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Royal : les raisons de la défaite

Publie le lundi 7 mai 2007 par Open-Publishing
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La déception ressentie par la gauche est à la hauteur des espoirs nés durant cette campagne. Au delà des jugements péremptoires sur une France qui aurait basculé à droite, ou de la tentation de trouver un bouc émissaire dans la candidate qui a échoué dans sa tâche, l’observation des résultats permet de comprendre où la gauche a échoué.

Dès 20 heures hier, les règlements de compte ont commencé. Trop à droite pour certains, pas assez à gauche pour d’autre, manquant de propositions concrètes pour beaucoup, l’échec de la candidate socialiste est l’occasion pour tous d’entonner le « je vous l’avais bien dit » des déçus de tous bords.

Si la déception est grande, faut-il pour autant céder à la tentation simpliste de conclure à un basculement historique de la France vers la droite ?

De fait, la réalité est toujours plus complexe que les conclusions amères et trop rapides, auxquelles ont peut être tenté de se laisser aller au lendemain de la défaite.

L’ampleur de la défaite

Le score de Ségolène Royal n’est pas bon, certes, mais il s’inscrit dans la fourchette des précédents scrutins présidentiels, et est supérieur à celui obtenu par Chirac contre Mitterrand II en 1988.

10 mai 1981
 Mitterrand 51,76 / Giscard 48,24
 abstention 14,15

8 mai 1988
 Mitterrand 54,02 / Chirac 45,98
 abstention 15,93

7 mai 1995
 Chirac 52,64 / Jospin 47,36
 abstention 20,34

Une France à droite ?

La ventilation du vote par statut professionnel montre que la gauche, si elle est loin d’avoir retrouvé l’entière confiance des classes populaires, y reste majoritaire, même si c’est d’une courte tête.

Le vote Sarkozy / Royal par catégorie socio-professionnelle
 Agriculteurs 67% / 33%
 Artisans Commerçants 82% /18%
 Professions libérales, Cadres Sup 52% / 48%
 Professions intermédiaires 49% / 51%
 Employés 49% / 51%
 Ouvriers 46% / 54%

Si la droite est sans surprise majoritaire ches les artisans et commerçants, libéraux et cadres supérieurs, elle n’a pas réussi à convaincre les couches populaires, contrairement à ce qu’elle proclame.

Par contre, en observant la ventilation par statut d’emploi, on constate un déficit significatif chez les salariés du privé.

Le vote Sarkozy / Royal par statut
 Salarié du privé 53% / 47%
 Salarié du public 43% /57%
 Travailleurs indépendants 77% / 23%
 Chomeurs 42% /58%
 Retraités 65% / 35%

Si l’on observe, comme on pouvait s’y attendre, que les travailleurs indépendants ont été largements séduits par les promesses d’allègement d’impôts de Sarkozy, la sous représentation du vote Royal chez les retraités confirme la réalité pointée dans un précédent article [1] qui avait alerté sur les chiffres impressionnant que recueillait le vote Sarkozy chez les séniors.

La démographie vieillissante de la France transforme la réalité sociologique du pays, et la gauche visiblement n’a pas pris la mesure de ce phénomène. A titre d’exemple, lors du face à face Royal Sarkozy, aucune mesure spécifique en faveur des retraités n’a été évoquée par la candidate de gauche en direction des 1O millions d’électeurs agés de 65 ans et plus qui représentent potentiellement près du quart de l’électorat.

La ventilation des votes par tranche d’âge confirme cette tendance :

Le vote Sarkozy / Royal par tranche d’âge
 18 à 24 ans 42% / 58%
 25 à 34 ans 57% / 43%
 35 à 44 ans 50% / 50%
 45 à 59 ans 45% / 55%
 60 à 69 ans 61% / 39%
 70 et plus 68% / 32%

Mais elle fait aussi apparaitre un « trou » significatif chez les jeunes actifs, qui pose une vraie question. Les appels à « libérer le travail » ont visiblement rencontré un fort écho dans une tranche d’âge qui éprouve aujourd’hui les plus grandes difficultés pour s’insérer dans la vie professionnelle.

Une bonne candidature ?

Les critiques sont nombreuses au lendemain de la défaite, et chacun estime connaitre « la » bonne raison expliquant l’échec.

Pour les uns, c’est le programme, manquant de mesures concrètes facilement identifiables, ou accusé d’être trop ou pas assez à gauche, selon les familles politiques.

Pour les autres c’est la candidate, qui n’a pas su convaincre, pour les troisièmes c’est la campagne, démarrée trop tardivement et qui a peiné à monter en régime, pénalisée par l’absence de relais et la solitude - voulue ou subie , les avis divergent là dessus - de la candidate.

Et pour beaucoup, la misogynie du corps électoral expliquerait, elle aussi, le résultat.

Il ne nous appartient pas de démêler la part de ces facteurs, aussi nous considérons ici une candidature, c’est à dire l’ensemble formé par la candidate, le programme et la campagne.

L’adhésion à la candidature

Le verdict est mauvais, fort mauvais. interrogés sur leurs motivations de vote, seuls 13 points séparent les électeurs de Royal qui ont choisi de voter pour elle par envie de la voir devenir présidente de ceux qui l’on fait pour faire barrage à Sarkozy, alors que ce nombre atteint presque 60% chez les électeurs de Sarkozy.

Motivation du vote Sarkozy
 Vous aviez envie qu’il soit président 77%
 Pour s’opposer à Royal 18%

Motivation du vote Royal
 Vous aviez envie qu’elle soit présidente 55%
 Pour s’opposer à Sarkozy 42%

Le constat est clair. Le vote Royal est un vote par défaut, alors que le vote Sarkozy est un vote d’adhésion. La candidature n’a pas convaincu, et l’enthousiasme manifesté à Charlety ne doit pas masquer cette réalité.

La capacité à rassembler son camp

Avant d’aller mordre sur l’électorat du centre, une bonne candidature est celle qui fait le plein des électeurs de sa famille politique. Là aussi, les résultat de la candidature Ségolène Royal sont médiocres.

Parmi les électeurs qui avaient apporté leur voix à « la gauche de la gauche » au premier tour, seuls 72% ont apporté leur voix à Ségolène Royal au second, 15% ayant préféré s’abstenir.

Les partisans d’Olivier Besancenot ont été encore plus réticents, puisqu’ils n’ont été que 69% à lui accorder leur confiance, et 20% à se réfugier dans l’abstention.

Cependant, la responsabilité de ces mauvais reports ne peut être seulement attribuée à la candidate. L’absence de vision unitaire du camp progressiste, fréquente chez les partisans de l’extrême gauche, ne prédispose pas ses électeurs à apporter leur soutien à un gouvernement de gauche.

Mais les résulats de la candidate ne sont pas non plus satisfaisant chez les électeurs qui s’identifient aux partis de la gauche de gouvernement. Elle n’a rassemblé que 90% des votants se déclarant proche du PS et 88% de ceux qui sont proches du PC.

A titre de comparaison, Nicolas Sarkozy a obtenu 98% des électeurs se déclarant proche de l’UMP.

De la même manière, elle n’a obtenu que 94% des voix chez les personnes se déclarant à gauche, et 87% de ceux qui s’affirment plutôt à gauche.

Là encore, Nicolas Sarkozy fait mieux, en rassemblant 97% des électeurs se déclarant à droite et 93% de ceux qui se disent plutôt à droite.

Enfin, 5% des électeurs se revendiquant de la droite ont voté Royal, alors qu’ils sont 9% de la famille de gauche à avoir apporté leur vote à Nicolas Sarkozy. Cette différence de 4 points dans le nombre de transfuges est un nouvel indice de l’échec de la candidate socialiste à mobiliser son camp derrière elle.

Le ratage de l’ouverture au centre

Dernier élément d’appreciation, la capacité à morde sur l’électorat du centre. Là aussi c’est l’échec, et l’offensive de charme en direction du centre n’a pas porté ses fruits.

40% des électeurs de Bayrou ont voté Sarkozy, 38% pour Royal et 15% se sont abstenus.

Une bonne gauche, une mauvaise candidature

Loin d’avoir uniformément basculé à droite et adopté les thèses ultra libérale de son candidat, une bonne part de l’électorat reste fidèle à la tradition progressiste profondément ancrée en France.

Si l’échec chez les 25/34 ans, et la déroute chez les séniors devront être analysés, compris, il ne doivent pas faire oublier toutes les catégories dans lesquelles les idéaux de la gauche gardent toute leur vigueur.

Les bons résultats du vote Royal dans la jeunesse, chez les étudiants, chez les actifs de 35 à 59 ans, chez les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires, montrent qu’un socle fort a résisté aux sirènes sarkoziennes.

Mais ce constat de la bonne résistance de la gauche ne peut faire l’économie de cette autre réalité.

C’est bien la candidature, ce tryptique programme, candidat, campagne, qui n’a pas fonctionné, n’a pas convaincu, n’a pas su emporter l’adhésion.

Ce n’est pas la gauche qui a été sévèrement battue. C’est sa candidature.

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Messages

  • Ne ratons pas les législatives,sinon nous entrerions dans une manarchie absolue insupportable.

  • c’est très anti-ségo votre site, ainsi que votre article... manque d’objectivité peut-être....

    • sa personnalité empreintée de religiosité, son agressivité, sa vanité hautaine et son débat nul par rapport à celui de l’excellent orateur convaincant qu’est Nicolas Sarkozy font qu’elle a perdu la finale. Je pense que Dominique strauss-kahn aurait été un meilleur candidat, il y a eu erreur de casting chez les socialistes.

  • Segolene Royal a été une candidate formidable qui a essayé justement d’assembler et de satisfaire cette grande gauche divisée alors que la droite sarkozyste est rassemblée.
    Bien sur que la gauche existe mais ces différents partis anti-libéraux peuvent eux aussi semer le trouble. Le geste de Segolene envers les centristes était nécessaire pour réunir un ensemble de votes. Alors que Besancenot, Arlette, Bové ont fait appel au vote en faveur de Segolene beaucoup se sont abstenus profitant à Sarko bien évidemment. La france est devenue egoiste et l’élection démocratique en est bien la preuve malheureusement . Sarko lui aréussi à se faire élire par des militants FN pour le pire de la république bouffée par les clichés et le profit.

    La gauche réveillez vous car nous sombrons dans la droite la plus extreme. votez aux législatives

    une sympathisante de segolene royal