet engagement qui consiste à tout chef d’Etat demain de rendre des comptes sur son pouvoir passé. Nous sommes en 2007, nous ne sommes pas en 2002. J’observe déjà que, sur le bilan que j’ai fait tout à l’heure sur la situation de la France, qui inquiète aujourd’hui les Français, vous ne contestez pas ce bilan.

J’ajoute, monsieur Sarkozy, que, il y a deux jours, une femme policière s’est fait violer tout près de son commissariat.. En mars dernier, au même endroit, l’une de ses collègues s’était également fait violer.
Qu’est-ce qui s’est passé entre ces deux faits pour qu’aucune protection ne soit apportée à une femme policière ? Je le dis, demain, si je suis élue Président de la République, les agents publics seront protégés et en particulier les femmes ; elles seront raccompagnées à leur domicile lorsqu’elles sortent tardivement des commissariats de police.
Je le dis, car cela permet de venir à la question que vous posez sur les agents publics et la diminution du nombre de fonctionnaires.

Monsieur Sarkozy, je ne diminuerai pas le nombre de fonctionnaires ou il faudra me dire dans quel domaine vous aller réduire ce nombre. S’il y avait davantage de policiers, peut-être que cette femme n’aurait pas été violée, car elle n’aurait pas été seule, elle serait rentrée chez elle avec un collègue. Peut-être que s’il y avait davantage de fonctionnaires, si vous n’aviez pas supprimé autant d’emplois dans l’éducation nationale, nous n’aurions pas les fermetures de classes à la rentrée prochaine et une augmentation de l’échec scolaire. Peut-être que, si nous avions aussi davantage d’agents publics et notamment d’infirmières, nous n’aurions pas une dégradation de leurs conditions de travail à l’hôpital public et une montée des inquiétudes comme je l’ai encore observé récemment en me rendant dans un hôpital public à Corbeil où les personnels de l’hôpital ont tiré la sonnette d’alarme et sont très inquiets sur l’avenir de l’hôpital public. Ils m’ont demandé de les aider. Je leur ai donné des engagements.

Oui, l’hôpital public redeviendra une priorité. Bien sûr, on peut améliorer l’efficacité du service public, on peut l’évaluer. Mais il faut dire très clairement aux Français, lorsque vous leur dites qu’il y aura 225 000 fonctionnaires en moins, où vous allez les retirer. Moi, je crois tout le contraire de ce que vous venez de dire, que ce sont des services publics efficaces qui garantissent aussi la compétitivité économique d’une entreprise, la compétitivité économique de l’économie française. Quand on demande aux investisseurs étrangers pourquoi ils viennent en France, savez-vous ce qu’ils citent en premier ? La qualité du service public de la France. Alors le nombre de fonctionnaires sera maintenu. En revanche, comme je réformerai la décentralisation, comme je veux faire une nouvelle étape, mais une vraie cette fois de régionalisation, au lieu d’avoir des doublons, des chevauchements, de l’augmentation de la fiscalité locale (car, avec votre loi, l’Etat a transféré des compétences sans transférer les ressources et sans clarifier la répartition des responsabilités), ce que je propose, c’est de lutter contre toutes les formes de gaspillage d’argent public car chacun sera au clair sur ses responsabilités. La région saura ce qu’elle a à faire, en particulier les aides économiques. Les départements seront au clair sur leurs responsabilités. Les communautés d’agglomération, les communes également. Il n’y aura plus ces chevauchements et ces gaspillages. Donc une véritable réforme de l’Etat pour qu’il soit plus rapide, plus efficace et plus économe en fonds publics.

Patrick Poivre d’Arvor : A la seconde près, vous êtes à égalité de temps de parole. Je laisse répondre Nicolas Sarkozy et on ira au fond. Faut-il changer les institutions actuelles ?

Nicolas Sarkozy : Je ne veux pas polémiquer. Mme Royal trouve qu’il n’y a pas assez de policiers. C’est dommage que le groupe socialiste n’ait pas voté les créations d’emplois de policiers ces dernières années…

Ségolène Royal : Permettez que je vous interrompe ? Le commissariat de Clichy que vous avez promis, il n’est pas ouvert.

Nicolas Sarkozy : Expliquez-moi pourquoi le groupe socialiste n’a pas voté les créations de la loi de programmation de 2002 ?

Ségolène Royal : Car ce n’était pas suffisant et qu’il n’y avait pas assez d’équilibre avec la justice qui elle aussi est en situation de diminution d’effectif. Voulez-vous aussi dire que vous allez supprimer des poste de magistrats alors qu’il n’y a aucune réponse pour les jeunes délinquants...

Nicolas Sarkozy : Mme Royal dit qu’elle va transférer aux régions, ce qui leur permettra de faire une autre augmentation après les autres augmentations faramineuses que vous avez faites les années passées. Pour les créations de postes de policiers, nous en avons créé des milliers. Le groupe socialiste ne les a pas votées, mais passons, ce n’est pas le plus important.

Ce qui est très important, vous avez parlé de cet abominable viol dans le parc de Bobigny. Dites-moi, si vous devez faire raccompagner toutes les femmes fonctionnaires chez elles la nuit…

Ségolène Royal : Parfaitement !

Nicolas Sarkozy : Il y aura une fonction publique au service des Français et une autre fonction publique au service des fonctionnaires qui rentrent chez eux.

Ségolène Royal : Cela ne m’amuse pas, mais avez-vous une autre solution ?

Nicolas Sarkozy : La solution, ce n’est pas cela. C’est de réprimer les délinquants pour qu’il n’y en est plus ou moins. Je propose d’abord qu’il n’y ait plus un seul délinquant sexuel et vous savez parfaitement, madame…

Ségolène Royal : C’est zéro délinquant, vous l’avez dit en 2002.

Nicolas Sarkozy : Cela ne vous amène à rien de dire cela...

Ségolène Royal : Tolérance zéro, vous l’avez dit...

Nicolas Sarkozy : Souhaitez-vous que je finisse une phrase ?
Je veux que tous les délinquants s’engagent à suivre un traitement et sans être obligés de pointer au commissariat ou à la gendarmerie de son domicile toutes les semaines.

En matière de viol, les récidives sont considérables. Autre proposition que je fais s’agissant des récidivistes, 50 % des crimes et délits sont le fait de 5 % de délinquants multirécidivistes. Je propose d’instaurer des peines planchers. Je dis aux Français, si je suis Président de la République, avant la fin de l’été 2007, les récidivistes seront punis très sévèrement et ils auront, au moment de la récidive, la certitude d’une sanction sévère.

On ne peut plus continuer à avoir des individus qui viennent 50, 60 ou 70 fois devant le même tribunal.

Troisième élément, il faut résoudre le problème des mineurs. L’impunité des mineurs est catastrophique. Il faut réformer l’ordonnance pénale de 45 et, si je suis élu Président de la République, je proposerai qu’un mineur multirécidiviste entre 16 et 18 ans soit puni comme un majeur. Entre parenthèses, madame, quand on est une victime, qu’on est victime d’un individu de 17 ans ou de 19 ans, le résultat est le même. Vous avez dit : où trouve-t-on les économies de fonctionnaires ? Avec ce que je propose, madame, nous reviendrons aux effectifs de la fonction publique en 1992, époque où Mitterrand était Président de la république. A l’époque, que je sache, la France n’était pas sous-administrée. La France a créé un million d’emplois publics depuis 80 et vous expliquez que l’on ne peut rien changer. Prenons des exemples, 20 000 douaniers. Cela n’a pas bougé depuis 80. Entre-temps, on a supprimé les frontières.
L’Etat a transféré la compétence de la formation professionnelle aux régions.

Entre temps, tenez-vous bien, Monsieur Poivre d’Arvor, les effectifs de la formation professionnelle dans l’Etat ont augmenté de 60 %. L’Etat a transféré aux départements les compétences sociales. Tenez-vous bien, entre temps, les effectifs de l’Etat sur les compétences sociales ont été multipliés par quatre. L’informatisation a fait des progrès considérables, notamment dans un ministère que j’ai dirigé, le ministère des Finances. Il y a 80000 fonctionnaires à la DGI pour calculer l’impôt, 60000 fonctionnaires à la comptabilité publiques pour le percevoir. Tout le monde sait qu’il faut faire la fusion des deux pour obtenir des économies de postes. Qui peut considérer que, sur cinq millions de fonctionnaires, toute fonction publique considérée, il n’y a pas matière à améliorer la productivité ?

Un dernier point, parce que c’est un point d’accord, c’est sur l’hôpital. Bien sûr qu’il y a un malaise de l’hôpital. Il y a un million de fonctionnaires dans l’hôpital. L’hôpital est un lieu de toutes les douleurs, de tous les malheurs et, en même temps, de tous les bonheurs. Ce personnel hospitalier, il faut y penser, il faut le soutenir. Madame, qu’est-ce qui a désorganisé l’hôpital ? Ce sont les 35 heures qui ont mis à bas l’hôpital public français. C’est la réalité des choses. A l’hôpital, il faut des postes. Vous nous expliquerez comment vous augmenter les recettes de l’assurance maladie. Je suis prêt à en débattre au moment où on l’évoquera, mais ce sont les 35 heures qui ont été une catastrophe généralisée pour l’économie française, mais qui, s’agissant de l’hôpital public, ont considérablement détruit son organisation pour une raison simple. L’hôpital fonctionne le jour, la nuit, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

Patrick Poivre d’Arvor : Veillez les uns et les autres à ne pas prendre trop de temps d’avance.

Ségolène Royal : Sur l’hôpital public, qui est une question cruciale, essentielle, puisque c’est aussi sur le maintien des petits hôpitaux, la présence de santé sur l’ensemble du territoire national. Comme vous venez de le dire très justement, en effet, les 35 heures, dont d’ailleurs les infirmières et les aides soignantes et tous les personnels hospitaliers se réjouissent parce qu’ils travaillent de nuit. D’ailleurs, lorsque vous leur aviez proposé de travailler plus pour gagner plus, cette proposition n’a pas eu beaucoup de succès dans l’hôpital. J’ai rencontré encore récemment les infirmières.

En effet, elles ne souhaitent pas travailler plus parce qu’elles travaillent déjà dans des horaires et des conditions extrêmement difficiles. Oui, il va falloir créer des postes dans la fonction publique hospitalière. Ces postes ont été insuffisants au moment des 35 heures. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas diminuer le nombre de fonctionnaires. Si nous pouvons, en effet, en diminuer au ministère des Finances, notamment dans les services des douanes, se sera pour en créer là où les besoins sont nécessaires pour remettre du service public là où il n’y en a plus, en milieu rural ou dans les quartiers dans lesquels, en effet, le manque de service public explique le délitement du lien républicain. Je voudrais revenir sur les autres éléments que vous avez évoqués. Sur la question de la délinquance sexuelle, qui vous en conviendrez avec moi n’a rien de génétique, je crois qu’il faut aller plus loin. Il faut aller plus loin. Je demande que les pédophiles, en particulier, ne soient pas relâchés tant que la commission spéciale qui aurait dû être mise en place dans les prisons n’a pas formellement dit par expertise qu’ils sont désormais non nocifs. Aujourd’hui, il y a des délinquants sexuels qui sont relâchés parce qu’ils n’ont pas eu les soins en prison, les soins que la loi pourtant prévoit. Donc, je crois que l’urgence dans ce domaine, c’est que les soins soient donnés dans la prison.

C’est qu’ensuite ces délinquants ne soient relâchés que lorsque la garantie qu’ils ne peuvent pas recommencer est donnée par le comité d’experts qui doit siéger dans les prisons. Sur les multi récidivistes, vous avez été quatre ans ministre de l’Intérieur. Pourquoi n’avez-vous pas fait cette loi ? Elle est, en effet, nécessaire. Mais je pense que ce qui est plus urgent encore, c’est la question de la réponse au premier acte de délinquance. Or, aujourd’hui, il n’y a pas de réponse, vous le savez, au premier acte de délinquance. Pourquoi ? Parce que les magistrats n’ont pas de solution. Les centres fermés n’ont pas été construits. Moi, je ferai, si je suis élue Présidente de la République, parce que je crois que la question de la lutte contre toutes les formes de violence et de délinquance et, en particulier, que le fait d’éviter aux mineurs la prison doit appeler à des solutions novatrices. J’ai parlé de l’encadrement militaire pour les mineurs et je le mettrai en place. Les centres éducatifs renforcés seront effectivement créés. Des peines adaptées, bien évidemment, au premier délit seront exécutées, car on sait bien que s’il y a une réponse au premier acte de délinquance, dans 70 % des cas, il n’y a pas de récidive. S’il n’y a pas de réponse au premier acte de délinquance, dans 70 % des cas, il y a récidive.

Tout est à repenser dans ce domaine, en particulier ma priorité sera sur la prévention et sur la sanction au premier acte de délinquance, parce que je crois que c’est comme cela que nous réussirons à freiner la montée vers la délinquance de masse. Enfin, vous aviez parlé de la dette, de la lutte contre la dette. Je propose d’abord de relancer la croissance. C’est comme cela que nous lutterons contre la dette. Je pense que la France a la capacité de réaliser un taux de croissance de 2,5%. C’est la moyenne nationale. Je le ferai en faisant un nouveau pacte avec les entreprises. Je veux réconcilier la France avec les entreprises. Je dis que la compétitivité économique n’est pas incompatible avec le progrès social, bien au contraire. Les trois piliers du développement économique demain seront la compétitivité des PME, celles qui ne dépendent pas des fonds de pension.

C’est sur elles que je concentrerai les 63 milliards d’euros d’aide publique, qui, aujourd’hui, sont distribués de façon uniforme à toutes les entreprises. Une entreprise du CAC 40 reçoit autant d’allégements de charges qu’une PME qui se bat tous les jours pour conquérir des marchés et des emplois. Et bien moi, je ferai cette réforme. Je vais concentrer sur les PME les aides publiques. C’est sur elles que je vais faire les allégements de charges. C’est pour elles que je vais relancer l’investissement dans l’innovation et dans la recherche. C’est pour elles aussi que je baisserai l’impôt sur les bénéfices des sociétés pour tous les bénéfices qui sont réinvestis dans l’entreprise. L’impôt sur les sociétés sera divisé par deux sur ces PME. Le deuxième axe de la relance de la croissance est la qualité du dialogue social. On sait que tous les pays du Nord de l’Europe qui ont réussi à relancer la croissance sont les pays qui ont mis en place un dialogue social de qualité, qui permet aux syndicats de faire des compromis sociaux et d’anticiper, c’est-à-dire d’être informés en amont des stratégies de l’entreprise pour y contribuer, pour y participer, pour faire les efforts de formation professionnelle, là où se trouvent des trésors de valeur ajoutée.

Enfin, je mettrai en mouvement le levier écologique, parce que je pense que c’est dans cette filière du développement écologique et des éco-industries que la France a des emplois à conquérir, sans doute plusieurs centaines de milliers d’emplois, à conquérir dans ce domaine. Si la croissance est supérieure à 2,5%, à la fois, je finance mon pacte présidentiel, j’ai donc relancé la croissance en mettant l’accent sur les PME. S’il y a davantage de croissance, je prends l’engagement que tout ce qui sera au-dessus de 2,5% de croissance sera consacré au remboursement de la dette.

Patrick Poivre d’Arvor : Comme vous avez rééquilibré votre temps de parole, et bien au-delà, je voudrais que l’on revienne à la première question que nous avions posée sur votre conception de la Présidence de la République et sur les institutions. Faut-il changer de République pour cela ?

Arlette Chabot : Sur la croissance, si vous voulez répondre...

Nicolas Sarkozy : Mme Royal ne m’en voudra pas, mais a évoqué tous les sujets en même temps, elle risque de les survoler et de ne pas être assez précise.

Ségolène Royal : Laissez-moi la responsabilité de mes prises de paroles si vous le voulez bien.

Nicolas Sarkozy : Je ne me permets pas que critiquer, mais je faisais simplement remarquer que si vous parlez de tout en même temps, on ne va pas pouvoir appronfondir.

Ségolène Royal : Tout se tient, la dette et la relance économique se tient.

Nicolas Sarkozy : La précision n’est pas inutile dans le débat public pour que les Français comprennent ce qu’on veut faire. Il me semble que, s’agissant de la réduction de la dette, vous n’avez fixé aucune piste d’économies. C’est votre droit le plus absolu. La relance de la croissance, c’est encore plus intéressant, vous n’avez donné aucun moyen pour relancer la croissance. J’en ai un. Vous avez raison, il faut relancer la croissance. Le problème de la France est qu’il y a 1% de croissance de moins que les grandes démocraties, les grandes économies qui progressent dans le monde. Pourquoi ? Parce qu’on travaille moins que les autres. Quel est le levier pour obtenir 1% de croissance de plus ? C’est respecter le travail, récompenser le travail, valoriser le travail. Dix pays en Europe ont le plein emploi, cinq vraiment très fort. Je pense au Danemark, à la Suède, à l’Irlande, au Royaume-Uni et, d’une certaine façon, l’Espagne. Cela devrait vous frapper, Mme Royal, pas un seul d’entre eux n’a fait le partage du temps de travail. Pas un seul a fait les 35 heures. Monsieur Zapateros m’a dit que jamais il ne ferait les 35 heures en Espagne, qu’il ne voulait pas porter atteinte à la compétitivité des entreprises. Vous dites et c’est juste qu’il faut aider les PME françaises. Permettez que je vous pose la question.

Allez-vous, comme c’est prévu dans le programme socialiste, généraliser les 35 heures à tout le monde, notamment aux PME ? Je souhaite libérer la possibilité de travailler en France. Par quel moyen ? On va encourager les gens qui veulent travailler plus pour gagner plus. Comment ? Tout est fait aujourd’hui pour décourager l’obtention des heures supplémentaires. Toute entreprise qui donnera des heures supplémentaires ne paiera pas de charge dessus. Tout salarié qui fera, sur la base du volontariat, des heures supplémentaires ne paiera pas d’impôt dessus. Quand on est au Smic et qu’on travaille cinquante minutes de plus par jour, c’est 15 % d’augmentation de salaire. Il y a un formidable problème de pouvoir d’achat en France. Le salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi.

Cet argent va donner ce pouvoir d’achat, que l’on va distribuer et va relancer la croissance. Pour relancer la croissance, je veux libérer les forces de travail. Deux petites remarques.

Vous dites qu’il faut créer de nouveaux emplois dans la fonction publique. D’accord, pourquoi pas. C’est sympathique. Comment payez-vous ? Fait-on, comme l’a demandé François Hollande, une nouvelle CSG ? Pouvez-vous dire aux Français qui nous écoutent que, si vous êtes élu, il y aura une nouvelle CSG ? C’est bien beau de dire que l’on va faire de nouvelles dépenses, mais c’est l’argent des Français, l’argent qui taxe le travail, l’argent qui fait en sorte qu’il y a tant de délocalisations, car, les impôts et les charges sont si lourdes qu’il y a une tentation de délocaliser. Il faut protéger les Français contre celles-ci. Si vous augmentez les dépenses, vous augmentez les impôts. Si vous le faites, vous détruisez du pouvoir d’achat de la croissance, ce qui n’est pas très intelligent. Tel est ce qu’ont fait tous les pays qui ont fait le plein emploi. Je me suis engagé sur le plein emploi. J’ai dit aux Français que, au bout de cinq ans, on sera à 5 %. Les autres ont libéré les forces de travail, ils n’ont pas fait les 35 heures.

Vous dites que l’on fait trop payer aux entreprises, mais dites-vous aux Français que les 35 heures coûtent 17 milliards d’euros chaque année pour empêcher les gens de travailler ? Je mettrai un terme aux préretraites, cinq milliards d’euros chaque année, pour que des quinquagénaires pleins de jeunesse, peut-être comme nous, soient obligés de partir en retraite alors qu’ils veulent continuer à travailler. Voilà comment on libère la croissance et comment on sera au plein emploi.

Ségolène Royal : Je n’ai pas dit que j’augmenterai le nombre de fonctionnaires, ne déformez pas mes propos. J’ai dit que je maintenais leur nombre, mais que je les redéploierai en les retirant là où ils ne sont plus nécessaires…

Nicolas Sarkozy : Vous ne pouvez pas passer d’une fonction publique à une autre.

Ségolène Royal : Au moment du départ à la retraite, au lieu de recruter des douaniers, je recrute des infirmières.

Nicolas Sarkozy : Mais non, ce n’est pas possible, Madame. La fonction publique hospitalière est payée par un autre budget que le budget de l’Etat.

Ségolène Royal : Vous plaisantez ! Tous les fonds publics, tout se tient.

Nicolas Sarkozy : Parce que vous pensez que vous gérez l’assurance maladie.

Ségolène Royal : Non, ce n’est pas moi, mais c’est quand même de l’argent public dépensé, des cotisations payées sur les salaires.

Nicolas Sarkozy : Vous ne pouvez pas redéployer entre les collectivités territoriales et l’Etat et entre l’Etat et l’assurance maladie. Ce n’est pas vous qui décidez.

Ségolène Royal : Si vous ne pouvez pas faire, pourquoi voulez-vous accéder aux responsabilités ? Et bien moi, je le pourrai.

Nicolas Sarkozy : Ah bon. Si je suis Président de la République, je ne pourrai pas diminuer les effectifs du conseil régional de Poitou-Charentes.

Ségolène Royal : Pourquoi pas ?

Nicolas Sarkozy : Cela s’appelle l’indépendance des collectivités territoriales. C’est un droit de libre administration garantie par la constitution.

Ségolène Royal : Ce n’est pas l’Etat qui le décidera. C’est la cohérence politique de la répartition responsabilités. Vous avez fait une loi de la décentralisation tellement confuse qu’il y a, je l’ai dit tout à l’heure, qui a entraîné une superposition des compétences entre les différentes collectivités territoriales ce qui fait que tout le monde s’occupe de tout et qu’il y a beaucoup trop de gaspillage. Je remettrai de la clarté dans les responsabilités et la fonction publique sera mieux répartie entre la fonction publique de l’Etat, la fonction publique hospitalière et les fonctions publiques territoriales. Voilà comment j’entends remettre de l’ordre juste dans l’administration et lutter contre toutes les formes de gaspillage.

Venons-en au sujet central qui est la question du travail. Vous avez fait une proposition. Elle a le mérite d’exister. Sur la question des heures supplémentaires, je crois que votre proposition est dangereuse et inefficace. Or, je fais le même constat que vous. Je crois qu’on ne travaille pas suffisamment en France. On ne travaille pas suffisamment, car il y a trop de personnes au chômage. Si vous exonérez les heures supplémentaires, un employeur aura davantage intérêt à donner des heures supplémentaires à un salarié qu’à recruter un nouveau salarié. Or, nous sommes le pays qui subit à la fois le taux de chômage des jeunes le plus élevé et celui des seniors le plus élevé. Par ailleurs, les heures supplémentaires sont possibles, vous le savez. Deux lois François Fillon ont libéré 220 heures supplémentaires par an. Que se passe-t-il dans les entreprises ? Cette possibilité n’est même pas utilisée par les salariés. Les salariés n’utilisent en moyenne que 120 heures supplémentaires par an, car ils ne veulent pas forcément travailler plus ou parce que l’entreprise n’a pas suffisamment de plan de charge pour faire des heures supplémentaires. Moi, je propose au contraire de donner de l’emploi à ceux qui n’en ont pas.

C’est ainsi que nous ferons revenir des cotisations. Je propose de donner de l’emploi aux jeunes qui n’en ont pas, car ce qui ronge aujourd’hui l’équilibre de la société française, ce sont les jeunes diplômés et qualifiés qui n’ont pas accès à l’entreprise. L’entreprise demande à la fois de l’expérience professionnelle aux jeunes, mais, en même temps, elle ne fait pas confiance à ces jeunes. Les inégalités se sont creusées entre les jeunes qui ont des relations et qui trouvent à entrer dans les entreprises pour faire leurs preuves, très souvent, ils le font, car nous avons un très bon système de formation, et ceux qui n’ont pas ces relations, qui n’arrivent pas à entrer dans l’entreprise. C’est pourquoi je propose de créer, sur les 5 années, les 500 000 emplois tremplins pour les jeunes. Mon objectif est de faire en sorte que, en France, les jeunes ne restent pas pendant plus de 6 mois au chômage où en recherche d’activité. C’est emploi tremplin. Cela marche, car je suis une responsable politique qui veut faire des choses qui marchent. Votre décision d’exonérer les heures supplémentaires coûte 5 milliards d’euros. Les emplois tremplins, cela marche et cela ne coûte rien. Pourquoi ? Parce que c’est le recyclage des fonds de la formation professionnelle et des dépenses d’indemnisation du chômage. Je préfère voir un jeune en activité payé pendant 6 mois par les collectivités locales.

Elles ont déjà commencé et cela fonctionne dans ma propre région. J’ai déjà créé 3000 emplois tremplins. Ensuite, les jeunes font leurs preuves dans l’entreprise. Ils montrent de quoi ils sont capables et, au bout de ces 6 mois, l’entreprise leur fait un contrat à durée indéterminée. S’ils sont inadaptés à l’entreprise, on leur donne une formation professionnelle complémentaire. Je pense que l’emploi va à l’emploi. Un jeune qualifié diplômé, qui a la possibilité de montrer ce dont il est capable dans l’entreprise, bien souvent, il va rester dans l’entreprise, car il va y avoir un lien de confiance.

Patrick Poivre d’Arvor : Je voudrais faire un rappel historique. Depuis 1974, le lendemain du premier choc pétrolier, c’était le premier grand débat entre deux candidats à la finale de la présidentielle. Tous les candidats de gauche et de droite ont dit : "Je vais gagner la bataille contre l’emploi." On voit où on en est aujourd’hui. Quelles sont vos solutions à vous, Nicolas Sarkozy, pour arriver au plein emploi ?

Nicolas Sarkozy : Aujourd’hui, c’est le plus faible taux de chômage en France depuis 25 ans. Je ne dis pas que l’on a tout réussi, mais c’est le taux le plus faible. Comment faire pour aller plus loin ? Ce que dit Mme Royal est intéressant. C’est une différence essentielle entre son projet et le mien. Au fond, elle est dans la stricte logique socialiste du partage du temps de travail. Il y a un temps de travail qui est comme un gâteau, il faut le partager. Elle nous dit que personne ne travaille plus de 35 heures, ainsi, cela obligera les autres à embaucher. Nulle part ailleurs dans le monde, on ne fait cela. Il n’y a pas un seul pays, madame, socialiste ou pas, qui a retenu la logique du partage du temps de travail, qui est une erreur monumentale.

Les 35 heures n’ont pas créé d’emplois et ont été responsables de quelque chose de plus grave encore : la rigueur salariale, qui fait que nos salaires sont trop bas. Cela pèse sur le pouvoir d’achat des Français. Le pouvoir d’achat en berne, c’est moins de croissance. Je propose une autre stratégie, la stratégie qui a marché partout. Vous citez les démocraties du Nord de l’Europe, c’est ce qu’ils font. Vous avez votre ami Blair au Royaume-Uni, c’est ce qu’il a fait. Zapattero, c’est ce qu’il a fait. Le travail des uns crée le travail des autres. C’est pourquoi l’institut Rexecode, organisme indépendant, a noté le projet économique…

Ségolène Royal : On connaît la musique ! C’est l’organisme du Medef. Vous le savez bien.

Nicolas Sarkozy : Savez-vous par qui il est dirigé ? Par M. Michel Didier, l’un des économistes que M. Jospin avait nommé en 1998 dans son conseil des experts. L’organisme que vous venez de contester, son président a été nommé par Lionel Jospin lui-même dans le conseil des experts qui entourait le Conseil des ministres d’alors. Ce n’est pas gentil pour M. Jospin.

Ségolène Royal : Que cela a entraîné un point de croissance en moins. C’est bien l’organisme du Medef. Monsieur Juppé nous a servi cet argument régulièrement. Continuez.

Nicolas Sarkozy : Merci de m’y autoriser ! Mon projet crée 230 000 emplois de plus.

Ségolène Royal : Merci Medef ! Non, allez-y, continuez !

Nicolas Sarkozy : Pourquoi regardez-vous toute personne qui n’a pas votre opinion avec ironie, avec mépris ? L’institut Rexecode n’est pas l’institut du Medef. Et quand bien même… C’est parce qu’on est chef d’entreprise que l’on ne connaît rien à l’emploi ? Parce que l’on n’est pas de gauche, on n’a pas le droit de parler de ces sujets ? J’attache beaucoup de prix à vos réponses. Je ne dis pas que c’est stupide. J’essaie de comprendre et d’expliquer aux Français quelles sont nos différences. Tous les pays du monde ont augmenté les possibilités de travailler.

Première modification, aujourd’hui les heures supplémentaires sont payées 10% de plus. Je ferai payer 25% de plus. Comme il n’y aura pas de charges, les entreprises pourront augmenter les salaires. Avec du salaire augmenté, on donne du pouvoir d’achat. Avec du pouvoir d’achat, on crée de la croissance. Avec la croissance, on crée des emplois. Comme les cotisations sociales sont déplafonnées, l’entreprise qui donne une heure supplémentaire doit payer 10% de plus, je propose 25%, plus des cotisations sociales augmentées à dû prorata de l’augmentation du salaire. Elle n’a pas intérêt à les donner. On a fait ce système invraisemblable que le contribuable paie 16 milliards pour financer les 35 heures et que les salariés n’ont pas droit aux augmentations de salaire dont ils ont besoin. Je proposerais deux autres choses pour trouver le plein emploi. 500 000 offres d’emplois ne sont pas satisfaites. Je souhaite créer un service public de l’emploi en fusionnant l’Unedic et l’ANPE. Dans la conception de la République, il ne peut pas y avoir des droits sans les devoirs.

Je propose que l’on ne puisse pas, lorsqu’on est chômeur, refuser plus de deux offres d’emplois successives qui correspondent, bien sûr, à vos qualifications et à la région où vous habitez. Tous les autres pays le font. J’ai été au Royaume-Uni, c’est extrêmement intéressant. Quand vous êtes chômeur, vous êtes reçu tous les quinze jours. Dans le service public d’aujourd’hui, le premier service public est au bout de quatre mois. Je propose qu’il n’y ait pas un seul bénéficiaire de minima social qui ne soit pas conduit à exercer une activité quelle qu’elle soit pour retrouver la dignité de lui-même et rendre à la collectivité ce que la collectivité lui donne. Par ce système, avec le contrat de sécurisation professionnelle, il n’y aura plus aucun licenciement économique si je suis président de la République sans que la personne licenciée n’ait immédiatement un contrat avec le service public de l’emploi, 90 % du dernier salaire, qui lui permettra de retrouver un emploi ou une formation. Avec Borloo, nous l’avons expérimenté dans sept bassins d’emploi. 8000 ont été signés, cela marche. Le plein emploi, Madame Royal, il n’y a aucune raison que ce soit pour les autres. Si vous continuez pour les 35 heures, dont j’aimerais que vous disiez si vous les généralisez, vous les gardez, ou vous les gardez comme un minimum et vous laissez les gens travailler pour gagner plus ? C’est une question qui intéresse les Français.

Ségolène Royal : Si vous pensez que les 35 heures ont créé autant de dégâts, pourquoi ne les avez-vous pas supprimées pendant ces cinq années ? Parce que vous savez…

Nicolas Sarkozy : Puis-je répondre à cela ?

Ségolène Royal : Allez-y ! Parce que vous savez bien que cela correspond à un progrès social. Vous savez ce que les gens ont fait du temps libéré, qui ont créé plus d’un million d’emplois ? Les gens, pour 70 % d’entre eux, se sont mieux occupés de leur famille. Beaucoup de femmes, en particulier, ou les salariés qui ont les travaux les plus difficiles, au bout de 35 heures, sont fatigués. Donc l’augmentation de la durée du travail ne va pas dans le sens du progrès social. Je suis pour la liberté de ceux qui veulent travailler plus. C’est possible, on l’a vu, puisque les heures supplémentaires sont possibles.

Nicolas Sarkozy : Que faites-vous des 35 heures, vous les gardez ?

Ségolène Royal : Je l’ai dit. La deuxième loi sur les 35 heures a été une loi trop rigide. Je suis capable de regarder les choses telles qu’elles sont, et la réalité des entreprises telle qu’elle est. J’ai cette responsabilité dans les régions. Nous gérons les aides économiques des entreprises. Tous les jours, je suis auprès des chefs d’entreprise. J’ai vu que la deuxième loi avait été trop rigide. J’ai dit dans mon pacte présidentiel que toute modification du Code de travail se ferait après une négociation entre les partenaires sociaux. Toute modification du Code du travail et pas en assénant un certain nombre de choses. Vous avez vu les réactions.

Nicolas Sarkozy : Que veut dire "trop rigide" ? Qu’allez-vous modifier ?

Ségolène Royal : Les partenaires sociaux se mettront d’accord et discuteront branche par branche. S’il n’y a pas d’accord, il n’y aura pas de nouvelle loi.

Nicolas Sarkozy : Que changez-vous ? Les 35 heures comme un minimum, je ne les toucherai pas. Je garde les 35 heures comme la durée hebdomadaire.

Ségolène Royal : Vous reconnaissez que c’est un progrès social économique important. Je vais vous donner un exemple. J’étais récemment dans une entreprise de haute technologie dans la Creuse qui produit des panneaux solaires. Elle est passée aux 32 heures et a augmenté sa productivité. Contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, j’en ai parlé à Zapatero et à Prodi. Je suis allée en Suède voir la situation des entreprises. Dans bien des entreprises, quand elles sont performantes sur le plan technologique, elles ont même de durées de travail inférieures aux 35 heures.

Nicolas Sarkozy : A 32 heures, ils sont payés combien ?

Ségolène Royal : Ils sont payés comme aux 35 heures.

Nicolas Sarkozy : On n’augmente pas le pouvoir d’achat.

Ségolène Royal : Si.

Nicolas Sarkozy : Or, il y a un problème considérable de pouvoir d’achat.

Ségolène Royal : Laissez les gens libres. Laissez la liberté aux gens. Ne leur imposez pas de travailler plus pour gagner plus. Vous savez ce que c’est que la valorisation du travail ? C’est un travail payé à sa juste valeur. Trouvez-vous qu’il est normal que des salariés commencent leur carrière au Smic à 980 euros nets par mois et terminent…. Laissez-moi finir !

Nicolas Sarkozy : Qu’est-ce que vous changez dans les 35 heures ? On n’y comprend rien.

Ségolène Royal : Si, si, vous avez parfaitement compris. Vous faites semblant de ne pas comprendre. J’observe que vous ne reviendrez pas sur les 35 heures. Vous ne les avez pas remises en cause. Elles ne sont pas responsables de tous les maux de la terre, comme le dit également le Médef. J’ai rencontré la présidente du Médef, elle m’a dit : "Revenez sur les 35 heures." Ce n’est pas sérieux ! Il y a d’autres sujets sur lesquels discuter. Vous voulez qu’on annule les 35 heures ? Elle m’a dit "non". Dont acte. C’est un acquis social important, mais cela a créé des difficultés dans des petites entreprisesparce qu’elles ont été appliquées de façon trop uniforme. Nous rediscuterons des 35 heures pour savoir si, oui ou non, et de quelle façon elles peuvent être généralisées et dans quelles branches. Ce seront les partenaires sociaux qui en discuteront. Je les ai déjà tous reçus les partenaires sociaux.

Je n’attends pas d’être élue pour travailler. J’ai rencontré l’ensemble des organisations syndicales et des organisations patronales. Je leur ai dit que la réforme profonde du fonctionnement de la République demain sera une réforme de la démocratie sociale. Je souhaite qu’il y ait davantage de salariés qui adhèrent aux syndicats. Pourquoi ? Dans un pays comme le nôtre où nous n’avons que 8 % de salariés qui adhèrent aux syndicats, alors que dans les pays du Nord de l’Europe 80 % des salariés adhèrent à une organisation syndicale, à ce moment-là il y a un dialogue social constructif qui se crée, des compromis sociaux. Je termine.

Nicolas Sarkozy : Dans la fonction publique, autoriserez-vous l’octroi d’heures supplémentaires aujourd’hui interdites, oui ou non ?

Ségolène Royal : Je termine sur les 35 heures. Les partenaires sociaux, parce que le syndicalisme aura été renforcé par le chèque syndical, par un crédit d’impôt, parce que, désormais, ils auront une responsabilité éminente, il n’y aura plus de loi qui sera imposée dans le domaine social tant qu’il n’y aura pas eu de discussions entre les partenaires sociaux. Ensuite, la loi viendra consolider ces discussions, apporter les financements nécessaires ou généraliser le droit du travail. La réponse très précise sur les 35 heures est qu’il y aura sur ce sujet, comme sur les autres, la négociation entre partenaires sociaux branche par branche, soit ils se mettent d’accord et il y aura les 35 heures, soit ils ne se mettent pas d’accord et il n’y aura pas de généralisation des 35 heures dans les entreprises concernées.

Je veux relancer la croissance, pas seulement avec les 2 heures supplémentaires que vous voulez exonérer, avec le chômage que cela va provoquer, puisque comme je l’ai dit tout à l’heure, les patrons auront intérêt à donner des heures supplémentaires que le salarié ne peut pas choisir. Il faudra du plan de charge pour donner des heures supplémentaires. Je préfère qu’un employeur recrute un jeune ou un salarié de plus de 50 ans au chômage plutôt que de donner des heures supplémentaires exonérées, c’est-à-dire un nouveau cadeau aux entreprises sans contrepartie. Notre mesure coûte 5 milliards d’euros.
En revanche, ce qui est très important, c’est de prendre un peu de recul par rapport à l’enjeu économique et de se dire qu’aujourd’hui la vraie bataille est l’économie de la connaissance.

J’ai proposé d’investir massivement dans l’innovation et la recherche. Les efforts dans la recherche ont drastiquement diminué, à tel point que le mouvement « Sauvons la recherche » qui ne voulait appeler pour aucun candidat vient de tirer la sonnette d’alarme et de me soutenir. Ils savent à quel point la façon dont vous avez diminué les investissements de la recherche.

Patrick Poivre d’Arvor : La recherche, on peut en reparler, mais Nicolas Sarkozy va répondre.

Nicolas Sarkozy : Je pense que les Français attendent de nous de la précision. Il y a une capacité à surfer d’un sujet à l’autre avec quelques généralités qui font...

Ségolène Royal : Allons au fond du sujet, chacun sa méthode. J’ai ma liberté de parole et vous avez la vôtre.

Nicolas Sarkozy : Merci. S’agissant des 35 heures, que fait-on ? On garde les 35 heures comme durée hebdomadaire. Je suis pour une durée hebdomadaire du travail de 35 heures. Tout ce qui est travaillé au-dessus est payé. Au-delà de 35 heures, c’est plus 25 % de salaire, au-delà de 39 heures, c’est plus 50 %, dans le privé comme dans le public. Il y a de tout petits salaires dans le public et il n’est pas admissible que l’on ne donne pas des heures supplémentaires. Je souhaite que l’on en donne à des jardiniers, à des cantonniers, à des officiers d’état-civil et à des policiers municipaux. Dans nos collectivités territoriales, aujourd’hui, cela n’est pas possible.

A quoi servent les RTT quand on n’a pas de quoi payer des vacances à ses enfants ? A quoi cela sert quand, à la fin du mois, on a travaillé tout le mois et qu’il ne reste plus rien ? Il y a un problème de pouvoir d’achat. Vous dites avoir visité une entreprise où ils travaillent 32 heures, mais si ce sont des petites salaires, ce n’est pas si formidable que cela, car je veux que les salariés aient le choix s’ils ont un projet éducatif, de vacances, une maison à bâtir, un emprunt à rembourser, laissez-les choisir de travailler plus s’ils sont d’accord.

Sur la question du pouvoir d’achat, qui est centrale, je propose de conditionner les allègements de charges, branche par branche, à la politique salariale des branches. On donne 21 milliards d’euros d’allègements de charges aux entreprises. Fantastique ! A aucun moment, l’Etat ne discute avec les entreprises, branche par branche, de la politique salariale. Les entreprises qui augmenteront les salaires, l’Etat prendra davantage d’allégement à sa charge.

Ségolène Royal : Il est temps ! Nous le demandons depuis cinq ans.

Nicolas Sarkozy : Peut-être, mais c’est dans mon projet, pas dans le vôtre.

Ségolène Royal : Parfaitement, la modulation des aides en fonction de la masse salariale. Nicolas

Nicolas Sarkozy : Je souhaite que les impôts sur les bénéfices soient moins importants pour les sociétés
qui investissent et créent des emplois en France et, plus important, pour celles qui ne le font pas. Dernier point, je propose que les entreprises soient mises devant leurs responsabilités. Cela suffit de mettre dehors les gens de cinquante ans. On ne peut plus faire financer par le contribuable les préretraites à guichet ouvert. Il y a cinq milliards d’euros d’économie.

On ne peut pas dire :"Vous devez cotiser plus longtemps pour la retraite, car on va vivre plus longtemps" et, dans le même temps, conduire des entreprises à pousser les quinquagénaires dehors alors qu’ils ont beaucoup de choses à donner à leur entreprise, à l’emploi et au pays. Voilà ce que je vais essayer de faire pour résoudre le problème du pouvoir d’achat, celui de la croissance avec un service public de l’emploi rénové. Des droits, madame Royal, mais aussi des devoirs, car, sans devoirs, il ne peut pas y avoir de droit.

Patrick Poivre d’Arvor : Je vais vous poser la même question. Sur la sécurité que pouvez-vous apporter en matière de santé, de logement, de retraite ?

Ségolène Royal : Sur la question des droits et des devoirs, un point sur lequel nous sommes d’accord, et dans le programme que je propose, il n’y a aucun de droits nouveaux sans contrepartie. On est dans le donnant/donnant, dans le gagnant/gagnant. Sur cette question, je pense que la première des sécurités, c’est la sécurité du salaire et la sécurité du pouvoir d’achat. Je propose de revaloriser le Smic et les bas salaires.

Dès l’élection, se réunit la conférence nationale sur la croissance et les salaires avec les partenaires sociaux pour décider de l’augmentation des bas salaires, car nous sommes un des pays d’Europe où les bas salaires sont les plus bas. Je pense que la croissance économique dépend de la redistribution du pouvoir d’achat sur les bas salaires. Ce sera l’une de mes priorités. Sur l’autre question, car je voudrais revenir sur la relance économique, une chose très importante, car je crois beaucoup dans la dynamique des territoires et dans la capacité des Français à créer des entreprises : je veux que le peuple français devienne un peuple d’entrepreneurs et, pour cela, dans les pôles de compétitivité qui sont dans toutes les régions.

Nicolas Sarkozy : Qui ont été créés par qui ?

Ségolène Royal : Sur lesquels nous avons attendu pendant trois ans l’aide de l’Etat qui n’est pas venue. Je veux m’appuyer avec l’ensemble des 26 régions de France, quand nous allons déployer cette énergie des territoires, car le chef de l’Etat que je serai, avec l’ensemble des Présidents de régions, vont enfin tirer dans la même direction, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Songez que j’ai attendu deux ans avant d’avoir l’accord du gouvernement auquel vous appartenez pour pouvoir ouvrir une usine de biocarburants à La Rochelle, deux ans d’attente d’autorisation administrative !Je veux que les régions soient en première ligne avec les universités et les centres de recherche. Je transférerai les ressources, car les chefs d’entreprise peuvent se mettre ensemble, dans les pôles de compétitivité, dans chaque université auxquelles je vais donner de l’autonomie.

Il y aura des pépinières d’entreprises et chaque jeune qui sortira de l’université aura accès à un prêt gratuit, aura accès à ce service donné à part l’entreprise et l’université pour créer son activité son emploi sa petite entreprise. Je pense que c’est comme cela aussi que nous remettrons en mouvement les talents de nos territoires. Il y a du potentiel considérable. Il y a aujourd’hui des gens désespérés. Nos chercheurs s’en vont à l’étranger, ils fuient aux Etats-Unis où ils sont payés trois à quatre fois plus cher qu’en France. Nous perdons notre matière grise. Je serais la Présidente de la république qui fera en sorte que la matière grise de la France reste en France, qui fera en sorte que les jeunes diplômés aient envie de créer leur entreprise, qui fera en sorte que les pôles de compétitivité, c’est-à-dire les entreprises d’aujourd’hui, de demain, les industries de la connaissance, qui sont aujourd’hui même menacées par les délocalisations, car quand vous voyez une entreprise comme Alcatel qui délocalise, je dis que la situation est très dangereuse.

Avant, c’étaient les entreprises à bas salaires qui l’étaient ; aujourd’hui, sont touchées les entreprises de haute technologie. Le moment est urgent. Il faut faire autrement. Il faut voir l’économie autrement. Il faut la voir en dynamique avec les territoires, en rassemblant, en réunissant la recherche, la formation et l’entreprise. Je pense que c’est ainsi que nous déploierons les énergies. Pour apporter une réponse aux sécurités…

Arlette Chabot : On va d’abord terminer sur la création d’entreprise…

Nicolas Sarkozy : Vous avez une capacité à répondre à vos questions…

Ségolène Royal : Car je connais les sujets dont je parle et je sais que ce que je dis, je le réaliserai car je le vois fonctionner sur les territoires. Je suis allée dans les autres pays voir ce qui marche. Je serais la Présidente de ce qui marche, sans œillères, en regardant tout ce qui peut fonctionner. Je crois que je pourrai, ainsi, redébloquer la machine économique.

Nicolas Sarkozy : Si vous êtes la Présidente de ce qui marche, je veux être le Président qui fasse que ce qui ne marche pas marche, car si c’est pour être la Présidente de ce qui va, il n’y a pas de problème, les gens ne votent pas pour nous, pour que l’on complique ce qui va. Au contraire, ils votent pour que l’on répare ce qui ne va pas. Pour les pôles de compétitivité, qui les a créés ? Ségolène Royal : Les entreprises, pas vous. Ne vous le attribuez pas. Ce sont les réseaux de chefs d’entreprise qui, aujourd’hui, n’ont pas les avantages fiscaux que vous aviez promis. Moi, je leur donnerai.

Nicolas Sarkozy : La politique moderne, c’est l’honnêteté !

Ségolène Royal : En effet !

Nicolas Sarkozy : Les pôles ont été créés en 2004, à la suite du rapport parlementaire remarquable de Christian Blanc. J’étais Ministre des finances, c’est alors que l’Etat les a créés. Cela ne pouvait pas être les régions, car les pôles sont des exonérations fiscales et sociales qui ne peuvent pas être décidées par les régions, mais par l’Etat…

Ségolène Royal : Mais qui ne sont pas arrivées…

Nicolas Sarkozy : Peu importe.

Ségolène Royal : Non, pas "peu importe" !

Nicolas Sarkozy : Soyons honnêtes, il y a des choses bien que vous avez faites, des choses bien que nous avons faites…

Ségolène Royal : Les exonérations fiscales sont arrivées ?

Nicolas Sarkozy : Oui.

Ségolène Royal : Ce n’est pas vrai ! Aucune exonération fiscale...

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas exact. Cela fonctionne, cela marche et c’est parce que cela marche que vous en parlez. Autrement, vous n’en parleriez pas.

Patrick Poivre d’Arvor : Santé, logement, retraite, ce sont des sujets extrêmement précis.

Nicolas Sarkozy : La question des retraites est essentielle. Il faut la garantir. Les lois François Fillon ont permis de rééquilibrer l’égalité entre salariés du public et salariés du privé, qui cotisent quarante ans. Jusqu’en 2020, on n’a pas de souci majeur à avoir quant au financement de nos retraites. Je garantirai l’application des lois François Fillon. Madame Royal a dit qu’elle les démantèlerait, on verra comment elle finance.

Il y a un ensemble de régimes de retraite qui n’ont pas été réformés : les régimes spéciaux. Je respecte les gens qui adhèrent aux régimes spéciaux EDF, SNCF, RATP, mais dans un pays où il est écrit "égalité" au frontispice de nos établissements publics, il est curieux d’expliquer que certains Français doivent cotiser 37,5 ans pour avoir leurs retraite alors que les autres cotisent 40 ans. Je réformerai les régimes spéciaux par souci d’égalité. Il y a 3 millions de petites retraites, c’est-à-dire 3 millions de personnes qui sont en dessous du minimum vieillesse. J’augmenterai de 25 % les petites retraites et je les ferai financer, car on aura récupéré sur la réforme des régimes spéciaux. Je veux mettre sur la table la question des pensions de reversion. La situation faite aux veuves est catastrophique. C’est 54 %. Quand un mari décède, sa veuve a 54 % de la pension. Je la porterai à 60 %. La question des retraites est centrale.

Deuxième élément, le logement. Mon ambition serait de faire de la France un pays de propriétaires. Un Français sur deux est propriétaire de son logement. 80 % d’Espagnols le sont. 76 % des Anglais le sont. 12 millions de familles françaises aimeraient être propriétaires et ne le sont pas. Dès l’été 2007, je créerai un crédit d’impôts permettant, pour ceux qui payent l’impôt sur le revenu, de déduire les intérêts de l’emprunt pour acheter leur appartement, et pour ceux qui ne le paient pas, un crédit d’impôt, c’est l’Etat qui remboursera. Pour ceux qui n’ont pas de relation, je créerai un système de cautionnement public pour leur permettre d’emprunter. Enfin, je veux revenir sur l’injustice invraisemblable qui fait que, quand vous empruntez, on vous demande une visite médicale. Si vous êtes malade, on veut bien vous prêter, mais cela coûte plus cher. C’est scandaleux, ce n’est pas parce qu’on est malade qu’on n’a pas le droit de se loger.

Sur la santé, il faut créer un cinquième risque, celui de la dépendance, car une société qui ne s’occupe pas des personnes âgées se renie, perd son humanité. Je veux engager un plan contre Alzheimer, 890 000 Français sont touchés par Alzheimer aujourd’hui. J’ai vu dans une maison en Bretagne un monsieur de 64 ans qui, en un an, est devenu totalement un autre, qui ne reconnaissait plus ses proches. Cela va concerner 1,7 million de Français. Il faut engager un plan contre cette maladie pour trouver un remède. Il faut poser la question du remboursement des prothèses dentaires et du remboursement des lunettes, car ce ne sont pas des luxes.

Ségolène Royal : Vous ne nous avez pas dit comment vous financez tout cela, car parallèlement, vous avez annoncé une baisse de quatre points des prélèvements obligatoires, c’est-à-dire 72 milliards…

Nicolas Sarkozy : 68.

Ségolène Royal : Certains économistes l’ont évalué à 72, mais 68 d’euros, c’est déjà considérable avec l’ensemble des dépenses que vous venez d’énumérer…

Nicolas Sarkozy : Vous voulez que je réponde tout de suite ?

Ségolène Royal : Non, car on ne peut pas se plaindre de la dette et additionner les dépenses…

Nicolas Sarkozy : Voulez-vous que je réponde maintenant, madame ?

Ségolène Royal : Non. Je vais être plus précise puisque vous l’avez demandé. Quand vous dites que vous allez financer l’augmentation des petites retraites par la réforme des régimes spéciaux, vous savez que cette réforme va prendre un certain temps. Il y a comme un tour de passe-passe. Vous ne dites pas combien de temps cela va prendre. Il y aura des discussions, des remises à plat. Moi, je veux revaloriser tout de suite dès mon élection les petites retraites…

Nicolas Sarkozy : Comment ?

Ségolène Royal : Je mets des fonds supplémentaires au fonds de réserve de retraite…

Nicolas Sarkozy : Vous les prenez où ?

Ségolène Royal : Par une taxe sur le revenu boursier…

Nicolas Sarkozy : De combien ?

Ségolène Royal : Les partenaires sociaux en discuteront, mais le principe est là.

Nicolas Sarkozy : Vous mettez combien sur le fonds ?

Ségolène Royal : Je vous donne déjà les principes…

Nicolas Sarkozy : Il y a 36 milliards et l’Etat met 6 milliards par an, donc c’est très intéressant, mais cette taxe que vous annoncez, lorsque Jospin a créé ce fonds, il a prévu 120 milliards d’euros. Il y en a 36. Chaque année, l’Etat en met 6. Votre taxe est à peu près de combien ?

Ségolène Royal : Cette taxe sera au niveau de ce qui sera nécessaire pour faire de la justice sociale.

Nicolas Sarkozy : C’est une précision bouleversante. Vous ne pouvez pas donner de chiffre ?

Ségolène Royal : Non.

Nicolas Sarkozy : C’est votre droit…

Ségolène Royal : Oui, c’est mon droit, car la relance de la croissance économique va permettre des cotisations supplémentaires.

Nicolas Sarkozy : Vous créez une taxe sans dire son montant et l’espérance de recette ?

Ségolène Royal : Oui.

Nicolas Sarkozy : Avec cela, on est tranquille pour l’équilibre de nos régimes de retraite ! Ségolène

Royal : Oui, car j’ai une recette. Ce que je veux dire sur cette question des retraites, c’est que c’est une question essentielle. Pourquoi ? Car c’est la solidarité entre générations.

Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est le fait que les petites retraites font basculer des millions de personnes dans la pauvreté. Pourquoi ? Parce que le pouvoir d’achat des petites retraites a baissé. Je me suis engagée à réformer l’indice des prix, car l’indice des prix ne calcule pas exactement ce que consomment les personnes âgées. Je veux que l’indexation des retraites suive vraiment la consommation des personnes âgées. Je vois de plus en plus de personnes, dans mes permanences, qui ne font plus qu’un repas par jour. Des femmes partent à la retraite avec un niveau de retraite à peine supérieur au minimum vieillesse, parce qu’elles se sont interrompues pour élever leurs enfants et que la réforme de la loi Fillon a créé une injustice insupportable aux dépens des femmes. En allongeant la durée de cotisations, elle a frappé les femmes qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants. Je pense aussi aux femmes qui ont élevé leurs enfants, donc aux pensions de réversion.

Nicolas Sarkozy : Garderez-vous les lois Fillon ?

Ségolène Royal : Non, je remets à plat les lois Fillon ne serait-ce que pour cette question de l’injustice faite aux femmes.

Nicolas Sarkozy : Si je comprends bien, vous augmentez les retraites, mais, ce qui avait été fait comme financement grâce aux lois Fillon, vous le remettez à plat et vous les détruisez.

Ségolène Royal : Non.

Nicolas Sarkozy : Quand M. Hollande annonce une CSG pour payer les retraites, vous infirmez ou vous confirmez ?

Ségolène Royal : Puis-je me permette de finir le déroulement de ma pensée ? Oui, je remets à plat les lois Fillon. Cela ne veut pas dire que nous détruisons tout. Nous remettons à plat et nous discutons avec les partenaires sociaux. Pourquoi ? Parce que les lois Fillon ont créé des injustices, en particulier des injustices faites aux femmes. Moi, je pense que…

Nicolas Sarkozy : Garde-t-on les quarante années de cotisation ?

Ségolène Royal : Cessez de m’interrompre ! Je connais bien la technique. Deuxièmement, nous prendrons en compte la pénibilité des tâches. Je souhaite qu’il y ait des retraites à la carte, que ceux qui veulent travailler plus longtemps puissent le faire. Mais que ceux qui sont fatigués parce qu’ils ont eu des métiers extrêmement difficiles puissent s’arrêter plus tôt. Entre un ouvrier et un cadre supérieur, il y a une espérance de vie de sept années d’écart. Une espérance de vie de sept années d’écart dans la France d’aujourd’hui ! Trouvez-vous cela juste ? Cette qualité de vie n’est pas la même suivant que l’on a subi des accidents du travail, la pénibilité des tâches. Il y a aujourd’hui en France 2000 accidents du travail par jour.

Là aussi, il y a des réserves de croissance si on lutte contre les accidents du travail et contre les maladies professionnelles. C’est une globalité de l’approche de la question des retraites. C’est à la fois la qualité de la retraite, le niveau du revenu auquel est prise la retraite, le droit des femmes, la question aussi des femmes qui n’ont jamais travaillé. Je pense à elles, dans la France d’aujourd’hui, parce que je crois que choisir d’avoir élevé ses enfants est aussi le plus beau des métiers quand on l’a choisi. Or, si on finit sa vie dans la pauvreté ou au minimum vieillesse, ce n’est pas juste. Je veux rediscuter avec les partenaires sociaux de quelle façon nous pouvons prendre en compte ce travail maternel qui a été fait et qui, aujourd’hui, n’est pas reconnu. Tel est ce que je compte remettre sur la table. En effet, j’espère que, par la relance de la croissance, nous aurons des recettes au niveau des cotisations. Si cela ne suffit pas, nous ferons une taxe sur les revenus boursiers. Voilà comment je vois la réforme des retraites, qui est en effet un des sujets de société les plus importants. Pour la première fois, on voit, en France, des jeunes qui sont inquiets de leur retraite, alors que, il y a quelques années, ce n’était pas une idée qui leur effleurait l’esprit.

Patrick Poivre d’Arvor : Il y a une différence entre vous, au détriment de

Nicolas Sarkozy : Pouvez-vous répondre ?

Nicolas Sarkozy : C’est un point extrêmement important qui devrait, me semble-t-il, faire consensus entre la gauche et la droite. Comment finançons-nous nos retraites ? Cela ne devrait pas être un sujet de bagarre politique, madame Royal.

Ségolène Royal : Je n’en fais pas une bagarre politique.

Nicolas Sarkozy : Cela devrait être un sujet d’Etat où l’ensemble de la classe politique républicaine devrait s’additionner pour trouver des solutions.

Ségolène Royal : Comment les financez-vous ? Quelle est votre idée ?

Nicolas Sarkozy:Les lois Fillon consistaient à passer à quarante années dans un premier temps, à quarante et un dans un deuxième temps de cotisations. L’idée de François Fillon, qui est juste, est que, puisque l’on va vivre plus longtemps, il faut cotiser plus longtemps pour payer les retraites. Cela me semble assez simple.

Ségolène Royal:Non, cela dépend de la pénibilité du travail. Quand il y a un écart d’espérance de vie, tel que je viens de le dire, c’est très injuste ! On ne va pas uniformiser les durées de cotisation. Je prendrai en compte la pénibilité du travail pour décider de la durée de cotisation.

Nicolas Sarkozy:La pénibilité du travail est déjà prise en compte dans les lois Fillon. Mais elle ne résout pas tous les problèmes. Nous vivons plus longtemps, il va falloir cotiser plus longtemps. Oui ou non, sommes-nous capables, gauche et droite, de nous mettre d’accord sur cette idée simple que tous les pays développés au monde augmentent la durée de cotisation pour prendre sa retraite ? Il faut le faire en France. Vous dites "Je vais remettre à plat la loi Fillon.", cela signifie que vous revenez sur ce qui a été le travail du gouvernement Balladur et du gouvernement Raffarin pour obtenir le financement pérenne de nos régimes de retraite. C’est irresponsable. Deuxième élément…

Ségolène Royal:Le financement n’est pas résolu.

Nicolas Sarkozy:Il est résolu jusqu’en 2020.

Ségolène Royal:Il n’est pas résolu, vous le savez très bien.

Nicolas Sarkozy:Ce n’est contesté par personne, les lois Fillon…

Ségolène Royal:Toutes les branches de la sécurité sociale et tous les comptes sociaux sont en déficit. Ne chipotons pas sur les chiffres, parce que je crois que les Français attendent un débat d’un autre niveau.
Nicolas Sarkozy:C’est un débat d’un très bon niveau de savoir comment on va financer les retraites. Madame, pardon de vous le dire, vous faites une erreur. Le financement des retraites est équilibré jusqu’à l’horizon 2020. Premier point, vous voulez tout remettre à plat. Tout le travail qui a été fait, vous voulez le démolir.

Ségolène Royal : Remettre à plat ne veut pas dire démolir. Vous êtes très brutal.

Nicolas Sarkozy : Vous ne voulez pas réformer les régimes spéciaux ?

Ségolène Royal:Si, nous réformerons les régimes spéciaux, y compris le vôtre, celui des parlementaires.

Nicolas Sarkozy : Je ne suis pas parlementaire.
Ségolène Royal:Vous n’avez pas été parlementaire ?

Nicolas Sarkozy:Si, vous aussi.

Ségolène Royal:Vous ne parlez jamais du régime spécial des parlementaires, je le remettrai à plat.

Nicolas Sarkozy : Très bien, vous le ferez, il n’y a aucun problème et je serai d’accord avec vous. Vous annoncez donc aux adhérents aux régimes spéciaux que vous allez faire la réforme des régimes spéciaux.
Ségolène Royal : Bien sûr. Les régimes spéciaux seront mis dans la discussion des retraites. Evidemment.

Nicolas Sarkozy : C’est un point extrêmement important.

Ségolène Royal : Il a toujours été dit, sans crier haro sur les régimes spéciaux…

Nicolas Sarkozy : Il ne s’agit pas de crier haro.

Ségolène Royal : Je n’oppose pas les uns aux autres.

Nicolas Sarkozy : Moi non plus.

Ségolène Royal : Tout sera mis à plat, y compris les régimes spéciaux.

Nicolas Sarkozy : Quand certains cotisent trente-sept années et demie quand d’autres cotisent quarante ans, ce n’est pas crier haro sur ceux qui cotisent trente-sept années et demi que de leur dire : "L’égalité, dans la France d’aujourd’hui, c’est que vous cotisiez comme les autres." Sur l’idée de François Hollande de créer une CSG supplémentaire…

Ségolène Royal : Vous ferez un débat avec François Hollande quand vous le souhaiterez.

Nicolas Sarkozy : Cela ne vous engage pas ?

Ségolène Royal : Non.

Nicolas Sarkozy : Très bien, il sera content de l’apprendre, j’aurai au moins facilité cela.

Ségolène Royal : Disons les choses telles qu’elles sont, ce n’est pas ma conception du pouvoir que de décider de façon péremptoire et unilatérale comment nous allons régler ces problèmes. Je vous l’ai dit, ce sont d’abord les partenaires sociaux qui vont discuter, avec l’Etat bien sûr, il y aura des réunions tripartites. Je ne considère pas…

Nicolas Sarkozy : Il n’est pas anormal que le président de la République ait une idée de comment on finance-t-on les retraites ? Ce n’est pas quelque chose d’atroce.

Ségolène Royal : Je vous les ai données.

Nicolas Sarkozy : Non. Les deux idées que vous avez avancées, c’est une taxe dont vous avez refusé de nous dire le montant, l’assiette et la recette. La deuxième idée que vous avez avancée, c’est la mise à plat de la loi Fillon. La troisième idée est la grande discussion. C’est la sixième ou septième depuis qu’on débat ensemble. La grande discussion, il faut qu’elle débouche sur quelque chose ! Il y a des millions de retraités et de salariés qui se disent : "J’ai trimé toute ma vive, j’entends qu’on équilibre mon régime de retraite et avoir ma pension." Avec moi comme président de la République, les choses sont parfaitement claires, elles seront en ordre, on financera et on s’engage.

Ségolène Royal : Avec quelles recettes ? Avec quelles nouvelles cotisations ?

Nicolas Sarkozy : Il n’y a pas besoin de cotisations puisque je ne remets pas à plat la loi Fillon. Les recettes sont très simples. Vous n’avez peut-être pas suivi exactement le débat. Il y a trois solutions pour le régime de retraite : soit vous baissez les pensions de retraite, il n’en est pas question, elles sont trop petites. Soit vous augmentez les cotisations que payent les salariés. Il n’en est pas question, elles sont trop lourdes. Soit vous augmentez la durée de cotisation, c’est les lois Fillon. Comme je garde les lois Fillon, je n’ai pas besoin d’une recette supplémentaire. Vous en avez besoin parce que vous démantelez les lois Fillon.

Ségolène Royal : Je ne peux pas vous laisser dire des choses inexactes, je ne démantèle pas les lois Fillon, je les remets à plat et je mets fin aux injustices les plus criantes, celles que j’ai évoquées tout à l’heure, à savoir la prise en compte de la pénibilité.

Je mets une possibilité de retraite à la carte et je répare les injustices faites aux femmes. Ensuite, je regarde quels sont les besoins de financement, moi aussi je garantis le financement des régimes de retraite, éventuellement, par une ressource nouvelle, mais avant de savoir s’il en faut une, je regarde ce que me donnent les recettes tirées de la relance de la croissance. Voilà comment je tiens la cohérence du dispositif.

Patrick Poivre d’Arvor : Visiblement, on n’arrivera pas à vous mettre d’accord sur les retraites et que l’on n’a pas les recettes de fiscalité.

Arlette Chabot : Une question vous était posée tout à l’heure par madame Royal sur les baisses d’impôts et la faisabilité de ce que vous proposez.

Nicolas Sarkozy : La question des baisses d’impôts, je n’en fais pas un problème idéologique. Nous sommes le pays de l’Europe qui avons les impôts les plus élevés. Qu’est-ce que l’Europe ? La liberté de circulation des hommes, des femmes et des capitaux. On ne peut pas faire l’Europe et avoir les impôts les plus élevés. Nous avons 68 milliards d’impôts de plus que ce que paie la moyenne des 15 pays les plus riches de l’Union européenne. Il faut donc revenir à nos moyens. Le problème de la France est que l’on paie trop d’impôts, que les charges sont trop lourdes. Le résultat, ce n’est pas un problème de libéralisme ou d’idéologie, mais comme nous sommes dans un monde ouvert, si le travail est trop taxé, le travail s’en va. Si le capital est trop taxé, le capital s’en va. S’il n’y a plus de capital et plus de travail, il n’y a pas de croissance.

Tout le problème de la France est de comprendre, madame, que nous sommes dans un environnement concurrentiel et que l’on ne peut pas imposer à nos entreprises des impôts plus lourds que ce que paient les entreprises concurrentes dans les pays voisins. On ne peut pas imposer aux contribuables français des prélèvements et des impôts plus lourds que ce que l’on paie dans les autres pays. Il faut, d’une manière ou d’une autre, réduire le train de vie de l’Etat, les dépenses publiques, être plus productifs, faire mieux avec moins pour alléger le poids de la fiscalité tel qu’il pèse aujourd’hui sur le travail. C’est pourquoi je propose que l’on taxe les importations pour qu’elles financent la protection sociale des Français. La question de la fiscalité, ce n’est plus une question gauche, droite, ce n’est pas une question de socialisme ou de libéralisme, c’est une question d’efficacité dans le monde ouvert qui est le nôtre. C’est pourquoi j’ai proposé de ne pas remplacer un départ sur deux à la retraite des fonctionnaires, que j’ai proposé de supprimer tous les organismes qui ne servent à rien. On a multiplié un certain nombre d’agences aujourd’hui, il faut les supprimer. J’ai proposé, si je suis élu président de la République, la mise en place systématique d’une politique d’évaluation de toutes les politiques publiques. Vous avez parlé de la formation professionnelle, vous avez parfaitement raison, il y a des gains de productivité phénoménaux dans ce domaine.

Patrick Poivre d’Arvor : Sur la fiscalité ?

Ségolène Royal : Quel dommage que vous n’ayez pas fait tous cela pendant 5 ans. Sur l’évaluation des politiques publiques, c’est normalement le Parlement qui a les moyens de le faire et vous savez la difficulté qu’il a à accéder aux différents comptes…

Nicolas Sarkozy : J’ai proposé que le président de la commission des finances à l’assemblée soit un membre de l’opposition. Je trouve que c’est une ouverture pour une République irréprochable. Ségolène Royal : Vous savez que c’est une idée dans le pacte présidentiel, c’est très bien, vous me rejoignez, c’est parfait. Que ne l’avez-vous fait pendant 5 ans quand vous aviez tous les pouvoirs !

Nicolas Sarkozy : On se rejoint, Alléluia !

Ségolène Royal : Il y a un problème de crédibilité, car quand pendant 5 ans, donner une certaine place…

Nicolas Sarkozy : C’est à moi que vous dites cela, madame Royal ?

Ségolène Royal :… donner une certaine place à l’opposition à l’assemblée nationale quand vous aviez la majorité à l’assemblée nationale, pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Vous êtes même passé en force avec le 49-3. On en reviendra peut-être tout à l’heure avec la réforme des institutions, car moi je souhaite...

Patrick Poivre d’Arvor : On parle des impôts, sur la fiscalité…

Ségolène Royal : Sur la fiscalité, ma priorité sera la baisse de la fiscalité sur l’écologie. Je veux une réforme fiscale très importante sur tout ce qui a de près ou de loin une relation avec la construction des emploi dans le domaine de l’environnement et de l’écologie et je veux négocier avec les autres pays européens une TVA tendant vers zéro pour développer les énergies renouvelables, les éco-matériaux pour lancer un plan massif d’isolation des logements déjà construits puisque dans ces domaines et notamment dans les métiers du bâtiment, dans l’agriculture, dans les technologies liées à l’eau, au sol, au paysage et dans les énergies renouvelables, si nous avons une fiscalité très encourageante, nous pouvons développer plusieurs centaines de milliers d’emplois.

Voilà quelle sera ma priorité dans le domaine de la réforme fiscale. Je l’ai dit tout à l’heure, pour les PME qui réinvestiront leurs bénéfices dans l’entreprise, l’impôt sur les sociétés sera divisé par deux, car c’est là que se trouve le ressort de la croissance économique. Enfin, je veux un impôt juste. Quand je vois que le bouclier fiscal que vous venez instaurer vient d’autoriser une ristourne de 7 millions d’euros à une personne qui a dû être même très surprise d’ailleurs de les recevoir au nom du bouclier fiscal, je dis en effet qu’il faut faire attention aux injustices fiscales et à la façon dont vous voulez exonérer un certain nombre de patrimoines élevés. La fiscalité, c’est d’abord un outil au service du développement économique et c’est quelque chose qui doit être juste et bien compris par les Français, qui doit être transparent et dont les règles doivent être claires. Enfin, sur la question du logement, puisqu’elle a été évoquée tout à l’heure, aujourd’hui, en France, il y a plus de 3 millions et demi de Français qui sont mal logés, car le plan de construction des logements sociaux est insuffisant, notamment, dans certaines communes qui ne respectent pas la loi.

Demain, l’Etat prendra ses responsabilités et construira les logements sociaux dans les communes telles que la vôtre qui ne respecte pas la loi, car lorsque l’on est candidat à la présidence de la République, on doit montrer l’exemple et appliquer la loi dans l’exercice de ses fonctions exécutives notamment sur le territoire dont on a la charge. Je ferai aussi en sorte que dans les logements sociaux, les locataires qui payent leur loyer et leurs charges régulièrement, pendant 15 ans, puissent devenir propriétaires de leur logement. Enfin, je créerai le service public de la caution, car on voit beaucoup de petits salariés ou de jeunes ou ceux qui subissent des discriminations qui n’arrivent pas à accéder au logement locatif, car il faut sortir trois mois de loyer de sa poche. Nous créerons un service public de la caution, c’est-à-dire une garantie donnée aux assurances qui pourront faire l’avance au propriétaire de ces trois mois pour qu’il y ait sur le marché de la location, beaucoup plus de fluidité. Le dispositif pour le logement est en effet...

Arlette Chabot : Il est 1 heure 24, vous avez encore 3 minutes de retard et il reste encore beaucoup de sujets à traiter.

Nicolas Sarkozy : Un mot sur une expression que les Français ont peut-être mal compris, c’est le bouclier fiscal. Si je suis président de la République, j’en fixerai un à 50 %. Mon idée est que nul en France ne doit se voir prélever plus de la moitié de ce qu’il a gagné dans l’année. Au fond, on travaillerait du 1er janvier au 30 juin pour l’Etat, et à partir du 1er juillet jusqu’au 31 décembre pour sa famille. Cela me semble raisonnable. Le but de la France, ce n’est pas de faire partir tous ceux qui veulent créer et innover. On a besoin de gens qui créent des richesses et pas simplement de les faire partir pour enrichir les autres pays.

Ségolène Royal : Ne croyez-vous pas qu’il faut tenir compte du patrimoine possédé ? Trouvez- vous normal que cette dame ait reçu un chèque...

Nicolas Sarkozy : Je ne connais pas cette dame…

Ségolène Royal : Cela a été publié aujourd’hui. C’est une riche héritière, le bouclier fiscal à 60 % est applicable à partir du 1er janvier…

Nicolas Sarkozy : Ne faisons pas de remarque... Je vais regarder ce cas...

Ségolène Royal : Ce n’est pas un cas, c’est la conséquence de ce que vous avez fait voter !

Nicolas Sarkozy : Non, ce que je propose, c’est pire. Je considère qu’un pays libre est un pays où chacun peut disposer librement de la moitié de ce qu’il a gagné. C’est une conception...

Ségolène Royal : C’est très injuste en fonction du patrimoine. Si ce sont des petits revenus...

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas du tout injuste.

Ségolène Royal : Cette dame qui a 400 millions de patrimoine et qui reçoit un chèque grâce à vous, grâce au bouclier fiscal va toucher un chèque de 7 millions d’euros…

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas grâce à mes relations, si cela se trouve, elle vous connaît mieux que moi ! Je sais que François Hollande a dit qu’il n’aimait pas les riches, c’était d’ailleurs une expression curieuse, il fixait un riche a 4000 euros, c’est qu’il ne doit pas s’aimer lui-même, car en plus, ce n’est pas beaucoup !

Ségolène Royal : Ne retirez pas les phrases de leur contexte.

Nicolas Sarkozy : Sur l’écologie…

Patrick Poivre d’Arvor : Sur le pacte de Nicolas Hulot que vous avez signé…

Nicolas Sarkozy : Je demanderai à nos partenaires européens que sur tous les produits propres, on ait une fiscalité à taux réduit. Il n’est pas normal que lorsque l’on veut acheter une voiture qui ne pollue pas, elle coûte plus chère qu’une voiture qui pollue. En mettant la TVA à 5,5 % sur les produits propres, on diminue le prix des produits propres et on incite les Français à en acheter. Pareil pour le bâtiment, je proposerai la TVA à taux réduit à 5 % pour tous les bâtiments HQE (haute qualité environnementale).

Deuxième élément, je trouve scandaleux que l’on importe en France des produits qui viennent de pays qui ne respectent pas le protocole de Kyoto, c’est-à-dire cette fameuse histoire des gaz à effet de serre, il faut créer la taxe carbone pour rééquilibrer la concurrence avec nos propres industriels, car nous on fabrique des produits qui respecte le protocole de Kyoto et on fait venir des produits qui ne le respecte pas. Troisième chose, je souhaite que l’on crée une taxe sur les poids lourds étrangers. La Suisse vient de décider de ne pas accepter les poids lourds sur son territoire, l’Allemagne vient de faire pareil, il n’y a pas de raison que l’on récupère la totalité du trafic autoroutier poids lourds d’Europe. S’agissant de l’environnement, si je suis président de la République, je confirmerai le choix du nucléaire. Savez-vous, madame, que la France produit 21 % de gaz à effet de serre de moins par tête d’habitant que la moyenne des pays d’Europe ? Il y a une raison à cela : nous avons le nucléaire qui est une énergie propre.

Nous devons développer les énergies renouvelables, l’éolien, encore que l’on ne peut pas couvrir la France d’éoliennes, quand vous les voyez, on sait que cela pose aussi des questions sur le paysage ; le solaire, les bio carburants dont j’ai proposé la défiscalisation à 100 %, car je crois à l’agriculture française. Je veux que les paysans français puissent vivre de leur travail avec des prix qui leur sont garantis dans une Europe qui fait la préférence communautaire. S’agissant des logements sociaux, je dirai un mot. C’est important, mais pour moi, il est plus important de permettre aux Français de devenir propriétaires de leur logement. Le but d’un jeune qui commence dans la vie, ce n’est pas d’avoir une HLM, mais d’être propriétaire de son logement. Il faut avoir de l’ambition, madame Royal, c’est de faire de la France, une France de propriétaires. Dans les logements sociaux, comme on n’arrive pas à être propriétaire, car c’est trop cher, on reste dans son HLM, le taux de rotation est insuffisant et ceux qui doivent avoir une HLM ni parviennent pas, car il n’y a pas ce taux de rotation.

Mon engagement est en faveur de la propriété. Enfin, c’est sûrement un point de désaccord entre nous, quand on a travaillé toute sa vie, je considère qu’il n’y a rien de plus beau que de laisser à ses enfants le fruit d’une vie de travail. Je propose que pour toutes les successions petites ou moyennes, on supprime les droits de succession et les droits de donation, car je crois beaucoup à la famille et au travail. Je ne vois pas au nom de quoi quand on a travaillé toute sa vie et payé ses impôts, on doit en plus payer. J’ajoute, et c’est un véritable scandale, quand un mari indélicat, fait une fraude fiscale, la femme est responsable solidairement de la dette fiscale du mari. Quand dans le même couple, le mari décède, la femme doit payer des droits de succession sur les biens commun du couple. Deux poids, deux mesures, je rétablirai cette injustice.

Arlette Chabot : Ségolène Royal, peut-on terminer sur l’environnement, l’engagement nucléaire, l’engagement à l’égard du pacte de Nicolas Hulot ?

Ségolène Royal : Le défi planétaire est un des plus importants à relever aujourd’hui. Le réchauffement planétaire conduira même au conflit de demain à l’échelle de la planète, c’est-à-dire à la recherche de l’eau potable. On voit aujourd’hui des déplacements de population dans les pays les plus pauvres et dans les pays les plus chauds, des populations qui sont à la recherche de la survie. Il va y avoir une montée des tensions si l’on ne résout pas sérieusement cette question du réchauffement planétaire.

Dans ce domaine, il y a eu beaucoup de discours et très peu d’actes. Aujourd’hui, la France est très mal dotée sur l’ensemble des pays européens par rapport au peu d’efforts qui ont été faits. J’entends faire de la France le pays de l’excellence écologique. Nos projets ont été notés par le collectif d’associations indépendantes. Le projet que je présente a reçu une note de 16 sur 20, le votre de 8 sur 20. Je pense, en effet, qu’il faut que la France se remette à niveau. Je l’ai exprimé tout à l’heure, je crois que c’est à la fois des gestes individuels de chacun, notamment sur les économies d’énergie, d’eau, sur une modification profonde des structures d’aide à l’agriculture afin que l’agriculture durable soit davantage, si ce n’est au moins autant, aidée que l’agriculture intensive, que celle qui irrigue.

Il y a des filières de développement industriel à développer, le véhicule propre à mettre en mouvement. Je souhaite que les industries automobiles françaises, au lieu de licencier comme elles le font aujourd’hui, mettent leurs laboratoires de recherche en commun pour mettre au point le véhicule propre qui, demain, en effet, se verra ouvrir un marché mondial. Je regrette qu’il y ait...

Nicolas Sarkozy : Sur le nucléaire, vous êtes du côté de Chevènement ou du côté des Verts ? Confirmez-vous le choix nucléaire ?

Ségolène Royal : Savez-vous quelle est la part du nucléaire dans la consommation d’électricité en France ?

Nicolas Sarkozy : Oui, mais confirmez-vous ce choix ? Nous avons, grâce au nucléaire, une indépendance sur l’électricité de la France à hauteur de la moitié.

Ségolène Royal : Vous défendez le nucléaire, mais vous ignorez la part du nucléaire.

Nicolas Sarkozy : Non. La moitié de notre électricité est d’origine nucléaire.

Ségolène Royal : Non, 17% seulement de l’électricité.

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas exact, Madame.

Ségolène Royal : Tout cela se verra. Mais si c’est cela.

Nicolas Sarkozy : Madame, c’est un choix majeur. Continuons-nous le choix du nucléaire ou l’arrête-t-on ?

Ségolène Royal : On augmente la part des énergies renouvelables.

Nicolas Sarkozy : Continuons-nous le choix du nucléaire ?

Ségolène Royal : Du jour au lendemain, on ne va pas fermer les centrales nucléaires.

Nicolas Sarkozy : Vous confirmez l’EPR ?

Ségolène Royal : Non. Je suspends l’EPR dès que je suis élue

Nicolas Sarkozy : Vous suspendez les nouvelles centrales et vous prolongez les vieilles.

Ségolène Royal : L’EPR n’est pas une centrale. Vous mélangez tout. C’est le prototype. De quelle génération ?

Nicolas Sarkozy : C’est la quatrième génération.

Ségolène Royal : C’est la troisième génération.

Nicolas Sarkozy : Nous venons de le vendre à la Finlande, Madame. Les centrales nucléaires classiques ont une durée de vie. Les experts discutent, est-ce trente ans, cinquante ans pour le chapeau de couverture. Nous avons été obligés de déclencher les centrales de la quatrième génération, c’est le processus EPR qui a été acheté.

Ségolène Royal : C’est la troisième génération. Non, la Finlande a son prototype.

Nicolas Sarkozy : Entre le moment où j’ai signé l’EPR et le moment où la première centrale s’ouvrira, il faut sept ans. Si vous revenez sur le choix de l’EPR, Madame, vous serez obligée pour respecter votre parole de garder le même pourcentage du nucléaire, de faire fonctionner les vieilles centrales plus longtemps. Cela veut dire que vous prendriez la responsabilité de faire fonctionner des vieilles centrales plus longtemps par refus du choix du progrès qui sont les centrales de la dernière génération. Ce n’est pas très raisonnable.

Ségolène Royal : Vous avez une approche quand même très approximative sur un sujet extrêmement technique, mais, en même temps, extrêmement grave parce qu’il s’agit de l’énergie nucléaire. Vous venez de dire une série d’erreurs. Cela peut arriver, mais il faudra que vous révisiez un peu votre sujet, car il ne s’agit pas de la quatrième, mais de la troisième génération. La Finlande a déjà un prototype. La question est de savoir s’il n’est pas plus intelligent de coopérer entre différents pays et de passer tout de suite à un investissement sur la quatrième génération. Premier point. C’est pour cela que je rouvrirai le débat public sur l’énergie au Parlement, mais aussi avec les citoyens.

Nicolas Sarkozy : Nous l’avons eu ce débat au Parlement. J’ai eu ce débat au Parlement au moment où j’ai signé l’EPR. La position des Finlandais consistait à nous dire, je connais le dossier : c’est bien beau que vous nous vendiez ce prototype, mais vous les Français, allez-vous le prendre ? Comment AREVA pourra construire EPR en Finlande avec vous Présidente de la République qui expliquerait aux Finlandais que l’EPR est bien pour eux, mais qu’en France, on va continuer à réfléchir. Je suis cohérent.

Ségolène Royal : C’est tout à fait incohérent. Pourquoi construire deux prototypes ? Il y a celui en Finlande. Il serait plus intelligent d’investir déjà dans la quatrième génération. Pourquoi ? Parce qu’on sait très bien que l’uranium, dans quelques années, va disparaître. Il y aura une pénurie d’uranium, donc une pénurie du combustible d’uranium.

Nicolas Sarkozy : Les spécialistes pour l’uranium disent que les ressources c’est entre 60 et 70 ans, et les ressources prévisibles jusqu’à deux siècles et demi compte tenu des progrès de la recherche.

Ségolène Royal : Tout dépend du nombre de centrales construites dans le monde.

Nicolas Sarkozy : Vous êtes écartelés dans votre majorité. Entre les Verts qui ne veulent pas de nucléaire et les Communistes qui veulent le nucléaire, que choisirez-vous ?

Ségolène Royal : Je choisis de maintenir le nucléaire, mais d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique. Je regarde avec beaucoup plus d’attention que cela n’a été fait où nous devons investir les fonds publics pour préparer l’énergie de demain. Ce qui est prometteur aujourd’hui, au moment où la question des déchets nucléaires n’a pas été résolue, c’est sans doute d’investir dans le recyclage des déchets nucléaires qui pourraient peut-être devenir justement demain le nouveau combustible avec les restes d’uranium, le nouveau combustible qui permettra justement de passer ce cap de la pénurie d’uranium.

Voilà ce que je propose. Je pense que les technologies doivent avancer, mais qu’on ne peut pas aller vers le tout nucléaire. Au contraire, il faut diversifier le bouquet énergétique. C’est ce que je propose. C’est sans doute la raison pour laquelle mon projet relatif à l’écologie et à l’environnement a été si largement plébiscité par des associations indépendantes, parce qu’il est équilibré.

Nicolas Sarkozy : Excusez-moi, comme c’est Mme Royal, elle est indépendante. Quand c’est moi, elle est dépendante. Je ne suis pas pour le tout nucléaire, mais je dis qu’il n’est pas raisonnable de dire : on va poursuivre le nucléaire, mais on arrête le progrès dans le nucléaire. Ce n’est pas possible. Bien sûr qu’il faut développer les énergies de substitution, je pense notamment aux départements et territoires d’outre-mer ou le solaire, l’éolien, la biomasse peut faire quelque chose d’extraordinaire. C’est une opportunité pour les départements et territoires d’outre-mer. A la Réunion, par exemple, on peut leur donner l’indépendance énergétique en investissant massivement dans la biomasse. Refuser le développement des nouvelles filières nucléaires, c’est...

Patrick Poivre d’Arvor : Comme on a la change d’être à peu près à trois-quarts d’heure de temps de parole l’un et l’autre, on passe au chapitre de l’éducation, de la famille. On commence par vous, Nicolas Sarkozy. Que peut-on faire pour que chaque enfant ait un accès égal et une chance égale à l’école, dans sa famille et un accès égal dans la culture ?

Arlette Chabot : A quoi doit servir l’école aujourd’hui ?

Nicolas Sarkozy : Le problème de l’école n’est pas qu’un problème de moyens, d’argent et de structure. C’est aussi un problème de programme d’éducation scolaire. Il faut débattre de ce que nous voulons faire de l’école. Quelle est l’école que nous voulons ? Je veux une école du respect, de l’autorité, de l’exigence, du mérite où les enfants des familles modestes accèdent aux grands auteurs et où, comme Jules Ferry, on a de l’ambition pour les enfants. Une école qui transmet un savoir, qui n’a pas peur d’enseigner le civisme, qui transmet une morale commune, une école où les maîtres sont respectés, où lorsque le maître entre dans la classe les élèves se lèvent en signe de respect.

Une école où chacun sera reçu avec le soin d’un parcours adapté à ces problèmes. Je crois aux limites du collège unique, une école où on va répondre au malaise formidable des enseignants qui ne sont pas assez payés, pas assez récompensés. Une école où on pourra laisser ses enfants à l’étude du soir sur la base du volontariat pour qu’ils rentrent à la maison les devoirs faits. Je propose une révolution pour toutes les femmes en France, c’est que tous les enfants, si je suis élu Président de la République, pourront au collège et au lycée rester en étude surveillée après la fin des cours pour rentrer à la maison avec les devoirs faits. Il y a beaucoup de femmes qui travaillent, qui ne peuvent pas être là quand les enfants rentrent de l’école, beaucoup de femmes qui seraient très heureuses que les enfants aient fait leurs devoirs et leur travail à l’école. J’ajoute que cela permettrait de résoudre le problème du pouvoir d’achat des enseignants, car cela leur permettrait de faire ces études encadrées, sur la base du volontariat, pour être davantage rémunérés.

Cela peut être la crèche associative, la crèche d’entreprise, l’emploi à la personne, l’emploi à domicile. Je souhaite, d’ailleurs, que l’on puisse déduire de ses impôts les salaires et les cotisations sociales que l’on paye sur un emploi à domicile. Lorsqu’une société embauche quelqu’un, elle ne paie pas l’IS sur le salaire de la personne qu’elle emploie. Je ne vois pas pourquoi la famille devrait payer un impôt sur les salaires et les charges qu’elle déclare. Ce sont les différences qu’il peut y avoir entre nous sur cette question.

Ségolène Royal : Les femmes n’auront pas besoin d’aller devant les tribunaux, mais elles auront le service public de la petite enfance sous toutes ses formes !

Nicolas Sarkozy : Vous allez créer 2,3 millions places de crèche ?!

Ségolène Royal : Les femmes vont aller devant le tribunal pour demander une place en crèche ? Soyez sérieux ! C’est ce que vous proposez, une société où il faut aller devant la justice pour demander une place en crèche ? Ce n’est pas ma conception de la société. Les femmes ont autre chose à faire que d’aller devant le tribunal. Il faut faire les choses en politique. Ce n’est pas le tribunal.

Nicolas Sarkozy : Vous n’avez pas besoin d’être méprisante pour être brillante.

Ségolène Royal : Je connais vos techniques. Dès que vous êtes gêné, vous vous posez en victime.

Nicolas Sarkozy : Avec vous, ce serait une victime consentante !

Ségolène Royal : Tant mieux, au moins, il y a du plaisir.

Nicolas Sarkozy : J’ai trop de respect pour vous pour vous laisser aller au mépris. Les droits opposables sont très importants, ils permettront de passer de la République des droits virtuels à la République des droits réels.

Ségolène Royal : J’avais la parole. Je préfère l’action politique efficace, qui fait les choses, plutôt que d’imaginer.

Nicolas Sarkozy : Ce sont des mots. Moi, je m’engage sur un résultat.

Ségolène Royal : Les gens vont aller devant les tribunaux alors qu’ils sont déjà débordés et qu’ils ont autre chose à faire ? Ce n’est pas sérieux !

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas gentil de dire des choses comme cela. Je vais prendre un exemple qui va peut-être vous toucher. L’affaire des enfants handicapés dans les écoles. Je considère qu’il est scandaleux qu’un enfant ayant un handicap ne puisse pas être scolarisé dans une école "normale." C’est important pour l’enfant ayant un handicap et pour les autres enfants qui n’ont pas de handicap, qui au contact de cet enfant différent apprendront que la différence est une richesse. Dans les démocraties du nord de l’Europe, 100 % des enfants ayant un handicap sont scolarisés en milieu scolaire classique. En France, c’est 40 %. Je veux créer un droit opposable. Cela veut dire quoi ? Qu’une famille au bout de cinq ans, à qui on refuserait une place dans une école, pourrait aller devant le tribunal en disant : la République m’a promis un droit.

Un homme politique s’est engagé et n’a pas tenu sa promesse. Que se passe-t-il ? Je veux en finir avec les discours creux (pas le vôtre, je ne veux pas être désagréable) avec ces promesses incantatoires, cette grande braderie au moment de l’élection, on rase gratis, on promet tous. Quand on ne sait pas promettre, on promet une discussion. Je veux m’engager sur des résultats, sur du concret. Je veux dire à toutes les familles ayant rencontré le drame du handicap que je ferai une place à chacun de leurs enfants dans les écoles, que je donnerai les moyens aux écoles pour les accueillir. La preuve de ma bonne foi sera le droit opposable et la capacité d’aller devant un tribunal pour faire-valoir ses droits. Ce n’est ni ridicule, ni accessoire. C’est peut-être même ce qui fait la différence entre la vieille politique et la politique moderne.

Ségolène Royal : Là, on atteint le summum de l’immoralité politique. Je suis scandalisée par ce que je viens d’entendre, parce que jouer avec le handicap comme vous venez de le faire est proprement scandaleux. Pourquoi ? Lorsque j’étais Ministre de l’enseignement scolaire, c’est moi qui ai créé le plan handiscole qui a demandé à toutes les écoles d’accueillir tous les enfants handicapés. Pour cela, j’avais créé parmi les aides éducateurs que vous avez supprimés, 7000 postes d’aides éducateurs, d’auxiliaires d’intégration. J’avais doté toutes les associations de parents d’enfants handicapés des emplois liés à l’accompagnement et aux auxiliaires d’intégration dans les établissements scolaires.

C’est votre gouvernement qui a supprimé non seulement le plan handiscole, qui a supprimé les aides éducateurs, qui fait qu’aujourd’hui, moins d’un enfant sur deux qui était accueilli il y a cinq ans dans l’école de la République ne le sont plus aujourd’hui. Vous le savez parfaitement. Je trouve que la façon dont vous venez de nous décrire, la larme à l’œil, le droit des enfants handicapés d’intégrer l’école, alors que les associations des parents d’handicapés ont fait des démarches désespérées auprès de votre Gouvernement pour réclamer la restitution des emplois, pour faire en sorte que leurs enfants soient à nouveau accueillis à l’école, y compris les enfants en situation de handicap mental à l’école maternelle, où avec moi tous les enfants handicapés mentaux étaient accueillis à l’école maternelle dès lors que les parents le demandaient. Laissez de côté les tribunaux, les démarches pour les parents qui en ont assez de leurs souffrances, d’avoir vu leur enfant ne pas pouvoir être inscrit lors des rentrées scolaires lorsque vous étiez au Gouvernement.

Laissez cela de côté. La façon dont vous venez de faire de l’immoralité politique par rapport à une politique qui a été détruite, à laquelle je tenais particulièrement, parce que je savais à quel point cela soulageait les parents de voir leurs enfants accueillis à l’école. Vous avez cassé cette politique ! Et aujourd’hui, vous promettez en disant aux parents qu’ils iront devant les tribunaux ?! Tout n’est pas possible dans la vie politique, ce discours, cet écart entre le discours et les actes, surtout lorsqu’il s’agit d’enfant handicapé, ce n’est pas acceptable. Je suis très en colère. Les parents et les familles…

Nicolas Sarkozy : Calmez-vous et ne me montrez pas du doigt avec cet index pointé !

Ségolène Royal : Non, je ne me calmerais pas !

Nicolas Sarkozy : Pour être Président de la République, il faut être calme.

Ségolène Royal : Non, pas quand il y a des injustices ! Il y a des colères saines, parce qu’elles correspondent à la souffrance des gens. Il y a des colères que j’aurai, même quand je serai Présidente de la république….

Nicolas Sarkozy : Ce sera gai !

Ségolène Royal : Parce que je sais les efforts qu’ont fait pour accueillir les enfants qui ne le sont plus. Je ne laisserai pas l’immoralité du discours politique reprendre le dessus.

Nicolas Sarkozy : Je ne sais pas pourquoi Mme Royale, d’habitude calme, a perdu ses nerfs…

Ségolène Royal : Je ne perds pas mes nerfs, je suis en colère. Pas de mépris. Je suis en colère. Je n’ai pas perdu mes nerfs. Il y a des colères très saines et très utiles.

Nicolas Sarkozy : Je ne sais pas pourquoi Mme Royal s’énerve...

Ségolène Royal : Je ne m’énerve pas.

Nicolas Sarkozy : Qu’est-ce que cela doit être quand vous êtes énervée !

Ségolène Royal : J’ai beaucoup de sang-froid. Je ne suis jamais énervée…

Nicolas Sarkozy : Vous venez de le perdre. Madame Mme Royal ose employer le mot "immoral." C’est un mot fort.

Ségolène Royal : Oui.

Nicolas Sarkozy : Madame Royal se permet d’employer ce mot parce que j’ai dit que je souhaitais que tous les enfants ayant un handicap soient scolarisés en milieu scolaire "normal." Madame Royal a qualifié mon propos de larmes à l’œil, sous entendant par là que la sincérité n’était que de son côté et que, de mon côté, il ne devait y avoir que du mensonge. Ce n’est pas une façon de respecter son concurrent. Je ne me serai jamais permis de parler de vous comme cela, madame.

Ségolène Royal : Parce que moi, je ne mens pas et je ne prétends pas faire ce que j’ai détruit avant.

Nicolas Sarkozy : Madame, je ne pense pas que vous élevez la dignité du débat politique.

Ségolène Royal : Si, c’est très digne la question du handicap.

Nicolas Sarkozy : Si je n’avais pas moi-même, par conviction, parlé de la
scolarisation des enfants handicapés, cela faisait une heure et demie que nous débattions, on n’en avait pas parlé. J’ai le droit de parler du handicap. Ce n’est pas votre monopole. J’ai le droit d’être sincère dans mon engagement et d’être bouleversé par la situation d’enfants qui aimeraient être scolarisés. Je ne mets pas en cause votre sincérité, madame, ne mettez pas en cause ma moralité.

Ségolène Royal : C’est votre action que je mets en cause.

Nicolas Sarkozy : Ainsi, la dignité du débat politique sera préservée. Mais au moins on aura vu que vous vous mettez en colère bien facilement, vous sortez de vos gonds. Le Président de la République a des responsabilités lourdes, très lourdes.

Patrick Poivre d’Arvor : Peut-on passer au sujet de l’Europe, qui est en panne, deux ans après l’échec du référendum en France…
Ségolène Royal : Vous permettez. Moi aussi, j’ai l’intention de me faire respecter. Je ne suis pas sortie de mes gonds. Ce qui nous différencie, c’est une vision de la morale politique. Il faut que les discours soient cohérents avec les actes. Quand il y a un tel écart, on ne peut pas avoir détruit l’accueil des enfants handicapés à l’école…

Nicolas Sarkozy : C’est faux, madame. Il y a trois fois plus d’enfants handicapés scolarisés aujourd’hui qu’à votre époque. C’est faux, madame.

Ségolène Royal : Toutes les associations ont protesté auprès de vous…

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas exact…

Ségolène Royal : Car vous avez supprimé les auxiliaires d’intégration…

Nicolas Sarkozy : Je n’ai jamais été ministres de l’éducation nationale…

Ségolène Royal : De votre gouvernement.

Nicolas Sarkozy : Je n’ai jamais été Premier ministre non plus.

Ségolène Royal : Ne soyez pas condescendant.

Nicolas Sarkozy : Je ne le suis pas du tout.

Ségolène Royal : Il y avait des colères saines par rapport aux injustices ou aux discours politiques qui ne correspondent pas aux actes...

Nicolas Sarkozy : En quoi elle est saine votre colère ? Traiter votre contradicteur d’immoral et de menteur, je ne vois pas ce qu’il y a de sain. Vous avez la vision sectaire de la gauche. Toute personne qui ne pense pas exactement comme vous est forcément illégitime !

Ségolène Royal : Pas du tout, au contraire !

Arlette Chabot : Peut-on terminer là-dessus ?

Ségolène Royal : Ce débat est très important. C’est toute une conception de la vie politique et de la responsabilité politique qui est là. Si on est responsable de rien, si on n’a jamais des comptes à rendre sur ses actes politiques, comment voulez-vous que les citoyens croient encore à l’efficacité de la politique...

Nicolas Sarkozy : Il faut garder son calme et ses nerfs et utiliser des mots qui ne blessent pas.

Ségolène Royal : Les mots de blessent pas, ce sont les actions qui blessent.

Nicolas Sarkozy : Quand on emploie des mots qui blessent, on divise le peuple, alors qu’il faut le rassembler.
Ségolène Royal : Vous êtes blessé ?

Nicolas Sarkozy : Nom.

Ségolène Royal : Donc tout va très bien !

Nicolas Sarkozy : Je ne vous en veux pas. Cela peut arriver à tout le monde de s’énerver.

Ségolène Royal : Je ne m’énerve pas, je me révolte, car j’ai gardé ma capacité de révolte intacte.

Arlette Chabot : L’Europe, c’est important. Demain, comment relancez-vous la construction européenne qui est en panne, notamment après le choix français du non au référendum ?

Ségolène Royal : Je veux que la France revienne à la table d’Europe. Il y a eu ce référendum. Je crois pouvoir rassembler à la fois des responsables politiques qui ont voté non à la Constitution, d’autres qui ont voté oui à la Constitution. Je respecte les Français dans leur vote. Beaucoup de Français, d’ailleurs, ont voté non parmi les catégories populaires, parce qu’ils ont estimé que l’Europe était un espace qui ne les protégeait pas assez, en particulier contre les délocalisations ou contre le chômage, ou contre les bas salaires. Alors, je veux relancer l’Europe par la preuve. Je veux, à nouveau, consulter les Français par référendum, le moment venu.

Pour que ce référendum soit réussi, pour qu’un nouveau traité entre en application, il va falloir que l’Europe fasse ses preuves. Je m’en suis entretenu avec plusieurs dirigeants européens. C’est pourquoi je veux relancer l’Europe de l’investissement, de la recherche, de l’environnement et, surtout, faire la preuve que l’Europe peut réussir la bataille contre le chômage, que l’Europe peut réussir à se protéger des délocalisations, que l’Europe peut réussir à avancer vers un protocole social sur lequel Jacques Delors a travaillé, parce que si on veut éviter les délocalisations au sein de l’Europe, alors, il faut travailler à l’élévation des niveaux de vie vers le haut et pas des compétitions vers les pays à bas salaires. Sinon, les Français n’auront pas confiance dans cette Europe. Je crois que c’est possible. Je crois qu’avec un protocole social qui dira que l’objectif de l’Europe, c’est l’alignement vers le haut de la situation des salariés, de la protection sociale, des droits sociaux, des niveaux des salaires avec, bien sûr, l’effort qu’il faudra faire pour les pays situés le plus à l’est de l’Europe, pour qu’ils réussissent leur développement économique, comme l’ont fait l’Espagne et le Portugal, il faut réussir la même chose avec les pays du reste de l’Europe pour que le niveau de vie européen tire collectivement les pays vers le haut alors je pense que nous pourrons à nouveau consulter les Français et faire en sorte que l’Europe redevienne l’Europe forte, la France forte. Nous avons bien besoin de la France et d’une France qui a besoin de l’Europe.

Nicolas Sarkozy : Pour être plus précis, les Français ont voté non à la Constitution, nous n’y reviendrons pas, quelle que soit la qualité remarquable de Valéry Giscard d’Estaing, cette constitution n’entrera pas en vigueur, puisque les Français ont dit non.

Deuxième point, je crois très important d’arrêter la course en avant vers l’élargissement tant que l’on n’a pas doté l’Europe de nouvelles institutions. Je pose la question de la Turquie. Si je suis Président de la République, je m’opposerai à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Troisième élément, il faut que l’Europe accepte l’idée de la préférence communautaire. Si on a fait l’Europe, c’est parce qu’on la préfère. Il faut qu’on arrête la naïveté dans les négociations OMC, c’est bien beau d’ouvrir nos marchés, je suis d’accord, mais sur la base de la réciprocité et du même moment, on ne peut pas ouvrir nos marchés à des pays qui n’ouvrent pas les leurs. Troisième élément, il faut revenir sur la règle de l’unanimité qui empêche, par exemple, une politique de l’immigration commune. La règle de l’unanimité au titre du compromis de Luxembourg de 1962 où nul pays ne peut se voir imposer une règle, oui. Mais la règle de l’unanimité qui fait que pour que tous on avance tout le monde doit être d’accord, non.

Cela nous permettrait d’avoir une politique de l’énergie, une politique de l’immigration, une politique de la sécurité commune. C’est la raison pour laquelle je débloquerai la situation en Europe en proposant un traité simplifié sur laquelle M. Zapatero et M. Blair et Mme Merkel m’ont donné leur accord, qui permettra de doter l’Europe d’un président élu, de modifier la composition de la Commission d’un certain nombre de sujets et qui fera de l’Europe une protection pour les Français et non pas le cheval de Troie de la mondialisation.

Patrick Poivre d’Arvor : Un traité sans référendum ?

Nicolas Sarkozy : Bien sûr. Ceux qui veulent faire un nouveau référendum, c’est qu’ils veulent faire repasser la Constitution. Je ne veux pas d’une nouvelle Constitution. Les Français ont dit non à 55 %. On ne va pas recommencer un référendum. Pour leur dire quoi ? C’est clair, ils ont dit non. On doit débloquer la situation en Europe en modifiant les institutions européennes sur la base d’un consensus….

Patrick Poivre d’Arvor : Que peut-on faire pour que l’Europe soit plus forte face aux Etats-Unis qui souhaitent l’entrée de la Turquie dans l’Europe ?

Nicolas Sarkozy : Ceux qui souhaitent l’entrée de la Turquie en Europe sont ceux qui ne croient pas à l’Europe politique. C’est la mort de l’Europe politique. De mon point de vue, je suis très clair. Vous avez été à une réunion de l’internationale socialiste. Vous avez, d’ailleurs, été fort applaudi. Je ne sais pas si vous avez lu la déclaration de l’internationale socialiste. Elle était favorable à l’entrée de la Turquie en Europe. Est-ce votre position, madame ?

Ségolène Royal : Il y a un processus qui est ouvert. Le peuple français sera consulté par référendum sur cette entrée. Je pense qu’il faut faire une pause. Le moment n’est pas venu, aujourd’hui, de faire entrer la Turquie. De toute façon, c’est une échéance…

Nicolas Sarkozy : Non. Les négociations ont commencé en 1964. Nous sommes en 2007. Il est venu le temps de dire aux Turcs si on en veut ou pas. Ce n’est pas une question de démocratie. Ce n’est pas une question de musulman ou d’islam, c’est que la Turquie, c’est l’Asie mineure, ce n’est pas l’Europe. Il faut dire clairement à ce grand peuple qu’est la Turquie qu’ils ont vocation à être le cœur de l’union de la Méditerranée, mais pas le cœur de l’union européenne.

Ségolène Royal : Un processus a été engagé avec l’accord de la France. La France doit tenir sa parole. On ne peut pas décider.

Nicolas Sarkozy : Non, c’est l’unanimité. Si la France dit non, la Turquie ne rentre pas.

Ségolène Royal : On ne peut pas changer. Le chef de l’Etat a dit que les
Français seraient pour tout élargissement supplémentaire consultés par référendum. Ils seront consultés par référendum.

Nicolas Sarkozy : Votre position, c’est non à la Turquie.

Ségolène Royal : Pour l’instant, c’est une pause.

Nicolas Sarkozy : Cela peut changer ?

Ségolène Royal : Cela peut changer.

Nicolas Sarkozy : Moi cela ne changera pas.

Ségolène Royal : La parole a été donnée.

Nicolas Sarkozy : Non, la parole n’a pas été donnée.

Ségolène Royal : Un processus de discussion est engagé.

Nicolas Sarkozy : Quand on discute, ce n’est pas obligatoirement pour dire oui. Sinon, il ne faut pas engager de discussion. Vous venez de dire que cela peut changer. Vous pouvez changer d’avis et que la Turquie entre en Europe ?

Ségolène Royal : Pas du tout. Des conditions sont posées. Si le peuplait français dit oui, il y aura peut-être d’autres solutions, des associations prioritaires, des coopérations renforcées. Je ne crois pas que ce soit de bonne politique, comme cela, de claquer la porte à ce grand pays. Méfiez-vous, parce qu’il y a des forces démocratiques en mouvement en Turquie qui ont besoin d’être consolidées...

Nicolas Sarkozy : Quand vous aurez expliqué aux habitants de la Capadoce qu’ils sont européens, vous n’aurez fait qu’une seule chose, vous aurez renforcé l’islamisme.

Ségolène Royal : Il faut être responsable.

Nicolas Sarkozy : Je le suis !

Ségolène Royal : Il faut être responsable à l’égard de l’équilibre du monde. Parler comme vous l’avez fait à l’instant de la Turquie, ce n’est pas une force démocratique à l’intérieur de la Turquie. Si l’Europe se ferme alors que vous savez très bien que l’on peut mettre en place des coopérations privilégiées, que l’on peut voir comment les choses évoluent, que cela ne se fait pas avant plus d’une dizaine d’années, n’utilisez pas ce sujet comme cela, de façon aussi brutale, par rapport à un peuple, à un grand peuple qui a une aspiration à rejoindre l’Europe.

Nicolas Sarkozy : Puis-je vous dire quelque chose ?

Ségolène Royal : Ne claquez pas la porte, car je pense que c’est dangereux pour l’équilibre du monde.

Nicolas Sarkozy : C’est tout le contraire. Depuis quarante ans, on laisse à croire à nos amis turcs, c’est un grand peuple et une grande civilisation, qu’ils ont leur place dans l’Europe…

Ségolène Royal : C’est un pays laïc et vous avez vu les grandes manifestations pour la laïcité qui viennent d’avoir lieu en Turquie.

Nicolas Sarkozy : Quand bien même c’est un pays laïc, il est en Asie mineure. Je n’expliquerai pas aux écoliers français que les frontières de l’Europe sont avec l’Irak et la Syrie. Quand on aura fait du Kurdistan un problème européen, on n’aura pas fait avancer les choses. Je ne pense pas que la stabilité du monde sera renforcée en tuant l’Europe. Les adversaires de l’Europe politique sont pour l’élargissement sans fin de l’Europe, parce que l’élargissement sans fin de l’Europe empêche la réalisation de l’Europe politique. Je suis pour l’Europe politique.
Je préfère qu’on dise aux Turcs, vous allez être associés à l’Europe, on va faire un marché commun avec vous, mais vous ne serez pas membres de l’Union européenne pour une raison très simple, parce que vous êtes en Asie mineure.

Patrick Poivre d’Arvor : Peut-être un mot sur l’Iran. Pour vous deux, est-ce un pays dangereux ?

Nicolas Sarkozy : Le pays n’est pas dangereux. Ce sont les dirigeants de ce pays qui sont dangereux avec lesquels il faut être très ferme pour refuser à toute force toute perspective d’obtention pour eux du nucléaire militaire.

Ségolène Royal : Il y a longtemps que je me suis exprimée sur cette question, même à une époque où ma prise de position avait été contestée. En effet, il faut interdire l’enrichissement de l’uranium à une dimension industrielle. Il faut aller au-delà de l’interdiction du nucléaire militaire. Il faut faire plus, il faut interdire l’enrichissement de l’uranium, y compris à des fins civiles. Aujourd’hui, l’Iran se refuse aux inspections de l’agence de Vienne. Il faut être extrêmement ferme. On sait très bien qu’à partir de la maîtrise de la technologie de l’enrichissement de l’uranium à des fins civiles, on peut ensuite passer à des fins militaires. Je souhaite une position plus stricte que celle que vous avez évoquée.

Arlette Chabot : Vous croyez aux sanctions actuellement appliquées ou faudra-t-il aller plus loin et de quelle manière ?

Nicolas Sarkozy : La politique des sanctions doublée d’une politique d’union de la communauté internationale est la seule démarche crédible aujourd’hui pour maîtriser un président et un gouvernement iranien. On peut considérer que c’est le dossier le plus sensible et le plus dangereux aujourd’hui dans les relations internationales.

Patrick Poivre d’Arvor : Parlons d’un continent que l’on méprise beaucoup, qui souffre, l’Afrique et le Darfour, votre politique changera-t-elle par rapport à celle de l’actuel chef de l’Etat ?

Nicolas Sarkozy : Ce qui se passe au Darfour est un scandale absolu. Le fait que le gouvernement n’est pas voulu permettre les corridors humanitaires est inadmissible. Il faut que les dirigeants aient à en rendre compte devant un tribunal pénal international. Il y a 450 millions de jeunes africains de moins de 17 ans. Ils ne peuvent pas espérer venir immigrer en Europe.

La question du développement de l’Afrique est une question majeure, que je traiterai dans le cadre de l’Union de la Méditerranée. Cela va de pair avec une politique d’immigration choisie en France, avec la réforme du regroupement familial. Je n’autoriserai plus quelqu’un à faire venir sa famille s’il ne prouve pas qu’il a un logement, car faire venir sa famille quand on n’a pas de logement, ce n’est pas possible, qu’il n’a pas de revenu de son travail et non pas des allocations sociales. A quoi sert-il de faire venir sa famille si l’on n’a pas de quoi la faire vivre ? Je souhaite que les membres de la famille qui vont venir le rejoindre apprennent le français avant de venir en France.

Patrick Poivre d’Arvor : Ségolène Royal, sur l’immigration ?

Ségolène Royal : D’abord, sur le Darfour, je pense que la communauté internationale est beaucoup trop inerte. Des pressions doivent être faites sur la Chine, y compris sur la menace de boycott des Jeux Olympiques. Je ne suis pas favorable au boycott, mais il faut poser la question pour que cela bouge et mettre fin à ses exactions.

Nicolas Sarkozy : Je suis favorable aux Jeux Olympiques en Chine. D’ailleurs, je ne comprends pas la position de Madame Royal qui est favorable au boycott pour les Jeux Olympiques et qui est revenue de Chine en félicitant la justice commerciale chinoise. Si vous êtes favorable au boycott pour les sportifs, pourquoi n’avez-vous pas vous-même boycotté votre visite ? Il est curieux de dire aux autres, n’allez pas en Chine et vous-même d’y être allé. Le mouvement sportif international est un mouvement de paix, c’est la jeunesse du monde. Au contraire, les Jeux Olympiques à Pékin obligeront la société chinoise à s’ouvrir, comme on l’a toujours vu. Le boycott en la matière est une très mauvaise idée.

Ségolène Royal : Je suis allée en Chine, car je pense qu’un chef d’Etat français doit aller en Chine. Je suis allée en Chine pour voir les entreprises françaises, pour les encourager à conquérir les marchés. Je suis allée en Chine pour rencontrer l’ensemble des dirigeants chinois, parce qu’il y a des opportunités à saisir. J’ai même visité, figurez-vous les installation des Jeux Olympiques. Ne déformez pas mes propos. Je n’ai pas félicité la justice chinoise, contrairement à ce qui a été dit. J’ai mis en garde les entreprises françaises sur la rapidité de la justice commerciale chinoise en leur disant que la France protégerait davantage les brevets français. En revanche, j’ai fait des démarches officielles pour la libération d’avocats et de journalistes emprisonnés. Je ne me suis pas tue sur ces sujets en allant en Chine.

En revanche, quand je vois l’urgence du Darfour et le rôle que joue la Chine dans cette partie du monde, parce qu’il y a simplement du pétrole dans le sous-sol, si on renonce à toute action, alors on renonce à tout puisqu’il y a là justement ce grand événement mondial qui doit intervenir, je suis convaincue que si plusieurs pays intervenaient auprès de la Chine en disant qu’il est incompatible d’organiser les Jeux Olympiques avec la presse du monde entier qui sera là, l’opportunité de développement pour la Chine et en même temps continuer à fermer les yeux sur la question du Darfour, je suis convaincue que s’il y avait une démarche conjointe, alors cela pourrait bouger en Afrique. Je suis pour l’action, pas pour l’inaction.

Patrick Poivre d’Arvor : Et sur l’immigration ?

Ségolène Royal : Il faut une coopération très étroites, euro-méditerranéenne avec les pays du Sud de l’Europe, en particulier l’Espagne et l’Italie. Nous en avons déjà parlé avec les deux dirigeants de ces pays. Nous devons réformer en profondeur les politiques d’aide au développement. Aujourd’hui, trop d’argent est gaspillé. Il y a trop de détournement de fonds par des régimes corrompus. Je crois profondément au co-développement. Je suis allée à Dakar. J’ai vu les familles dans ce village de pêcheurs où les jeunes partent en pirogue et se noient en mer. J’ai vu les mères de famille qui étaient là, qui n’ont pas envie que leurs enfants se noient en pleine mer pour rejoindre la France.

Elles ont envie d’emplois, de micro crédits, elles ont besoin de camions frigorifiques pour leurs poissons, d’alimentation pour leurs bêtes, de projets de développement agricole. L’Afrique pourrait très bien utiliser l’énergie solaire. Comment se fait-il que ces pays francophones aient des modèles de développement qui aujourd’hui les ruinent ? Comment se fait-il que l’énergie solaire ne soit pas utilisée ? Comment se fait-il que la France et l’Europe n’aient pas déjà redéfini les politiques d’aide au développement ? Nous mettrons fin aux migrations de la misère si nous réussissons à réduire les écarts entre pays riches et pays pauvres. Je veux simplement demain que pour l’Europe ce soit une mission prioritaire.

Arlette Chabot : Nicolas Sarkozy, pourrait-on terminer sur l’immigration et évoquer un sujet qui a été beaucoup discuté dans la campagne, le problème du règlement des sans-papiers qui sont aujourd’hui en France de façon que chacun puisse exprimer sa position ?

Nicolas Sarkozy : Je prends un engagement devant les Français, si je suis président de la République, je ne ferai pas de régularisation globale. La régularisation globale, la France l’a essayée à trois reprises en 1981, en 1991, en 1997, chaque fois avec un gouvernement socialiste. Chaque fois, nous l’avons payé cher puisque c’est un signal envoyé à tous les réseaux de trafiquants du monde entier pour envoyer des clandestins en espérant une régularisation. J’ai été stupéfait d’entendre Mme Royal dire qu’elle était prête à donner des papiers aux parents et aux grands-parents de tous les enfants scolarisés en France.

Comme l’inscription dans une école est un droit, cela veut dire que vous créez alors une nouvelle filière d’immigration. Je le dis comme je le pense, la seule solution possible est le règlement au cas par cas. J’ai obtenu, en matière d’immigration, des résultats spectaculaires. Il faut aller plus loin. La France doit rester un pays ouvert, généreux, doit rester un pays accueillant aux réfugiés politiques, notamment aux femmes. Je pense aux infirmières bulgares, aux Tchétchènes, à tous ceux qui sont martyrisés dans le monde. Mais la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La France, pour préserver son pacte social, la France qui est le pays qui a les allocations sociales les plus généreuses d’Europe ne peut pas accueillir tout le monde. Nous avons le droit de choisir de qui est le bienvenu sur notre territoire et de qui n’y est pas souhaité. Ceux qui n’ont pas de papiers seront reconduits dans leur pays.

Ségolène Royal : Je pense que c’est un problème très difficile et humainement très douloureux. Ces questions-là doivent être dégagées de tout enjeu politicien.

Nicolas Sarkozy : C’est vrai.

Ségolène Royal : Elles ne doivent pas être exploitées à telle ou telle fin.

Nicolas Sarkozy : Oui, par exemple, comme on l’a fait pour le squat de Cachan, quand un certain nombre de people sont venus protester parce que j’exécutais une décision de justice. Vous avez raison, il ne faut pas faire de polémique, mais il ne faut pas les faire des deux côtés, ni du mien ni du vôtre.

Ségolène Royal : Aller arrêter un grand-père devant une école et devant son petit-fils…

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas exact. Cela ne s’est pas passé ainsi.

Ségolène Royal : Si c’est exact.

Nicolas Sarkozy : Le fait qu’il soit grand-père, on doit lui donner ses papiers ?

Ségolène Royal : Ce n’est pas ce que je viens de dire. Je répète. Aller arrêter un grand-père devant une école…

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas ce qui s’est passé...

Ségolène Royal : … et devant son petit-fils, ce n’est pas acceptable dans la République française. Par ailleurs, je n’ai jamais dit ce que vous venez de me prêter, je n’ai jamais demandé de régularisation globale et générale de générations, j’ai dit que cela devait se faire au cas par cas.

Nicolas Sarkozy : Comme je l’ai fait, on est d’accord.

Ségolène Royal : Oui, sur le cas par cas, on est d’accord.

Nicolas Sarkozy : Je vous remercie de ce satisfecit.

Ségolène Royal : Ces sujets sont difficiles…

Nicolas Sarkozy : J’en prends acte avec satisfaction.

Ségolène Royal : Je n’ai pas l’intention d’exploiter ces choses de façon politicienne, sauf que je n’irai pas arrêter des grands-pères devant les écoles. Je ferai les choses humainement.

Nicolas Sarkozy : C’est-à-dire que vous attendez qu’il soit dans l’autre rue pour le faire. Qu’est-ce qui vous a choqué ? Que c’était devant l’école ou que la police de la République faisant un contrôle découvre quelqu’un qui n’a pas de papier ? S’il était dans une autre rue, il était normal que la police fasse son travail, c’était parce qu’il était dans une autre rue ?

Ségolène Royal : Ne jouez pas sur les mots ni sur la misère des gens. Vous savez parfaitement de quoi il s’agit.

Nicolas Sarkozy : Je ne le fais pas. Que fallait-il faire ?

Ségolène Royal : Vous savez très bien que chaque cas est un problème, est une misère. C’est très difficile à résoudre individuellement.

Nicolas Sarkozy : C’est pour ça que j’ai fait du cas par cas.

Ségolène Royal : Nous ferons du cas par cas.

Nicolas Sarkozy : La politique d’immigration, Monsieur Poivre d’Arvor, ne changera pas, c’est une nouvelle !

Ségolène Royal : Ne plaisantez pas avec ces sujets, ne faites pas de dérision, ce ‘est pas correct humainement vis-à-vis des personnes.

Nicolas Sarkozy : Vous venez de dire que cela ne changera pas.

Ségolène Royal : J’ai dit que je n’annoncerai pas un chiffre à l’avance pour ensuite examiner les dossiers au cas par cas et voir que le nombre de personnes qui ont des papiers correspond au chiffre que vous aviez fixé en amont. Il faut que les règles soient claires. Il y a des droits et des devoirs comme vous l’avez dit tout à l’heure.

Patrick Poivre d’Arvor : Pardonnez-nous, nous avons du temps de parole à respecter. Il est 11 heures 23, on est largement en retard.

Ségolène Royal : Permettez-vous que je termine ? Vous êtes allé récemment dans un foyer de femmes battues et avez promis à toutes les femmes battues étrangères d’avoir des papiers. Aujourd’hui, ces femmes ont-elles eu ces papiers ? Cela vaut-il pour toutes les femmes battues sans papier en France ?

Nicolas Sarkozy : Je vais répondre à la première question. J’étais dans une association remarquable, qui s’appelle « Coeur de Femmes » qui s’occupe de femmes au bout du bout de la détresse. Il y en avait 12 dans la salle. Je connais très bien la dirigeante de cette association avec qui je travaille depuis très longtemps. Je n’en aurais pas parlé si vous ne m’aviez pas interrogé là-dessus. J’ai confiance dans cette femme. Je sais que, quand elle me soumet des dossiers, ce sont des dossiers qui ont été réfléchis et ce sont des situations dramatiques. J’assume. Je tiendrai mes promesses. Cela ne veut pas dire que parce que c’est « Cœur de Femmes », parce que c’est un sujet particulier, que ce sont des femmes poursuivies, violées, battues et que la France que j’imagine est une France généreuse et accueillante.

Ségolène Royal : Très bien. Donc toutes les femmes victimes de violences pourront avoir accès à des papiers en France ?

Nicolas Sarkozy : De Cœur de Femmes.
Ségolène Royal : Vous pensez que la responsabilité de l’Etat est de choisir de façon arbitraire.

Nicolas Sarkozy : Comme vous l’avez dit : au cas par cas.

Ségolène Royal : Il faut des règles. Donc, au cas par cas, toutes les femmes victimes de violences.

Patrick Poivre d’Arvor : Nous allons aborder un autre sujet auquel vous n’avez pas répondu sur les institutions. Faut-il passer de la cinquième à la VIe République ? Avec quelle majorité ?

Arlette Chabot : Si vous n’avez pas répondu sur les institutions. M. Sarkozy a deux minutes de retard. Il faudrait pouvoir les rattraper.

Nicolas Sarkozy : Je considère qu’il ne faut pas changer les institutions de la République. Je n’ai jamais vu une réunion où, dans la rue, quelqu’un m’arrêtait pour dire : vite, il faut changer les institutions de la République. Ceux qui promettent la VIe République, c’est le retour à la quatrième. On l’a vu dans la tragi-comédie du vrai/faux débat entre Mme Royal et M. Bayrou. La logique de l’élection présidentielle est le rapport d’un candidat, d’une candidate avec le peuple français. Les parties politiques n’essaient pas de récupérer sur le tapis vert par des manœuvres politiciennes ce qu’ils n’ont pas eu devant les électeurs. La Ve République nous a apporté la stabilité. Elle a donné à chaque Français le droit de voter.

C’est quand même curieux de demander le changement de République au moment où la démocratie française est de retour avec 85 % de participation au premier tour de l’élection présidentielle, ce qui est un signe de dynamisme de nos institutions. 85 % de Français ont voté. Entre Mme Royal et moi, 21 millions de Français nous ont choisis pour le deuxième tour et on va dire, cela ne fonctionne pas, on va changer. Je suis opposé à ce changement. Il y a quelques changements que je veux faire. J’ai parlé des nominations. Je souhaite que le Président de la République puisse s’expliquer devant le Parlement. Je souhaite que le Parlement ait davantage de pouvoir. Je souhaite un véritable statut de l’opposition, notamment avec la présidence de la commission des Finances. Je souhaite qu’on donne davantage de pouvoir au Parlement pour contrôler le gouvernement. Mais, en grâce, n’ajoutons pas la crise institutionnelle, l’instabilité institutionnelle à toutes les crises.

Patrick Poivre d’Arvor : Vous gouvernez avec quelle majorité ?

Nicolas Sarkozy : J’ai un projet politique que je n’ai pas changé entre le premier et le deuxième tour. Je l’ai élargi. Naturellement, je gouvernerai avec les gens de l’UMP. Dans la majorité, nos amis de l’UDF ont toute leur place. J’observe d’ailleurs avec beaucoup de plaisir que la quasi totalité des parlementaires et des élus de l’UDF m’ont rejoint. Je ne vois pas pourquoi il en serait autrement alors que nous avons gouverné ensemble. Mme Royal disait la veille du premier tour que Bayrou, c’était pire que Sarkozy. Quand on sait ce qu’elle pense de moi, ce n’est pas haut l’estime pour M. Bayrou. Il y a des hommes et des femmes de gauche qui croit à la gauche parce qu’il croit au mouvement. Aujourd’hui, je veux incarner le candidat du mouvement par rapport à l’immobilisme, pardon Madame. Je ferai un gouvernement très ouvert de rassemblement. Pourquoi ? Parce que le Président de la République n’est pas l’homme d’un parti, mais l’homme de la nation. Le Président de la République prend la nation en charge. Il doit s’adresser à tous les Français et il doit dire à tous les Français qu’ils comptent, que dans la nouvelle majorité présidentielle, ils auront leur place.

Ségolène Royal : Il faut réformer en profondeur les institutions. La France a changé, le monde a changé et la politique doit changer. Je crois qu’il y a une crise démocratique majeure. Je crois que les Français sont fatigués de la confrontation bloc contre bloc. Je crois qu’ils en ont assez aussi d’avoir des institutions qui ne leur ressemblent pas. Je ferai donc une réforme profonde des institutions, une nouvelle République, qui s’appellera sans doute la VIe République, le Parlement en débattra, les Français également, par un référendum. Je veux d’abord faire en sorte que la démocratie parlementaire fonctionne bien. Le cumul des mandats sera désormais interdit. Le Parlement verra ses droits renforcés, ses pouvoirs de contrôle. Il n’y aura plus une seule loi votée si la loi précédente n’est pas appliquée.

Il y a aujourd’hui une loi sur deux votée par le Parlement qui n’a pas la totalité de ses décrets d’application. Donc, les Français en ont assez de cette agitation législative, qui fait sans doute plaisir aux ministres qui les proposent, mais qui, sur le terrain, n’a pas d’efficacité et n’a pas d’impact. J’ai vécu ce décalage entre les annonces en Conseil des Ministres, le temps du débat parlementaire, l’absence de décret d’application. Je veux un Parlement qui fonctionne bien, qui va contrôler l’application des lois. Le 49-3 sera supprimé pour que le débat puisse se faire. L’opposition sera respectée au Parlement. Je veux un Etat impartial. Donc, l’ensemble des institutions, dont l’impartialité doit être garantie, seront désignées à la majorité des 3/5ème de l’Assemblée nationale.

Ce sera le cas pour le Conseil constitutionnel, pour la Haute autorité de l’audiovisuel. Il y aura aussi une modification de la constitution des membres du Conseil supérieur de la magistrature, car je veux que ces institutions retrouvent vraiment leur impartialité et que l’Etat ne soit pas aux mains d’un seul parti. Il y aura, ensuite, une réforme de la démocratie sociale. Je l’ai évoquée tout à l’heure, c’est le deuxième pilier. Il y aura une deuxième étape de la décentralisation pour rendre l’Etat plus efficace et plus rapide. Il y aura, enfin, un pilier sur la démocratie participative, comme c’est le cas dans tous les pays modernes, avec un référendum d’initiative populaire possible, des jurys de citoyens qui interviendront, qui permettront à l’Etat d’avoir une juste autorité et de ne pas revoir les textes comme le CPE, voté de force à l’Assemblée nationale avec le 49-3, pourtant par une majorité, qui a une large majorité, qui détient tous les pouvoirs qui, malgré cela, passe en force avec le 49-3 pour le CPE et qui, sous la pression, de la rue est obligé de retirer sa réforme. Je pense qu’un Etat moderne et efficace avec une Présidente de la République qui rend des comptes et je viendrai rendre des comptes devant l’Assemblée nationale, doit moderniser ses institutions avec, notamment, aussi bien évidemment la réforme du Sénat et une part de proportionnelle.

Arlette Chabot : M. Sarkozy a trois minutes de retard. Si vous voulez répondre sur ce sujet.

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas un problème. Je rends bien volontiers ces trois minutes à Mme Royal. Je veux être précis, concret. Je ne juge pas cela à la quantité. Je donne acte à Mme Royal de ces trois minutes. Je les lui donne bien volontiers et je fais ma conclusion.

Patrick Poivre d’Arvor : Une petite question personnelle. Cela fait maintenant plus de deux heures, deux heures et demie que vous débattez ensemble. C’est la première fois que vous vous retrouvez pendant cette campagne, c’est la première fois depuis quatorze ans. Nous, avec Arlette Chabot, nous avions tendance à penser que vous aviez des points communs, que vous étiez un peu rebelle dans votre propre camp, résistant, combattant. Que pensez-vous l’un de l’autre ?

Nicolas Sarkozy : Ce n’est pas d’hier, et Mme Royal le sait bien, que je respecte son talent et sa compétence. J’avais eu l’occasion de le dire, ce qui m’avait valu des problèmes avec certains de mes amis. On n’est pas là où elle est, par hasard. Le système républicain est fait de telle façon qu’il faut développer de grandes qualités pour être le représentant et le candidat de sa propre formation. J’ai du respect pour le parcours qui a été celui de Mme Royal. Nous avons des différences d’appréciation, de points de vue, mais, durant cette campagne, nous avons donné l’image d’une démocratie apaisée, en même temps renouvelée. Sinon, il n’y aurait pas eu tant de participation. C’est vraiment quelqu’un qui, pour moi, est davantage une concurrente, si elle me le permet, qu’une adversaire. Je n’ai aucun sentiment personnel d’hostilité à l’endroit de Mme Royal.

Ségolène Royal : Je m’abstiens de jugement personnalisé, parce que le débat politique, c’est d’abord un débat d’idées. De ce point de vue, vous êtes un partenaire de ce débat démocratique que nous avons actuellement. Ce qui est important, c’est le choix de société que nous incarnons. La différence de valeur, la façon dont nous comptons exercer le pouvoir, la vision différente de l’avenir de la France. Je crois beaucoup aux débats d’idées. C’est ce que nous avons eu ce soir. Je souhaite que les Français puissent ainsi choisir en toute connaissance de cause.

Arlette Chabot : Conclusion de chacun.

Nicolas Sarkozy : Si on doit résumer les choses, qu’est-ce qui est important
pour moi ? Je l’ai dit en commençant, je vais finir par cela. Je crois à l’action. Je crois qu’il est très important de dire à nos compatriotes que la fatalité n’existe pas.

Ce mot n’existe pas dans mon vocabulaire. Cela fait trop longtemps que la politique est impuissante. Je souhaite que la politique soit de retour, la vraie politique, le débat ; on s’engage, on fait des promesses et on les tient. Je veux agir. Je veux passionnément agir au service de mon pays. Au fond, la France m’a tout donné. Il est venu le temps pour moi, à 52 ans, de tout lui rendre. Je veux faire en France les changements que d’autres ont fait dans d’autres pays pour que la France reste fidèle à son identité. Il n’y a aucune raison que l’on n’ait pas le plein emploi. Il n’y a aucune raison que l’on n’arrive pas à maîtriser l’immigration. Je veux être le président de la République qui rendra la dignité aux victimes. Je ne mettrai jamais sur le même plan les victimes et les délinquants, les fraudeurs et les honnêtes gens, les truqueurs et la France qui travaille. Je veux résoudre la crise morale française. La crise morale française porte un nom, c’est la crise du travail. Je veux que ce beau mot de travailleur que l’on n’emploie plus soit respecté et considéré. Je veux porter la question du pouvoir d’achat. Je veux protéger les Français face aux délocalisations.

Pour terminer, je veux à tous ceux qui trouvent que la vie est trop dure, à ceux qui ont mis un genou à terre, à ceux qui ont du mal, à ceux qui ne s’en sortent pas que, pour moi, président de la République, s’ils me font confiance, tous ont une utilité, tous ont le droit de travailler, tous ont le droit de vivre debout dignement du fruit de leur activité. Je ne crois pas à l’assistanat. Je ne crois pas au nivellement. Je ne crois pas à l’égalitarisme. Je crois au mérite, à l’effort, à la récompense, à la promotion sociale et, plus que tout, au travail. Je poserai d’ailleurs les termes d’une conférence sociale sur la qualité de vie au travail. Je veux dire, mes chers compatriotes, que c’est possible. Tout ce que j’ai dit, je le ferai. Je tiendrai scrupuleusement ma promesse et ma parole. Je ne me suis pas engagé à la légère dans cette campagne présidentielle. C’est un choix de vie, c’est un don de soi, c’est une véritable ascèse. Je me suis préparé pour ce rendez-vous. Si les Français me font confiance, je ne les décevrai pas, je ne les trahirai pas, je ne leur mentirai pas.

Ségolène Royal : Je suis là devant les Français. Je voudrais remercier ceux qui ont voté pour moi dès le premier tour, ceux qui m’ont rejoint et ceux qui me soutiennent. Je veux m’adresser aussi à ceux qui hésitent encore. Je veux leur dire de faire le choix de l’audace et de l’avenir. Je sais que, pour certains d’entre eux, ce n’est pas évident de se dire qu’une femme peut incarner les plus hautes responsabilités. D’autres le font à l’échelle de la planète ; il y a Angela Merkel. Je crois que c’est possible aussi. On voit comment cette femme est efficace, concrète et opérationnel.

Je veux être au service de la France, avec l’expérience qui est la mienne. Je suis une mère de famille de quatre enfants. J’ai dû concilier cet engagement politique et l’éducation de ma famille. Je tiens à des valeurs fondamentales. Je pense que tout se tient et que des familles qui fonctionneront bien, l’école qui reviendra au cœur du pacte républicain, la valeur travail qui sera défendue parce que le travail sera payé à sa juste valeur, la lutte contre toutes les formes d’insécurité, de violence et de précarité me permettront de construire une France paisible où l’on pourra réformer sans brutaliser, où jamais je ne dresserai les Français les uns contre les autres, les fonctionnaires contre les autres, ceux qui ont des heures supplémentaires contre ceux qui n’en ont pas, ceux qui ont des parachutes dorés et ceux qui sont licenciés.

Je veux rassembler les énergies de ce pays, parce qu’elles sont nombreuses, elles sont même exceptionnelles. Je compte en particulier sur la jeunesse. Je veux dire aussi à nos anciens qu’ils seront protégés et que je ferai tout pour sauver la sécurité sociale qui est aujourd’hui menacée. Je garantirai partout sur le territoire l’accès à la santé et au service public, parce que je sais que c’est l’une des conditions de l’efficacité économique du pays.

Je veux une France créative. Je veux une France imaginative. Je veux construire avec vous cette France présidente.

 http://tempsreel.nouvelobs.com/spec...

Messages

    • BRAVO DU SCOOP, SEGOLENE : 17% D’ELECTRICITE PRODUITE PAR LES CENTRALES NUCLEAIRES.

      ET LE SARKO D EN RAJOUTER, NON LA MOITIE DE L ELECTRICITE.

      QUELLE HONTE, PARLER DU NUCLEAIRE AVEC UNE TELLE IGNORANCE ! Tous les autres sujets ont été traités avec la même légèreté, ça promet.

      C EST 78% D ELECTRICITE PRODUITE PAR LE NUCLEAIRE CIVIL .

      SI IL Y AVAIT EU DES DEBATS ENTRE TOUS LES CANDIDATS CA AURAIENT PERMIS DE DONNER AUX FRANCAIS PLUS D ELEMENTS DE REFLEXION .

      IL FAUT ELEVER LES DEBATS , CHAQUE SUJET MERITE DES HEURES DE CONFRONTATION POUR QUE LA VERACITE DES SUJETS NE PUISSE PLUS ETRE MANIPULEE . On tranforme la réalité de ces sujets et la majorité du peuple n’y voit que du feu .

      LES FRANCAIS DOIVENT EXIGER DES DEBATS AVEC DES PARTICIPANTS COMPETENTS (ECONOMISTES ET POLITIQUES) POUR ENRICHIR LEUR SAVOIR.

      RESIGNE, JE VOTERAI PAR DEFAUT SEGOLENE.

      felix