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La droite qui avance

Publie le mercredi 9 mai 2007 par Open-Publishing

de Rossana Rossanda Traduit de l’italien par Karl&Rosa

Ségolène Royal n’y est pas arrivée, six points la séparent de Nicolas Sarkozy, élu président de la république en France avec les voix de la droite, la moitié de celles du centre et celles de presque toute l’extrême droite lepéniste. La participation au vote a été massive, son signe non équivoque.

Nicolas Sarkozy, le dur ministre de l’Intérieur du gouvernement sortant, était arrivé premier dès le premier tour et il l’est toujours resté. La candidate socialiste était arrivée au ballottage en difficulté, avec François Bayrou qui lui barrait la route, un électorat centriste perplexe et la gauche de la gauche en miettes – chose dont les commentateurs se sont glorifiés.

La campagne de Ségolène avait été très modérée, sous le signe de la rencontre directe avec les gens et à peine a-t-elle haussé le ton dans l’unique face à face avec Sarkozy (entendons-nous bien, rien à voir avec les lourdeurs de chez nous) qu’elle est descendue d’un coup de trois points. Le ciel nous en préserve, s’est alarmée la France, assez d’extrémismes – la presse écrite, Le Monde en tête, le lui a reproché et même le Nouvel Observateur, qui invitait à voter pour elle, ajoutait qu’en tout cas Sarkozy n’aurait pas été le pire des présidents. Moralité, l’ex ministre de l’Intérieur a gagné largement. Maintenant il y a les élections politiques pour le parlement, on va voter le 12 juin, mais il y a des doutes que les électeurs, confus et repentis, donnent une bonne leçon à Sarkozy après l’avoir promu.

Qu’est-ce que c’est qui a poussé sur ce chemin nos voisins, qui s’étaient beaucoup moqués de nous à cause de Berlusconi ? Primo, la « rupture » promise par Sarkozy : assez de l’égalité, assez des 35 heures, détaxation des heures supplémentaires pour les entreprises, interdiction des grèves sans référendum préalable parmi tous les salariés, fin de l’assistance aux chômeurs n’acceptant pas la deuxième proposition d’emploi, réduction de moitié du turnover dans la fonction publique, de l’argent à l’entreprise comme unique et suffisante garantie de croissance et donc de l’emploi, immigration « choisie », défense de l’identité nationale, une Europe sans Constitution et sans besoin de référendums, restauration de toutes les autorités et qu’on en finisse avec l’héritage néfaste de 68. Ces déclarations répétées n’ont rencontré aucun mouvement de protestation.

L’effritement de la gauche, dont les querelles ont été à nouveau suicidaires, démontre combien la « rupture », même culturelle, est profonde. La vague de droite, en somme, mobilise : qui parle de crise de la politique ? La politique fonctionne encore pour contraster une remontée en surface, même soft, de la gauche.

Secundo, jamais une femme présidente de la République ! Il faut avoir été ici pour y croire, mais dans un pays si moderne, prospère et avancé, le doute qu’une femme puisse diriger l’Etat est répandu. Une presse attentive à la plus petite faute ou présumée telle, les dessins humoristiques cruels (la satire est peut-être sacrée, mais elle travaille sur les pulsions sûres), et le peu de propension des femmes à voter pour une des leurs, les féministes qui s’éclipsent : l’intention est explicite de barrer la route à une femme, même modérée et partisane de l’écoute, en plus avenante et sûre d’elle au point de ne se faire coopter par personne, que cela plaise ou non aux leaders de son parti. Lesquels sont déjà partis pour lui faire sa fête. Le sacerdoce, ecclésiastique ou civil, n’est pas une affaire de femmes.

Sur cela, la très laïque France rejoint le Vatican plutôt que l’Allemagne ou le Royaume Uni. Bref, dans l’Europe du troisième millénaire le mot « renouvellement » sonne : tout à droite. C’est Brejnev qui vient à l’esprit qui, à ceux qui observaient que le socialisme de l’URSS n’était pas le socialisme, a répondu : c’est est le seul qu’il y ait, le socialisme réel. Et cette démocratie, nous disent en 2007 les urnes transalpines, est la démocratie réelle.

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