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On a en moyenne 30 ans...

Publie le jeudi 5 juin 2003 par Open-Publishing














Manif le 03.06.2003 photos Veronique

On a en moyenne 30 ans quand on sort
de l’IUFM : 30 ans plus 42 ans (de cotisations), 72 ans.
Faut pas exagérer !


Elles sont toutes trois descendues dans la rue mardi 3 juin
2003 : Anne, enseignante pour élèves en difficulté, Dominique, étudiante
en IUFM, et Sylvie, professeur-documentaliste. Grévistes
depuis des semaines, elles sont décidées à aller jusqu’au
bout pour pousser le gouvernement à retirer ses projets de
loi sur les retraites et la décentralisation.

Paris, Xe arrondissment. Boulevard Magenta. Anne Fiore, 30
ans, enseignante en SEGPA (section d’enseignement général
et professionnel adapté) dans un collège de Montreuil (Seine-Saint-Denis)
regarde passer les manifestants, un sticker "No Raffaran" collé sur
le sac.

La jeune femme ne travaille plus depuis six semaines pour
manifester son refus des réformes gouvernementales. Le sacrifice
est énorme, dit-elle car financièrement, la grève, "c’est
un mois de retraite de salaire" et avec la perspective de
toucher 600 euros de moins sur son salaire de 1.500 euros
en mai.

Silhouette discrète en marge du défilé, Sylvie Decroix, 41
ans, professeur-documentaliste dans un collège du XIXe arrondissment
s’inquiète également. "Je vis seule avec mon enfant, Victor,
13 ans, et je ne vois pas comment je vais faire", avoue-t-elle
avec un sourire dépité.

Plus loin, Dominique Théon, 29 ans, étudiante en IUFM en
Seine-Saint-Denis et professeur à la rentrée "si les examens
ne sont pas reportés", évoque déjà "un avenir un peu noir" dans
l’Education nationale.

Mais toutes trois se disent déterminées à poursuivre leur
grève émaillée de manifestations jusqu’au bout, pour une école "plus
juste", pour "retirer des projets qui risquent encore d’aggraver
les problèmes de l’école", explique Anne.

Leur bête noire : la loi sur la décentralisation. Celle qui
risque de créer "un système à l’anglaise" où "l’on licencie
des quantité d’enseignants parce qu’on ne peut plus les payer",
lance Sylvie. Celle qui fait "qu’à terme on n’aura plus de
moyens, donc une éducation moindre", ajoute Dominique.

"Moi, j’étais en stage à Montfermeil en maternelle. J’avais 26 gamins et personne
pour m’aider et j’ai galéré. Après, à Clichy- Sous-Bois, j’avais un bouquin pour
trois gamins", raconte Dominique, le visage tendu.

Sylvie avoue sa crainte de voir la réforme aboutir à créer "des établissements
très marqués socialement : des bons établissements pour la
bourgeoisie et des garderies pour les pauvres"...

Leur autre cheval de bataille : les retraites, par solidarité avec
l’ensemble des manifestants et pour le bon fonctionnement
de l’école, disent-elles. "On a en moyenne 30 ans quand on
sort de l’IUFM : 30 ans plus 42 ans (de cotisations) : 72 ans.
Faut pas exagérer !", dit-elle. "Et encore faut pas se leurrer : à 58
ans, ils nous fouteront dehors et on n’aura pas une retraite à taux
plein".

"Ce n’est pas un métier qu’on peut faire jusqu’à 75 ans : il faut être toujours être
dans la créativité et être très présent physiquement, en forme", souligne Dominique,
pour qui il est affligeant que la réforme soit orientée "vers la réduction des
pensions des salariés alors que le patronat dégage de plus en plus de profits".

Pourtant, ces enseignantes souvent accusées d’être réfractaires
aux réformes affirment souhaiter le dialogue tout en défendant
avec passion l’Education nationale qui sert "d’ascenseur
social", leur "vocation" et leur désir de "travailler avec
les enfants, mais dans de bonnes conditions".

Assurées de la légitimité du mouvement enseignant, ces petits
soldats de l’Education nationale assurent qu’elles ne reculeront
pas face au gouvernement. Avec le report de la réforme des
universités en septembre et de la décentralisation, "je ne
sais pas ce que Luc Ferry attend pour le mois de septembre,
mais ça risque d’être très chaud", lance Anne avec un sourire
ironique. "On est pris en otage par le gouvernement. Il joue
le pourrissement mais nous, on est déterminées, voilà", conclut-elle.

Les cinq fédérations syndicales de l’Education (FSU, SGEN-CFDT,
FERC-CGT, UNSA-Education et FAEN) ont en tout cas appelé mardi à une
nouvelle journée de grèves et de manifestations le 10 juin,
jour prévu pour la rencontre entre l’ensemble des fédérations
et le gouvernement sur la décentralisation. PARIS (AP)

05.06.2003
Collectif Bellaciao